Bonjour Tristesse - Nouvelle édition : Le livre de Françoise Sagan

Je l’ai bien aimé et je ne pouvais pas le lâcher. C’est étonnant que ce livre était écrit par une jeune femme de dix-huit ans dans les années cinquante. En général j’apprécie les personnages complexes qui montrent quelque chose sinistre chez leur caractère comme dans mon livre préféré « Crime et Châtiment. »  Ce livre est un livre parfait pendant un jour ou deux dans le printemps ou l’été.

Bonjour tristesse est un roman porté par une écriture d’une étonnante maturité pour l’âge de l’auteur . Ce qui fascine d’abord, c’est le style de Françoise Sagan : à la fois limpide, incisif et délicatement ironique. Chaque phrase semble ciselée, empreinte d’une élégance discrète qui ne cherche jamais à en faire trop. Il y a une légèreté dans le ton, presque une nonchalance, mais derrière cette apparente insouciance se cache une vraie profondeur. Ce qui frappe aussi, c’est la manière dont Sagan peint la jeunesse – non pas idéalisée, mais dans toute sa complexité. Elle en montre la cruauté, parfois inconsciente, faite de jeux, de manipulations légères qui peuvent avoir de lourdes conséquences. C’est une jeunesse brillante, libre, mais aussi terriblement égoïste, capable de blessures qu’elle ne mesure pas toujours. Ce contraste entre la beauté du style et la dureté des sentiments donne au roman une tension particulière. Il se dégage de ce texte une mélancolie subtile, comme un voile posé sur un été trop éclatant. Sagan, avec une économie de mots remarquable, parvient à capter des vérités humaines profondes – et c’est sans doute là que réside sa grande force.

Françoise Sagan - Bonjour Tristesse - 1954 C'est impressionnant de repenser au fait qu'un roman d'une telle précision, d'un tel impact, d'une telle force soit le fruit de l'esprit d'une jeune femme en fin d'adolescence. Bonjour Tristesse est marquant car il porte en très peu de pages plusieurs histoires absolument fascinantes de bout en bout. Dans la moiteur du climat méditerranéen parfaitement décrit par l'autrice, c'est d'abord une histoire d'amour passionnelle entre un père (Raymond) et sa fille (Clémence) que rien ne peut séparer depuis la mort de la mère de cette dernière, une histoire forte, puissante, où chacun se plaît sans être totalement à sa place. C'est aussi une histoire de rivalité entre Clémence et la nouvelle amante de son père (Anne), rivalité qui va pousser Clémence dans ses retranchements intérieurs pour réussir à faire tomber cette idylle avec l'aide de son petit ami (Cyril) et d'une ancienne conquête de son père (Elsa). C'est enfin l'histoire d'une jeune fille qui découvre ses premiers émois avec son petit ami, au rythme des contraintes et des injonctions imposées par sa nouvelle belle-mère. D'une jeune fille en crise d'adolescence qui veut que rien ne lui résiste, et que rien ne pourra arracher à son père. D'une jeune fille qui se cherche, profondément égoïste (elle ne pense jamais à son père dans sa volonté d'éloigner Elsa), torturée entre la nécessité d'agir comme elle le fait et le remord instantané. Un roman d'une maîtrise totale, écrit dans un style précis, clair, sans équivoque. Un grand roman qui a marqué son époque et qui est toujours aussi pertinent aujourd'hui.

Un roman qui nous parle de la jeunesse inconséquente. J’ai lu ce roman juste après avoir lu mon premier Duras et je dois dire qu’au premier abord j’ai été déçue de la simplicité de l’écriture de Sagan (bien que sensorielle et poétique par moments). Toutefois je me suis vite laissée emporter par les grands thèmes que le roman aborde. D’abord celui de l’insouciance, de la jeunesse et de la quête absolue de liberté. Cecile doit choisir entre être intelligente ou frivole, désordonnée ou heureuse. Dans le roman, le savoir s’oppose au bonheur, car ce qu’on ignore ne peut nous heurter. J’ai aimé cette perpective qui oppose la philosophie à la vie, la connaissance au bonheur. Par ailleurs, les dynamiques familiales sont travaillées avec une finesse que j’ai rarement vu ailleurs, notamment la confusion œdipienne entre l’amant et le père, mais également la quête de la mère dans toute la haine qu’elle peut parfois inspirer. Enfin, le roman se clot sur le regret, les terreurs qui surgissent quand on est seul, ces tourments qui ne sont que les conséquences d’une jeunesse inconséquente, d’une liberté irréfléchie. J’aurais d’autant plus aimé découvrir ce roman étant plus jeune.