Aimez-vous Brahms : Le livre de Françoise Sagan

C'est mon premier Sagan et je suis étonnée de voir à quel point ce roman est bien écrit, si loin de l'image incompréhensible de son auteur que j'avais. Paule, une femme de 39 ans, divorcée très jeune est amoureuse de Roger. Roger est un homme à femme, qui revient toujours vers Paule mais qui est également très sexiste. Un jour elle rencontre le jeune Simon, 25 ans, qui va tomber éperdument amoureux d'elle. Elle va alors être prise entre deux feux : la soit-disant sécurité d'un homme mûr, et la fougueuse passion d'un jeune homme. Elle va se laisser tenter, mais finalement va choisir selon elle la sécurité mais à quel prix ? Les émotions sont très bien décrites, le dilemme de Paule et ses questionnements sont parfaitement retranscrits.

Ce qui frappe dans Aimez-vous Brahms ?, au-delà de la finesse du style, c’est le regard acéré que Françoise Sagan porte sur une société qui se donne des airs d’élégance mais se nourrit d’hypocrisie. Un monde de faux-semblants, de liaisons tièdes, de plaisirs codifiés où chacun joue un rôle sans vraiment y croire. Paula ne se révolte pas contre cet ordre-là, mais elle le traverse avec une forme de lassitude douce, une lucidité presque douloureuse. Elle a appris à composer, à se protéger. Elle connaît les règles. Mais rien ne l’émerveille plus. La différence d’âge avec le jeune Simon, qui l’aime avec une intensité sans défense, vient fissurer cet équilibre. Non pas tant parce qu’il est jeune, mais parce que lui n’a pas encore intégré les compromissions. Il aime sans calcul, avec maladresse et sincérité, là où elle avance à pas mesurés. Ce déséquilibre n’est pas seulement une question d’années, c’est une question de vérité. Lui est encore entier. Elle est déjà fatiguée de l’être. Le roman ne moralise jamais. Il constate. Il observe un monde où le désir n’a plus la fraîcheur de la spontanéité, où aimer est devenu une affaire de gestion, de discrétion, de compromis. Ce n’est pas tragique. C’est plus subtil. C’est un effritement. Et c’est ce que Sagan dit si bien#8239;: comment une société policée finit par user ceux qu’elle prétend protéger.

Un petit roman existentialiste à composante dépressive écrit par une jeune Françoise Sagan de 25 ans racontant les tourments d'une jeune Parisienne de 39 ans qui se croit trop vieille pour abandonner son penchant pour la monogamie. Une version romanesque de "Baby alone in Babylone" ( 2ème mouvement de 3ème symphonie de Johannes Brahms et Paris la Babylone moderne) car il s'agit ici de la solitude dans l'amour. Seul le grandiose et l'intemporel Brahms en sort gagnant.

J’ai bien aimé cette lecture . C’est une promenade délicate, légère, parfois un peu vaporeuse. Le style est toujours aussi élégant chez Sagan, tout en non-dits, en subtilité. Cela dit, l’histoire m’a semblé assez oubliable, et le livre ne me marquera pas autant que Bonjour tristesse. La psychologie des personnages est fine, bien observée, mais je ne m’y suis pas attachée. Ils m’ont laissée un peu indifférente. Curieusement, cette lecture m’a rappelé L’île de la tentation, mais sans le huis clos : une femme de 39 ans face à un choix entre une routine un peu terne et un jeune tentateur de 25 ans, épris et séduisant. Sauf qu’ici, tout est traité avec plus de classe, à la parisienne : cafés, appartements feutrés, mélancolie élégante. Le vrai charme du livre réside peut-être là : dans cette peinture poétique du Paris des années 50-60, à la fois raffiné et flottant, comme suspendu dans le temps. C’est une lecture rafraîchissante, mais qui s’évapore vite.