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Les damnés de la terre
Jean-Paul Sartre (préface de), Alice Cherki (préface de)
Date de parution : 23/01/2004
Éditeurs :
La Découverte

Les damnés de la terre

Jean-Paul Sartre (préface de), Alice Cherki (préface de)
Date de parution : 23/01/2004

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Éditions François Maspero, le...

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Éditions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel. Il a servi – et...

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Éditions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel. Il a servi – et sert encore aujourd’hui – d’inspiration et de référence à des générations de militants anticolonialistes. Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d’un tiers monde révolutionnaire porteur d’un « homme neuf » restent un grand classique du tiers-mondisme, l’œuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.
Dans cette édition, la préface d’Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste, auteur du Portrait de Frantz Fanon (Le Seuil, 2000), et la postface de Mohammed Harbi, combattant de la première heure pour la libération de son pays et historien de l’Algérie contemporaine, auteur de Une vie debout. Mémoires politiques 1945-1962 (La Découverte, 2001), restituent l’importance de la pensée de Frantz Fanon.

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EAN : 9782707142818
Code sériel : 134
Façonnage normé : POCHE
Nombre de pages : 322
Format : 125 x 190 mm
EAN : 9782707142818
Code sériel : 134
Façonnage normé : POCHE
Nombre de pages : 322
Format : 125 x 190 mm

Ils en parlent

Analyse tranchante et manifeste passionné de la mue douloureuse transformant le colonisé en homme nouveau. [...] Les enjeux et le destin exceptionnel du livre sont opportunément cadrés par une nouvelle préface d'Alice Cherki, ex-collègue de Fanon, à qui elle a consacré Une vie debout (La Découverte).
Libération
Cet ouvrage est paru en novembre 1961 alors que Frantz Fanon, atteint d'une leucémie, s'éteignait près de Washington. Un texte rageur, testamentaire qui, dans une prose précise et dépouillée, dénonce de façon magistrale la violence insidieuse de la colonisation.
Le Magazine littéraire

Ce qu'en pensent nos lecteurs sur Babelio

  • oeuvreslitteraire22 21/02/2024
    L'ouvrage "Les Damnés de la Terre" de Frantz Fanon, publié en 1961, est une œuvre majeure de la littérature postcoloniale et un texte essentiel dans le domaine des études décoloniales. Fanon, psychiatre et penseur révolutionnaire d'origine martiniquaise, y explore les effets psychologiques et sociaux de la colonisation sur les peuples colonisés, tout en appelant à la libération nationale et à la révolution contre l'oppression coloniale. Dans cet ouvrage, Fanon expose la violence et l'inhumanité du colonialisme, ainsi que les stratégies utilisées par les opprimés pour se libérer de leur condition. Il met en lumière le processus de décolonisation, mettant en garde contre les pièges de la néo-colonisation et de la dépendance post-indépendance. Fanon analyse également les dynamiques de pouvoir qui régissent les relations coloniales, ainsi que les conséquences psychologiques de la domination coloniale sur les individus et les peuples colonisés. Il propose des réflexions sur l'aliénation, la violence, la révolte et les luttes de libération nationale comme moyens de récupérer l'identité et la dignité volées par le colonialisme. Les Damnés de la Terre" est un manifeste révolutionnaire qui insiste sur la nécessité pour les peuples colonisés de se libérer de la domination coloniale à travers des luttes de libération nationale radicales. Cet ouvrage continue d'être une référence majeure pour comprendre les enjeux de la décolonisation, de l'émancipation et de la résistance aux formes contemporaines de domination.L'ouvrage "Les Damnés de la Terre" de Frantz Fanon, publié en 1961, est une œuvre majeure de la littérature postcoloniale et un texte essentiel dans le domaine des études décoloniales. Fanon, psychiatre et penseur révolutionnaire d'origine martiniquaise, y explore les effets psychologiques et sociaux de la colonisation sur les peuples colonisés, tout en appelant à la libération nationale et à la révolution contre l'oppression coloniale. Dans cet ouvrage, Fanon expose la violence et l'inhumanité du colonialisme, ainsi que les stratégies utilisées par les opprimés pour se libérer de leur condition. Il met en lumière le processus de décolonisation, mettant en garde contre les pièges de la néo-colonisation et de la dépendance post-indépendance. Fanon analyse également les dynamiques de pouvoir qui régissent les relations coloniales, ainsi que les conséquences psychologiques de la domination coloniale sur les individus et les peuples colonisés. Il propose des réflexions sur l'aliénation, la violence, la révolte et les luttes de libération nationale comme moyens de récupérer l'identité et la dignité volées par le colonialisme. Les Damnés de la Terre" est un manifeste révolutionnaire qui insiste sur la nécessité pour les peuples colonisés de se libérer de la domination coloniale à travers des luttes de libération nationale radicales. Cet ouvrage...
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  • Chri 31/01/2024
    10 … 9 … 8 … 7 … 6 … 5 … 4 … Spécisme et Eugénisme Racisme et Capitalisme 3 … 2 … 1 … La guerre éclate. C’est le comble de la damnation puisqu’on est prêt à mourir pour se libérer d’une machine infernale. Aujourd’hui, je suis le rouage de quelle machine ? Suis-je autre chose qu’un rouage ? Laissons le questionnement se développer. Tiens ! Nous venons de passer du Je au Nous. Ce “nous” à la fois simple et complexe. Simple, quasi-substantiel, mobilisateur par magie, polarisé comme une machine. Complexe, recouvrant des motifs d’une diversité quasi-infinie, laissant ouvertes toutes les questions, et qui donne l’impression que les choses arrivent par hazard. 1952.Franz Fanon décrit, dans « Peau noire, masques blancs », un homme noir, qui, depuis 3 générations, « s’achemine par reptation » dans un monde eugéniste, raciste, colonialiste ; un homme qui pense à liquider les déterminations du passé, à devenir imprévisible, et être seulement son propre fondement. Il entend bien les voix des poètes de la « Negritude », ou celles des jazz menwomen. Elles sont en effet entraînantes, mais pas certaines, semble-t-il, de vouloir une lutte face à face pour l’auto-détermination. Aujourd’hui, je me souviens quand les anciens évoquaient ce monde colonial. La guerre d’Algérie était terminée. Je ne devais évidemment rien savoir des atrocités de cette guerre, mais le peu qui filtrait me laissait deviner confusément. Il m’était seulement donné d’imaginer la beauté exotique des colonies. Des paradis terrestres pour les européens, un enfer pour “les damnés de la terre”. 1961.La guerre a éclaté. Franz Fanon s’adresse exclusivement à ces « damnés de la terre ». Celles et ceux à qui le régime colonialiste ne promettait même pas le ruissellement économique. Pas même un biscuit jeté au peuple, pour faire taire un début de révolte. Il suffisait de poster un gendarme ou un policier. Au nom de la très célèbre « violence légitime ». Le colonialisme c’est « la tentation de compromis d’un monde sans hommes ». Le livre que nous avons aujourd’hui entre les mains, n’était pas destiné aux européens, mais uniquement à celles et ceux qui étaient engagés dans les luttes pour l’indépendance et la décolonisation. Seule la préface de Sartre s’adresse aux européens, en leur révélant la pensée de Fanon. Aujourd’hui, où en sommes nous de l’eugénisme, ou plus généralement des politiques de régulation des populations, des bio-politiques ? Un conseiller des grands patrons de l’industrie - ca pourrait être n’importe lequel - un chantre décomplexé du capitalisme, associe la sobriété d’actualité avec ses propres fantasmes purificatoires. Écoutons le attentivement : Les prisonniers deviendraient des bouches à nourrir, inutiles. Les personnes âgées de +65 ans devraient se faire interdire toute greffe médicale. 1961.Le « nous » des colonisés a pris une nouvelle allure, en particulier en Algérie. Il affirme maintenant : c’est eux ou c’est nous ! Mais ce « nous », simple en apparence, qu’on nommerait simplement instinct de survie, reste toujours complexe en réalité. «  0 mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge! ». Rien ne va de soi, ni dans le moment de la lutte armée, ni dans la perspective post-coloniale. Déjà, sur une question d’échelle territoriale, le « nous » s’éparpille, il mute. A tous les combattants pour l’indépendance, ce livre est un manuel pour éveiller « la conscience nationale », ou disons, plus précisément, pour comprendre les enjeux politiques et lutter efficacement pour la décolonisation. Aujourd’hui, l’éditeur, dans sa préface, se trouve face à un problème de conscience assez commun. C’est qu’après avoir publié ce livre, il ne faudrait pas donner l’impression d’une “incitation à la criminalité”. Or, ce que Fanon et Sartre font ensemble, c’est précisément mettre à nue la violence. Il est donc dramatique de voir l’éditeur se débarrasser du problème en dressant simplement une ligne manichéenne entre Fanon et Sartre. Ce faisant, il rejoint une opinion commune déjà habituée à condamner Sartre, en tronquant ses textes tout en faisant semblant de ne pas comprendre . C’est de bonne guerre et de mauvaise foi. Mais quelle est cette opinion commune, sinon celle qu’on retrouve prompte à innocenter la “violence légitime” étatique ? Lire Fanon puis Sartre est la seule manière de se faire sa propre opinion. Dans cet ordre, la préface après le texte, je ne vois pas l’une excédant l’autre. Ensemble, ils débordent les déterminismes. Nous sommes condamnés à être libre, et c’est un rapport charnel. Les personnes ne seront jamais domestiquées. Les muscles bandés, elles vous sauteront à la gorge à la première occasion, dans tous les sens possibles. Au premier temps de la révolte, le paysan qui prenait un fusil pour tuer un européen, faisait mourir la machine coloniale pour faire vivre l’homme. Cette violence irrépressible, “c’est l’homme se recombinant”. * 1961.Dans une perspective post-coloniale, le « nous », citoyens nationaux des anciens pays colonisés, devait être surpris, en voyant la bourgeoisie nationale prendre pratiquement la place des européens pour continuer l’exploitation du peuple. De même, il devait paraître étonnant de voir un parti nationaliste servir cette bourgeoisie nationale plutôt que se tourner vers le peuple. Dans les pays colonisés, Fanon observe la lâcheté des partis nationalistes au moment du combat, puis leur inévitable évolution vers le chauvinisme et le racisme envers leurs voisins africains. Aujourd’hui, il est tout aussi choquant d’entendre les partis nationalistes qualifier de « crises épileptiques » les grands mouvements syndicaux et les manifestations populaires de ces dernières années. Lâcheté, racisme et compromissions, on retrouve le tableau décrit par Fanon. 1961.Fanon était psychiatre à l’hôpital de Blida en Algérie, avant de se déterminer à lutter politiquement pour l’auto-determination des peuples colonisés. En lien direct avec les atrocités commises pendant la guerre, sa description des cas psychiatriques est absolument glaçante - comme une répétition de « La colonie pénitentiaire » de Kafka. Que dire, sinon que les remèdes réellement efficaces étaient avant tout politiques? Aujourd’hui, certains médecins ont la main leste pour prescrire des anti-psychotiques à une grande partie des résidents en Ehpad. Comment faire autrement pour calmer les résidents, demande le.la médecin? Allons plus loin : à quand le moment où les biopolitiques néolibérales, prescriront massivement du risperdal aux manifestants, bonnets rouges, gilets jaunes, wokes, etc… sans oublier les agriculteurs ? Sérieusement, le “nous”, pour Fanon, ne devait être que le peuple exprimant ses problèmes et ses aspirations, gouverné par le peuple proposant et expérimentant les solutions, sans intermédiaire. Il est vrai que ce ne sont que des mots, mais qui ne se réduisent pas à prescrire ou décrire. Le style de Fanon entre l’impeccable et le sensitif, cette vibration subtile, fait que le discours produit un questionnement intense en le lisant. * (Sartre dans la préface) Cette violence irrépressible, Fanon le montre parfaitement, n'est pas une absurde tempête ni la résurrection d'instincts sauvages ni même un effet du ressentiment: c'est l'homme lui-même se recomposant.10 … 9 … 8 … 7 … 6 … 5 … 4 … Spécisme et Eugénisme Racisme et Capitalisme 3 … 2 … 1 … La guerre éclate. C’est le comble de la damnation puisqu’on est prêt à mourir pour se libérer d’une machine infernale. Aujourd’hui, je suis le rouage de quelle machine ? Suis-je autre chose qu’un rouage ? Laissons le questionnement se développer. Tiens ! Nous venons de passer du Je au Nous. Ce “nous” à la fois simple et complexe. Simple, quasi-substantiel, mobilisateur par magie, polarisé comme une machine. Complexe, recouvrant des motifs d’une diversité quasi-infinie, laissant ouvertes toutes les questions, et qui donne l’impression que les choses arrivent par hazard. 1952.Franz Fanon décrit, dans « Peau noire, masques blancs », un homme noir, qui, depuis 3 générations, « s’achemine par reptation » dans un monde eugéniste, raciste, colonialiste ; un homme qui pense à liquider les déterminations du passé, à devenir imprévisible, et être seulement son propre fondement. Il entend bien les voix des poètes de la « Negritude », ou celles des jazz menwomen. Elles sont en effet entraînantes, mais pas certaines, semble-t-il, de vouloir une lutte face à face pour l’auto-détermination. Aujourd’hui, je me souviens quand les anciens évoquaient ce monde colonial. La guerre d’Algérie était terminée. Je...
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  • JulienDjeuks 07/01/2023
    Les "damnés de la Terre", ce sont ces peuples dominés du Tiers-Monde (terme polémique qui renvoie à la notion de tiers-état dans l'essai de Sieyès, partie majoritaire qui ne veut plus être rien ; remplacé aujourd'hui par l'appellation très courageuse de "Pays Moins Avancés"), peuples condamnés à un enfer sur Terre, peuples esclavagisés puis/ou colonisés, infériorisés, dépossédés de l'usage de leur terre, démentis dans leur culture, maintenus sous la dépendance, astreints à la charité, fouettés de bonnes valeurs et de bons sentiments progressistes... Fanon est trop souvent caricaturé en apôtre de la violence, d'une vengeance exagérée contre des colonisateurs certes fautifs mais pas si mal intentionnés, enragé traître à la France engagé au F.L.N. et demi converti au barbarisme. J.-P. Sartre explique dans sa préface que l'essai s'adresse directement aux damnés, et non aux occidentaux, néglige donc toute précaution oratoire. Non. Fanon propose tant aux uns qu'aux autres une vision zéro concession du colonialisme, sans rôle positif aucun, vision inconcevable alors, toujours difficile à accepter malgré le poids des recherches historiques s'accumulant. La culture du pays colonisateur, avec son image ethnocentrique de progrès, implicitement présentée comme supérieure à une autre négligeable, sert de cache-canines, de voile d'innocence à une propagande fasciste défendant le droit à dominer humainement et à jouir de privilèges d'exploitation... Référence des mouvements tiers-mondistes comme les non-alignés ou la Tricontinentale de Mehdi Ben Barka, Fanon se méfie de toute simplification et de tout manichéisme : nord-sud, blanc-noir, musulmans-chrétiens, éduqués et incultes, les gentils les méchants... Paradigme piège qui est justement celui promu par le pouvoir colonial ou impérialiste. Il ne s'agit pas d'expulser le colon, d'opposer l'arabe et le français, mais d'anéantir une machine administrative de domination et d'exploitation, qu'elle soit tenue par des originaires du pays colonisateur ou par des locaux. À l'instar d'Étienne de la Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire - talents précoces et destinées d'ailleurs très comparables - Fanon dénonce la collaboration de l'intérieur, l'importance de la classe administrative, les petites mains exécutantes, serviteurs modèles qui par leur travail décomposé, déresponsabilisés assurent la bonne marche du système colonial, contre avantages (privilège d'être moins exploité ; position moins basse dans la hiérarchie sociale ; miettes d'exploitation...). Important également de se méfier des élites intellectuelles colonisées (ce qu'il est lui-même), hommes politiques et écrivains, assimilés ou révolutionnaires, bons élèves du maître, parlant la langue du négoce, moralistes moins dans l'urgence de voir changer un système où ils réussissent plutôt bien, tergiverseurs ayant peur de perdre leur titre de révoltés en phrases (cf. l'analyse de Baudrillard sur le parti socialiste qui, élu sur le mécontentement du système, n'a pas d'intérêt à trop le changer...). Une caste qui, passée l'indépendance, sera tentée de reprendre les rênes du pouvoir, clamant que tout a changé grâce à elle sans rien modifier un système injuste reposant sur l'exploitation des uns par les autres. Manuel du parfait révolutionnaire décolonisateur donc, mais pas que, Fanon anticipe clairement le "néocolonialisme", domination pilotage à distance de gouvernements dans une dépendance aux mêmes circuits économiques de l'ancien maître (comme dans La Ferme des animaux d'Orwell)... Sous le racisme et la violence coloniale, se dissimule la prédation économique (La raison économique apparaissait déjà chez Montesquieu dans De l'esclavage des nègres, comme la raison profonde et atrocement simple de la traite). Ethnographie psychiatrique d'une terre en guerre de décolonisation. Langue claire, vibrante et incisive ; prose philosophique et poétique à la fois, déjà allégée du maniérisme complexé des poètes de la négritude qui cherchaient encore à briller ; langue du corps douloureux, du corps qui s'auto-mutile, s'auto-opère, se saigne, pour se séparer du corps étranger, de cellules cancéreuses comme autant de balles de fusil qui gangrènent et aliènent jusqu'à l'intimité, jusqu'à l'inconscient. Langue exhibant ses blessures comme le dos de "Peter le fouetté" mais déterminée et fière. On entre dans le corps de l’oppressé, derrière ce regard où se mêlent peur et défi, et où la lutte ne commence qu'après renoncement total à soi, homme trois fois mort se dressant encore parmi les manifestants gisant comme dans Le Cadavre encerclé de Kateb Yacine (cet autre mis au ban du panthéon littéraire français). Parce que, comme l'exprime Albert Camus dans L'Homme révolté, l'esclave fait front contre son maître armé lorsque la défense de sa vie, tant et tant dévalorisée, devient anecdotique en comparaison de celle d'une valeur qui le dépasse en tant qu'individu. Dans cette perspective, Fanon donne un vrai rôle, noble et quasi féerique, aux rejetés, aux marginaux, criminels, prostituées, mendiants... qui n'ont rien à perdre mais une chance dans l'action révolutionnaire de se racheter à leurs yeux et à ceux de leurs pairs, de passer du statut de moins que rien à celui de héros. Leur aptitude à sacrifier totalement leur personne pour une révolution, constitue sans doute la lame de fond de celle-ci.Les "damnés de la Terre", ce sont ces peuples dominés du Tiers-Monde (terme polémique qui renvoie à la notion de tiers-état dans l'essai de Sieyès, partie majoritaire qui ne veut plus être rien ; remplacé aujourd'hui par l'appellation très courageuse de "Pays Moins Avancés"), peuples condamnés à un enfer sur Terre, peuples esclavagisés puis/ou colonisés, infériorisés, dépossédés de l'usage de leur terre, démentis dans leur culture, maintenus sous la dépendance, astreints à la charité, fouettés de bonnes valeurs et de bons sentiments progressistes... Fanon est trop souvent caricaturé en apôtre de la violence, d'une vengeance exagérée contre des colonisateurs certes fautifs mais pas si mal intentionnés, enragé traître à la France engagé au F.L.N. et demi converti au barbarisme. J.-P. Sartre explique dans sa préface que l'essai s'adresse directement aux damnés, et non aux occidentaux, néglige donc toute précaution oratoire. Non. Fanon propose tant aux uns qu'aux autres une vision zéro concession du colonialisme, sans rôle positif aucun, vision inconcevable alors, toujours difficile à accepter malgré le poids des recherches historiques s'accumulant. La culture du pays colonisateur, avec son image ethnocentrique de progrès, implicitement présentée comme supérieure à une autre négligeable, sert de cache-canines, de voile d'innocence à une propagande...
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  • LOUiseThoreau 01/02/2022
    Partie prenante pendant la guerre d'Algérie, Frantz Fanon livre ici un testament politique d'une grande importance. Daté mais intemporel, spécifique mais universel, parfois rébarbatif mais toujours fascinant, cet ouvrage n'est pas destiné aux européens pourtant tous les européens devraient l'avoir lu au moins une fois dans leur vie... Histoire de savoir d'où ce "développement", dont chacun profite, est issu.
  • Ingannmic 27/07/2021
    Au moment où il écrit cet ouvrage, en 1961, le monde colonial est en plein éclatement. 1956 a vu en Angola la naissance du mouvement populaire de libération, Madagascar a retrouvé son indépendance en 1960 après une lutte nationaliste incessante contre la France, la révolte des Mau Mau qui permettra au Kenya d'y accéder en 1963 bat son plein... Et, surtout, en Algérie, la guerre a débuté, depuis 1954. Frantz Fanon, qui a exercé sa profession de psychiatre à l'hôpital de Blida, où il a été amené, là aussi, à traiter les nombreux troubles occasionnés par la situation coloniale mais aussi par les exactions commises pendant la guerre d'indépendance (tortures, massacres), prend fait et cause dès 1956 pour la libération du peuple algérien : il remet sa démission de son poste à l'hôpital et rejoint le Front de Libération Nationale (FLN). Ce qui frappe en premier lieu, lorsque l'on débute la lecture des "damnés de la terre", c'est sa limpidité. L'auteur pose un raisonnement lucide et visionnaire, mais surtout accessible à tous. Il est d'ailleurs important de noter, ainsi que le fait Sartre dans la préface qu'il a rédigé à cet ouvrage lors de sa parution, que ce dernier à été écrit à l'intention des peuples colonisés, et non de leur oppresseur. Dans un premier temps, Fanon pose le principe de l'inéluctabilité de la violence dans le processus de libération, qui ne peut passer que par la destruction totale de la structure mise en place par le régime colonial. "L'intuition qu'ont les masses colonisées que leur libération doit se faire et ne peut se faire que par la force", après des décennies d'exploitation et d'asservissement, est le départ d'un élan populaire que rien ne doit pouvoir arrêter. Aucune compromission à cet éveil des opprimés n'est acceptable : les partis politiques nationalistes raisonnables qui cherchent à négocier avec les colons ne peuvent que permettre à ces derniers de maintenir une partie de leur emprise sur les colonies. Cette violence semble par ailleurs logique, puisqu'elle vient en réponse à celle qu'a fait subir l'européen des années durant aux indigènes, auxquels il a toujours été dit qu'ils ne comprenaient que le langage de la force ! La volonté de combat fait naître chez le peuple la notion de conscience et de destin national, et là où "Les damnés de la terre" est très intéressant, c'est que Fanon insiste sur le fait qu'il ne faut pas s'arrêter là : après la libération, un autre combat se joue, celui de la reconstruction. L'auteur voit dans la décolonisation l'occasion inespérée de bâtir un nouveau modèle de société, dans laquelle l'homme serait le bien le plus précieux, une société tournée vers l'ensemble du peuple. Fanon est bien conscient de tous les obstacles qui s'opposent à l'avènement de cette société idéale, et il les détaille, pour mieux les reconnaître et les éviter. La plus grande difficulté à surmonter réside dans les inégalités qui séparent les colonisés les uns des autres. Les citadins ont profité durant la domination européenne de certains avantages. Il s'est ainsi créée une bourgeoisie indigène qui singe la bourgeoisie occidentale, mais qui n'a ni la puissance économique de cette dernière, ni sa légitimité séculaire. La bourgeoisie indigène se contente d'afficher des signes extérieurs de richesse, mais fait preuve d'étroitesse d'esprit en refusant de réinvestir ses bénéfices dans l'économie locale. Le prolétariat des villes, se calquant sur le comportement de cette bourgeoisie, fait preuve de racisme envers le milieu rural, considéré comme moyenâgeux, et dont il craint que les masses ne viennent lui disputer ses avantages acquis. L'élaboration d'une société bourgeoise suite à la décolonisation est par conséquent vouée à l'échec, nous dit Frantz Fanon : se vendant aux grandes compagnies étrangères pour faire du profit, minée par la corruption, la cupidité, elle accentue les inégalités qui vont forcément inciter les miséreux à se révolter, et l'expérience (notamment dans certains pays d'Amérique du Sud) a démontré que dans ce cas, l'armée, appelée en renfort pour réprimer la révolte, en profite pour prendre le pouvoir et c'est alors une dictature militaire qui s'installe. C'est pourquoi l'auteur insiste sur la nécessité d'instaurer un lien entre les villes et les campagnes. Il est indispensable que les élites nationalistes se rapprochent du vrai peuple, l'instruise, le politise, l'organise. Le peuple se doit non pas d'être tenu en laisse, mais d'être souverain. La reconstruction doit passer par la reconnaissance et l'implication de tous, le citoyen doit participer à la reconstruction de la nation pour se l'approprier. Il doit être l'artisan de son propre développement. La tâche est immense, il s'agit d'alphabétiser, de répartir travail et richesses, de rétablir l'égalité entre citadins et ruraux, hommes et femmes, de passer, en bref, d'une conscience nationale à une conscience politique et sociale. Autre danger sur lequel l'auteur alerte les états nouvellement libres : celui de se risquer à répondre aux sollicitations des nations impérialistes ou socialistes, qui ont bien compris les enjeux de la décolonisation. Rappelons que nous sommes alors en pleine guerre froide, et que la dite décolonisation est pourvoyeuse d'opportunités de positionnement stratégique sur le plan économique et politique, d'où les tentatives de séduction des différents blocs... Mais, ainsi que nous le rappelle Frantz Fanon, les nations libérées du colonialisme doivent être maîtresses de leur destin. "Le sort du monde ne dépend pas de la guerre entre régime socialiste et pays capitalistes, mais d'investir et aider techniquement les régions sous-développées". D'autant plus qu'ainsi qu'il le souligne dans sa magnifique conclusion, le système occidental a montré ses limites, son inhumanité. Le modèle européen, notamment, n'est par conséquent pas à suivre... Quelques 60 ans plus tard, on peut déplorer que les conseils qu'il prodigue dans ces "Damnés de la terre" n'aient pas été vraiment suivis... On y réalise toute la mesure de sa clairvoyance, de la justesse de son analyse sur le devenir des nations décolonisées qui ont rarement -voire pas du tout- profité de l'occasion pour mettre en place une société équitable et humaniste telle qu'il la rêvait pour ces peuples épuisés par des siècles d'asservissement. La consolation est maigre, de se dire qu'il n'aura pas été là pour faire un constat amer (il est mort des suites d'une leucémie quelques mois après la parution de ce livre) face à cette Afrique aujourd'hui ravagée par la misère, le sida et les guerres intestines. Frantz Fanon, grand humaniste, avait foi en l'homme. Peut-être l'homme n'a-t-il pas eu assez foi en lui-même...Au moment où il écrit cet ouvrage, en 1961, le monde colonial est en plein éclatement. 1956 a vu en Angola la naissance du mouvement populaire de libération, Madagascar a retrouvé son indépendance en 1960 après une lutte nationaliste incessante contre la France, la révolte des Mau Mau qui permettra au Kenya d'y accéder en 1963 bat son plein... Et, surtout, en Algérie, la guerre a débuté, depuis 1954. Frantz Fanon, qui a exercé sa profession de psychiatre à l'hôpital de Blida, où il a été amené, là aussi, à traiter les nombreux troubles occasionnés par la situation coloniale mais aussi par les exactions commises pendant la guerre d'indépendance (tortures, massacres), prend fait et cause dès 1956 pour la libération du peuple algérien : il remet sa démission de son poste à l'hôpital et rejoint le Front de Libération Nationale (FLN). Ce qui frappe en premier lieu, lorsque l'on débute la lecture des "damnés de la terre", c'est sa limpidité. L'auteur pose un raisonnement lucide et visionnaire, mais surtout accessible à tous. Il est d'ailleurs important de noter, ainsi que le fait Sartre dans la préface qu'il a rédigé à cet ouvrage lors de sa parution, que ce dernier à été écrit...
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