La Reine du labyrinthe : Le livre de Camille Pascal

L'affaire du collier de la reine Marie Antoinette dont toute la véritable intrigue est racontée dans ce livre. Jeanne de la Motte Valois descendante d'un bâtard d'Henri II, mariée à un ancien militaire et tous deux fauchés mais avides d'argent, de luxe et de reconnaissance vont orchestrer une magnifique supercherie dans une pseudo vente d'un trop onéreux et hideux collier qui serait convoité par la reine. Jeanne de Valois, jolie femme d'une vertu assez légère, très intelligente manipulatrice n'hésite pas à séduire et devenir la maîtresse du cardinal de Rohan dont l'ambition est de devenir un nouveau Richelieu ou Mazarin. Cet homme respecté, mais dévoré par l'ambition et manipulé par sa maîtresse va devenir le dindon d'une farce gigantesque opérée par la dernière des Valois. Mensonges, manipulations, luttes de pouvoir, escrocs, faussaires sont au cœur de cette escroquerie qui se terminera par un retentissant procès qui entachera un peu plus la réputation de Marie Antoinette.

Camille Pascal nous entraîne dans un roman divertissant, joyeux, remarquablement construit, il nous propose la vérité sur la célébrissime affaire du collier de la Reine Marie-Antoinette, rien que ça ! Je suis incompétent pour en juger, en tout cas cette version est très convaincante. Nous sommes transportés de 1782 à 1786, au cœur des intrigues de cour, comme dans ces autres romans historiques, l’accent est mis sur les lieux, les moyens de transports et les déplacements innombrables, les vêtements décrits très précisément. Le récit est une succession dans l’ordre chronologique, de scènes où l’ambiance, les émotions, les emportements de toutes natures, les dialogues sont ciselés et très vivants. Au delà de la description des mœurs et de la progression dans l’intrigue magistralement conduite, j’y reviendrai, l’intérêt de ce roman est aussi de brosser les grandes tendances et mentalités de cette époque et donne à voir les évolutions qui s’accélèrent ces années-là. Pour mieux partager cet aspect que je trouve fort intéressant, je vous en livre un échantillon : Lundi 2 février 1784 à l’occasion de la fête de la Chandeleur, Galerie des Glaces. «  En ce jour où l’on s’apprêtait à fêter la présentation de Jésus au Temple, la presse était inhabituelle, tant la Cour était de plus en plus désertée, notamment pendant la semaine, en raison de l’ennui qui s’en dégageait mais aussi de l’esprit de fronde que l’on voyait gagner les plus fidèles soutiens du trône. Il en était ainsi de ces familles attachées à son service depuis des siècles et qui s’ estimaient mal rétribués, méprisées même, par un roi trop jeune, parfaitement incapable de reconnaître quiconque a plus de deux toises par la faute de sa mauvaise vue autant que de sa timidité, et une reine enfermée dans ses entresols. Les tendances lourdes sont posées, bien explicitées. Mais vous serez captivés par une intrigue labyrinthique extrêmement bien rendue. Ce livre est un script, vous serez confortablement installé comme au cinéma, tout y est odeurs, sentiments, sexe, argent , pouvoir, concupiscence, décors, et au centre de tout un chef d’œuvre de tromperie, de duperie, de manipulations, de duplicité pernicieusement intelligente ! A travers d’une seule personne : Jeanne de la Motte Valois, et d’une victime principale le cardinal de Rohan tous deux rongés par l’ambition et proches de l’abîme du déclassement ». Et dire que tout cela fut vrai ! «  j’écris des vérités, et on croira que je raconte des fables ; je le croirais moi-même, si je n’avais la certitude des faits que j’avance . » cette phrase mise en exergue est de l’abbé Georgel, qui fut le fidèle vicaire général du cardinal de Rohan. En fin de livre, les sources sont citées en vrac pour assurer de la véracité de la thèse. Entre les deux une formidable fresque dont je vous recommande la savoureuse lecture !

Je me suis absolument régalé avec cette affaire célèbre et triste pour le pouvoir qui devait chuter en 1789. Excellente plume qui nous fait naviguer avec saveur dans ce Paris, cette France en pleine mutation. Depuis la lecture de la biographie de Marie-Antoinette, il me tardait d'en lire un développement sourcé.

Jeanne de la Motte, descendante des Valois veut retrouver le standing qu'elle pense lui être dû ainsi que le train de vie qui va avec. Pour cela elle parvient, en usurpant l'identité de la reine Marie-Antoinette, à acquérir un collier d'une immense valeur, qui avait été proposé à la vente à cette dernière. Pour ensuite le revandre et toucher le pactole. Les débuts peuvent être laborieux, on met un peu de temps à rentrer dans l'histoire mais celle-ci prend très vite de l'ampleur et nous emmène sur les traces de ce qui devient une affaire d'état et aura des conséquences sur bon nombre de gens, voir même sur l'histoire du royaume de France. Plus le récit avance et plus cela devient captivant alors même que l'on prend conscience que tout ce que rapporte Camille Pascal (et ce même si c'est sous forme romancée) se base sur des documents d'archives relatant de véritables témoignages des personnages d'époque. Il faut donc un peu s'accrocher mais la récompense finit par arriver et le lecteur ne peut que s'étonner de l'évolution surréaliste que prend cette affaire qui n’était au départ qu'une histoire d'opportunisme basée sur un intérêt pécuniaire.