Sadorski et l'ange du péché : Le livre de Romain Slocombe

L’inspecteur principal adjoint Sadorski est complexe. La situation à Paris est complexe. Les anglo-américains ont débarqué en Italie. Les armées hitlériennes se sont cassé les dents à Stalingrad. Peut-être que le fait d’avoir recueilli la juive Odwak pourrait lui servir et autrement que pour son éventuel plaisir. Et c’est un homme, qui sans cracher dans la soupe vichyssoise, place des jetons auprès des honnêtes gens en faisant penser qu’il est résistant. Peut-être un soupçon par nécessité. Car n’oublions pas que pour Sadorski, nécessité fait loi. Ce tome est plus « difficile » que le premier avec des descriptions des déportations qui vous remuent le bide. Un mal qu’il faut connaître et faire connaître.

Je sors de ce roman partagé entre un réel sentiment de dégoût à l'égard de son personnage principal, qui s'enfonce toujours plus loin dans l'abjection, et une réelle admiration à l'égard de la façon dont l'auteur parvient à nous rendre présent la réalité de la vie des Parisiens au printemps 1943. Certaines scènes sont particulièrement bien vues je trouve, en particulier le passage de Sadorski à Drancy pour encadrer le départ d'un convoi de Juifs vers une mort certaine, ou encore la scène finale du roman (dont je ne dirai rien de plus évidemment ici !). Je serai toutefois plus critique sur ce volume que sur les deux précédents. D'abord, je n'ai pas retrouvé la tension dramatique qui animait "L'étoile jaune de l'inspecteur Sadorski" : les 600 pages du roman enchaînent assez habilement différentes affaires, toutes s'inspirant de faits réels et très bien documentées, mais il manque me semble-t-il le "souffle de l'Histoire" (avec un grand H) que j'avais trouvé dans le volume précédent. Ensuite, le recours de l'auteur à des procédés indirects (lecture par Sadorski du journal de Julie - la jeune juive qu'il a recueilli chez lui avec quelques arrières-pensées -, récit de l'Obermeister Pisk) contribue à atténuer la force du roman, même s'ils apportent des informations précieuses, de façon toutefois un peu plaquée parfois. Enfin, la dimension érotique du livre, beaucoup plus importante dans ce volume que dans les précédents, avec cette fascination malsaine de Sadorski pour les jeunes femmes juives, faite à la fois de pulsions sexuelles violentes et de volonté de protection sincère, paraît parfois un peu forcée voire peu crédible, au vu des autres caractéristiques du personnage. D'ailleurs, une autre faiblesse du roman réside me semble-t-il dans le personnage d'Yvette, l'épouse de Sadorski, qui paraît plus que jamais ici purement décoratif : comment une femme si belle, si joyeuse et aimant la vie (d'après ce qu'en dit l'auteur) peut-elle rester fidèle et se contenter de tenir l'appartement du couple (accueillant il est vrai la jeune Julie, dont les parents ont été déportés), alors que son homme, décrit comme assez laid et peu soigné de sa personne, est toujours en vadrouille à travers Paris, sans se priver pour sa part de la tromper, de lui mentir avec aplomb et même de l'injurier parfois ? Mais peut-être Romain Slocombe, qui a plus d'un tour dans son sac, compte-t-il donner plus d'épaisseur à ce personnage dans les volumes suivants de la saga... ou bien continuera-t-il à la cantonner dans le rôle de la ravissante idiote ? À suivre donc...