Les dépossédés : Le livre de Steve Sem-Sandberg

« Si vous avez besoin de sept cents travailleurs, adressez-vous à nous : nous vous les donnerons. Si vous avez besoin de mille travailleurs, nous vous en donnerons mille. Mais ne répandez pas la terreur parmi nous. N’arrachez pas les hommes à leur travail, les femmes à leur foyer, les enfants à leur famille. Laissez-nous vivre en paix, sans heurts – et nous vous promettons de vous aider autant que faire se peut. ». Voilà le pacte qu’entend conclure Mordechai Chaim Rumkovski avec les Nazis à la création du ghetto de Lodz en mai 1940. L’homme d’affaires, fort de son titre de président du Conseil juif de Lodz depuis 1939 et de directeur du ghetto, se persuade ainsi de sauver des vies grâce à la puissance de travail des Juifs asservis, mise au service de la Wermarcht. Ateliers de confection, cordonneries, ébénisterie, atelier de rembourrage, usine de textile, tannerie, teinturerie, usine métallurgique, usine de pelleterie : pendant toute la durée de la Seconde guerre mondiale, hommes, femmes et enfants Juifs se soumettent à la devise de leur Président « Unser Einziger Weg Ist Arbeit! Le travail est notre seul recours! » « Trois ans d’esclavage; trois ans de soumission à une puissance d’oppression dont le seul but n’avait jamais été que l’anéantissement total du ghetto. » Steve Sem-Sandberg s’est nourri des écrits de la Chronique du ghetto, rédigés secrètement par un petit groupe d’employés du service des archives au sein de l’administration en place, un compte-rendu quotidien des horreurs vécues par la population juive sous emprise. L’imposture dévoilée d’un homme qui s’est cru longtemps sauveur de son peuple, rêvant d’un ghetto juif autonome, alors qu’il n’était qu’un « roi vassal ». « Car qu’avait jamais eu à offrir le Président, si ce n’est d’interminables discours dans lesquels il se glorifiait lui-même? » Les Dépossédés, le titre à lui seul résume les actions et les buts du IIIe Reich; le roman témoigne d’une effroyable période de l’Histoire, d’une cruauté sans nom et dont on ne finit plus de se consterner. Il s’avère également un complément historique au roman de Hubert Haddad, Un monstre et un chaos, qui m’avait laissée tristement ébahie.