

Où s'adosse le ciel

À la fin du XIXe siècle, Bilal Seck achève un pèlerinage à La Mecque et s'apprête à rentrer à Saint-Louis du Sénégal. Une épidémie de choléra décime alors la région, mais Bilal en réchappe, sous le regard incrédule d'un médecin français qui cherche à percer les secrets de son immunité. En pure perte. Déjà, Bilal est ailleurs, porté par une autre histoire, celle qu'il ne cesse de psalmodier, un mythe immense, demeuré intact en lui, transmis par la grande chaîne de la parole qui le relie à ses ancêtres. Une odyssée qui fut celle du peuple égyptien, alors sous le joug des Ptolémées, conduite par Ounifer, grand prêtre d'Osiris qui caressait le rêve de rendre leur liberté aux siens, les menant vers l'ouest à travers les déserts, jusqu'à une terre promise, un bel horizon, là où s'adosse le ciel...
Ce chemin, Bilal l'emprunte à son tour, vers son pays natal, en passant par Djenné, la cité rouge, où vint buter un temps le voyage d'Ounifer et de son peuple.
De l'Égypte ancienne au Sénégal, David Diop signe un roman magistral sur un homme parti à la reconquête de ses origines et des sources immémoriales de sa parole.
Aimer

Suisse, 1984. Margaux, neuf ans, se jette dans les eaux glacées du lac Léman. Pétrifié, Alexis, son camarade de classe, assiste à son sauvetage. Entre les deux enfants naît alors une complicité vibrante. Mais bientôt, Margaux disparaît mystérieusement. Quarante ans plus tard, tous deux se retrouvent par hasard. Lui, ancien consultant, a tout quitté, rongé par la culpabilité du scandale lié au Duroxil, un opioïde qui a ravagé l'Amérique. Elle, après une enfance dramatique, est devenue écrivain, célibataire et heureuse de l'être, mais ses romans sont peuplés de fantômes. Entre eux, l'amour est intact, aussi brûlant qu'au premier jour. Mais aimer à cinquante ans, est-ce encore possible, quand un père se meurt, quand les enfants grandissent loin, quand le monde lui-même semble s'effondrer ?
De l'enfance à l'âge mûr, de la Suisse de la fin du siècle dernier à la France des années 2020, en passant par les États-Unis où s'annonce déjà le retour de Donald Trump,
Aimer dessine une fresque éblouissante sur ces instants où tout peut encore basculer. Un souffle de vie inouï traverse ce roman lumineux, sur la grâce des secondes chances.
L'homme qui lisait des livres

Entre les ruines fumantes de Gaza et les pages jaunies des livres, un vieil homme attend. Il attend quoi ? Peut-être que quelqu'un s'arrête enfin pour écouter. Car les livres qu'il tient entre ses mains ne sont pas que des objets – ils sont les fragments d'une vie, les éclats d'une mémoire, les cicatrices d'un peuple.
Quand un jeune photographe français pointe son objectif vers ce vieillard entouré de livres, il ignore qu'il s'apprête à traverser le miroir. " N'y a-t-il pas derrière tout regard une histoire ? Celle d'une vie. Celle de tout un peuple, parfois ", murmure le libraire. Commence alors l'odyssée palestinienne d'un homme qui a choisi les mots comme refuge, résistance et patrie.
De l'exode à la prison, des engagements à la désillusion politique, du théâtre aux amours, des enfants qu'on voit grandir et vivre, aux drames qui vous arrachent ceux que vous aimez, sa voix nous guide à travers les labyrinthes de l'Histoire et de l'intime. Dans un monde où les bombes tentent d'avoir le dernier mot, il nous rappelle que les livres sont notre plus grande chance de survie – non pour fuir le réel, mais pour l'habiter pleinement. Comme si, au milieu du chaos, un homme qui lit était la plus radicale des révolutions.
Les Fragments d'Hélène

" J'ai mis des années avant d'oser écrire sur Hélène. Elle n'était pas que l'étranglée de la rue d'Ulm. Elle était un mystère, une femme aux multiples identités, une personnalité opaque, hermétique aux récits. Le meurtrier possède sa biographie en plusieurs tomes, des rayonnages entiers, des archives dédiées. On l'étudie. On le lit. Elle : rien. Il lui a écrit des
Lettres à Hélène, des centaines de pages. Des mots publiés, sans ses réponses, à elle.
Si cette femme est un mystère, si j'en sais si peu sur elle, que faire ? Lorsque l'on n'est ni historienne ni biographe, quel intérêt d'écrire sur une autre personne ? J'ai fini par répondre à cette question, parce que chaque femme a droit à la parole.
J'ai longtemps tâtonné avant de la nommer. On l'appelle Althusser, Rytmann, Legotien. Comment choisir ? Un jour, pourtant, j'ai réussi à l'appeler Hélène. C'est drôle parce que chez les féministes, on se méfie des personnes qui appellent les femmes par leur prénom. Mais les choses se meuvent dans la vie et il m'a semblé que ce prénom disait tout d'elle, et la poésie et la mer, et la force et le langage. Il m'a semblé que le prénom Hélène la révélait davantage que ses patronymes changeants, ses noms de code et d'épouse. Il racontait aussi sans doute la tragédie qui l'attendait. "
Physiquement

D., la vingtaine, vit une jeunesse bretonne sans éclat mais tranquille, non loin de sa mère Cécile, une institutrice que la honte pousse à éviter le supermarché employant son fils, et de sa jeune sœur Lala, lycéenne flamboyante. D'où vient, pourtant, cette violence en lui ?
Incapable de donner du sens à certains de ses actes passés et présents, D. choisit d'abandonner du jour au lendemain sa maison, son travail et son chien, pour fuir vers Paris, où l'accueille une amie d'enfance, Soraya. Grâce à elle, un monde électrique se révèle : celui de la culture queer, des soirées alternatives, de la sexualité joyeuse et de la politique radicale. En quelques mois, D. change ses façons de faire et de penser, précise le genre d'homme qu'il est, ou du moins qu'il compte être – s'il parvient à se débarrasser de ses mauvaises habitudes et de ses faux désirs.
Il en oublierait presque Lala, devenue de son côté étudiante à Rennes, et prête, elle aussi, à se laisser emporter, transformer par sa vie nouvelle. Prête ? À moins qu'une vérité intime, exhumée par hasard, ne fasse toujours plus diversion, jusqu'à l'empêcher complètement. Et cette vérité concerne son frère, qu'elle décide de retrouver à Paris, pour avancer enfin.