Crime d'honneur : Le livre de Elif Shafak

Superbe livre qui aborde le rapport de genre dans la culture turque et kurde mais aussi en Angleterre, qui aborde également le sujet de l’immigration les rapports familiaux et la gémellité féminine. Les personnages sont tous super bien développé et on en redemande, l’histoire se déroule sur plusieurs générations nous sommes pris dans cet intrigue des trauma transgenerationnel. Je recommande mais se munir d’un bloc note pour comprendre l’arbre généalogique ahah

Mon 3e livre de cette autrice que j’aime beaucoup. L’histoire commence assez lentement, j’ai eu du mal à vraiment rentrer dedans au début. Ce n’est pas un roman qui m’a happée comme Soufi mon amour, qui reste mon préféré. Mais… les 100 dernières pages m’ont totalement embarquée. J’ai dévoré la fin dans l’avion, grâce à quelques rebondissements inattendus et une montée en tension bien menée. On sent la sensibilité d’Elif Shafak, sa manière douce mais percutante d’aborder des thèmes lourds comme l’honneur, la famille, les traditions. Une lecture en demi-teinte donc : pas un coup de cœur, mais un roman touchant, sincère, qui mérite d’être lu.

Elif Shafak raconte l’histoire de sa double appartenance, kurde et anglaise. C’est une histoire commune en Europe des nouvelles générations dont les parents ont émigré. Quand on émigre, on emmène sa valise pleine d’ancêtres, de croyances, de coutumes, de langage, d’habitudes de vie et on tente, tant bien que mal de la transmettre en héritage à ses enfants. Ce dont traite magistralement Elif Shafak, et ce qu’elle racontait déjà dans « La bâtarde d’Istanbul » ce sont les contradictions qui s’opèrent dans la génération née dans le pays d’asile. La question de l’honneur, si chère aux sociétés patriarcales y est centrale. Les règles qui dictent les parents et Iskander, le frère d’Esma sont séculières, religieuses et morales. C’est toujours le destin qui décide, et Allah est maître de leur vie. L’impureté des femmes est un enjeu majeur et la frustration des hommes s’exprime souvent par la violence. La fatalité se poursuit de génération en génération, les malédictions s’enchainent, comme être la 7ème fille d’une famille qui attend un garçon, comme être obligé de se marier avec la sœur jumelle de l’élue de son cœur, comme le suicide de la sœur ainée de Pembe, pour une question d’honneur. Elif Shafak déroule très habilement ce fil rouge de malédictions que les personnages nous révèlent dans le récit. L’aller-retour entre passé et présent durant la seconde moitié du 20ème siècle, l’alternance du récit épistolaire avec le récit des protagonistes, créent un puzzle dont on ajuste les pièces qui permettent de comprendre au fur et à mesure ce qui a conduit au meurtre de la mère. La question omniprésente de l’honneur est aussi une question d’amour propre blessé : le père lâche qui abandonne sa famille pour une danseuse, ce qui déshonore toute la famille. Une lueur d’espoir d’échapper à la soumission apparait au moment de la rencontre entre Elias et Pembe. Elle se découvre dans les yeux de cet homme doux et aimant. Très beau passage d’un amour véritable qui nait entre deux êtres, peu importe l’âge, l’origine ou les circonstances. J’ai beaucoup aimé ce livre, sa forme, la narration, les personnages représentatifs de leur milieu, de leur génération, pétris de contradictions, mais aimants. Pourtant, l’amour absolu et exclusif de Pembe pour ses fils : Iskander, puis Yunus (le sultan) m’a mise mal à l’aise. Ces femmes font du tord à leurs fils, elles abusent de leur pouvoir. Un homme peut difficilement se libérer de ce poids à l’âge adulte. Elever un enfant, c’est aussi lui apprendre à s’affranchir de ses parents, tout en les respectant. Le fils appartient à la mère, la mère au fils, c’est aussi pour cela qu’il ne supporte pas un autre homme dans leur couple. Il y a dans le récit une volonté de l’auteure de dénoncer ce système de croyances, de traditions, de lois masculines qui enferme les femmes dans la prison du foyer et force les hommes à se faire respecter non pour leurs qualités, mais pour leur sens du devoir et du respect de la Loi. Les jeunes découvrent les failles du monde occidental, son incertitude, son mercantilisme mais sont fascinés par la liberté des femmes, l’indépendance des hommes et leurs choix assumés d’être différents, ils vont à leur tour s’affranchir. Esma a un pied en Turquie et un pied à Londres, elle observe avec intelligence cette dualité et comprend le message de pardon de sa mère. Les liens de l’amour filial restent les plus forts et cette loi là est universelle. Aline

Un livre très intéressant sur le racisme ordinaire,l'immigration et les traditions religieuses. La construction de l'intrigue est au début compliquée, mais on entre petit à petit dans la narration, même si la chronologie est bousculée et les narrateurs différents, ce qui gêne la lecture et oblige à revenir souvent en arrière. Pour le reste, c'est instructif et les personnages sont attachants, très humains malgré leurs erreurs.