Darwin : le dernier chapitre : Le livre de Michel Moatti

Un roman fleuve qui conte la traversée du Beagle au cours de laquelle Darwin forma ses théories. Roman d'aventures maritimes, roman historique qui reprend des personnages et des faits réels, roman scientifique qui à travers les débats de Darwin et Wilberforce montre l'impact des idées darwiniennes, thriller où rôde un mal mystérieux, roman biographique qui redonne vie à Darwin avant sa célébrité, ce pavé se lit facilement et nous donne la mesure de la révolution que Darwin déclencha.

« Darwin le dernier chapitre », de Michel Moatti réécrit le voyage de Darwin à bord du Beagle. Nous suivons au fil des jours, avec force de détails, les comportements des principaux personnages à bord du Beagle. Le récit est captivant, alternant entre des extraits du récit de Morgan Moss (personnage fictif) cartographe du bord et de souvenirs de Charles Darwin, passager surnuméraire du vaisseau d’exploration Beagle. C’est parfaitement écrit et les dialogues nous amènent à réfléchir. Ajoutez à cela, qu’il flotte comme un très plaisant parfum d’aventure qui vous laissera sans coup férir un moment de lecture privilégié.

Le poison de la théorie de l’évolution des espèces. Comment, quand on s’appelle Darwin, qu’on est âgé d’à peine 23 ans et qu’on n’a pas le pied marin peut-on se lancer dans un tour du monde qui va durer près de cinq ans ? La tentation du voyage en passager surnuméraire à bord d’un navire dans lequel ils pourraient occuper un poste spécial continue de fasciner beaucoup d’auteurs. On se souvient du jeune Ismaël dans « Moby Dick », de Joseph Conrad, de Louis Stevenson et de tous ces « écrivains voyageurs » qui embarquent sous la plume leurs rêves et leur imaginaire. Quand il quitte le port de Plymouth à bord du Beagle, le jeune Darwin n’est pas connu ; il obéit simplement à une sorte d’aimantation pour ce type d’aventure alors même que rien ne l’y prédispose et qu’il peine à convaincre son père de consentir à lui payer le voyage qu’au demeurant, il ne supporte pas, tant il est, dès les premiers jours, victime du mal de mer. Et puis, il avale difficilement ces mauvais traitements que le capitaine réserve à trois Fidjiens qu’il considère comme des esclaves ; de plus, pour tenir sa ligne de scientifique menant sa mission, il est obligé de subir les moqueries, le scepticisme, de discuter sa théorie au sujet de l’évolution des espèces et d’affronter le terrible révérend du bateau qui lui rappelle sans cesse les règles de la Création et qui refuse obstinément ses idées « d’hérétique ». L’énonciation qu’a choisie l’auteur permet d’aborder cette aventure à travers trois points de vue qui se mêlent, chemin faisant et qui permettent au lecteur de s’interroger sur la cause véritable de la dégradation de l’état de santé du héros ; alternent tour à tour le point de vue de Darwin, celui de Moss le cartographe, celui de Parker Moss, le garçon de cabine. Dans des lieux chaque fois différents, envers et contre tous et malgré ses alarmantes défaillances, le futur savant élabore avec opiniâtreté cette théorie si dérangeante selon laquelle « Les ordres et les espèces se superposent et se fondent, comme la pâte de modelage »

J’ai lu ce roman il y a quelque temps maintenant, mais ne sachant vraiment pas comment en parler, quoi vous en raconter, j’ai sans cesse décalé la rédaction de mon avis. Pourtant, j’ai apprécié cette lecture. Michel Moatti est un auteur que je souhaitais découvrir depuis un moment, et quand Darwin, le dernier chapitre a paru, intriguée par le titre, je n’ai pas hésité, Darwin étant l’un de mes nombreux maîtres à penser. En 1831, Charles Darwin, alors âgé de 22 ans, embarque comme naturaliste à bord du HMS Beagle. Ce navire anglais part pour une expédition scientifique de cartographie de plusieurs années, menée par son capitaine, Robert FitzRoy. Darwin est alors un jeune homme passionné par de nombreux domaines, la géologie, l’entomologie ou encore la botanique, et ce voyage est pour lui l’occasion de parfaire ses connaissances. Durant ces cinq années, il va consigner ses observations, sur la faune, la flore, et récoltera de nombreux échantillons, qui participeront à élaborer sa théorie de l’évolution, « L’origine des espèces » qu’il publiera en 1859. Et c’est précisément ce voyage qui est conté ici, dans ce roman hybride, mélange de polar (une part infime) et de roman d’aventures. C’est une histoire foisonnante, où s’entremêlent fiction et réalité (et j’avoue que je n’ai pas réussi à démêler le vrai du faux, même si les travaux de Darwin ne me sont pas étrangers, je n’ai jamais lu sa publication Le journal de bord du voyage du Beagle). Ici Michel Moatti a également utilisé son imagination pour résoudre le mystère autour de la maladie inconnue dont a souffert Darwin pendant l’expédition. Et c’est là où se joue le côté « polar » du roman, même on comprend vite de quoi il retourne (personne n’a jamais su de quoi Darwin était atteint, maladie de Chagas (maladie parasitaire), allergies, empoisonnement, ou encore, d’après les dernières hypothèses, intolérance au lactose). Malgré quelques longueurs parfois, j’ai trouvé intéressant la manière dont l’auteur s’est emparé de l’histoire de cette expédition, une opportunité dont Darwin a profité pour établir au fil de temps sa théorie. Un exercice difficile, qui a dû demander à l’auteur de nombreuses recherches que je salue ici.