Des diables et des saints : Le livre de Jean-Baptiste Andrea, Guillaume Marquet

Encore une fois, Jean-Baptiste Andrea nous entraîne dans un roman qui, sous des dehors foisonnants, tourne autour de deux thèmes obsédants : l’amour impossible et l’éblouissement des amitiés de jeunesse. Le récit de Joe, ce vieil homme qui se cache derrière les touches de son piano, est traversé par cette tension entre l’intensité des années fondatrices et l’impossibilité de retrouver ou de vivre pleinement ce qui fut entrevu. Ce roman, comme Ma reine ou Cent millions d’années et un jour, porte la marque d’Andrea : un mélange de poésie brute et de romanesque flamboyant. On y retrouve l’éclat des amitiés adolescentes, ces liens soudains et absolus qui, à l’âge où l’on se cherche encore, semblent suffire à illuminer tout un horizon. Mais Andrea en souligne aussi la fragilité : ces amitiés sont d’autant plus lumineuses qu’elles s'ont condamnées à s’effacer, comme des étoiles filantes. Quant à l’amour, il est ici inaccessible, placé hors de portée 3e, et c’est précisément cette impossibilité qui en fait la force romanesque. Andrea ne décrit pas l’accomplissement, mais le manque, l’attente, le désir inassouvi et c’est ce qui donne à son texte son intensité mélancolique.

Il y a Joe qui joue divinement du piano dans les aéroport et dans les gares et pour le comprendre il va nous raconter Joseph. Joseph qui voit ses parents mourir sous ses yeux et qui va alors découvrir la vie dans l’orphelinat des Confins. Il va faire la connaissance de Momo, Edison, Sinatra, Souzix et la Fouine. Mais aussi l’abbé Sénac, Grenouille et surtout Rose… Un roman fort et prenant sur les conditions de vie dans ces orphelinats atroces.

Les halls de gare, d'aéroports...tous les lieux où il y a un piano sont des endroits où il "joue", interprète inlassablement, il attend, il espère. Aujourd'hui, c'est un vieil homme, mais il nous raconte son histoire triste, comme celle de ses copains orphelins du centre des Confins. Elle pourrait sembler banale, mais elle est révélatrice d'usages et pratiques humiliantes, violentes. L'union d'une poignée pour se soutenir à leur manière avec une devise "chacun pour soi" (il manque le "Dieu pour tous"...et pour cause !)...une certaine solidarité pour ces jeunes enfants/adolescents déjà bien abîmés par la vie et qui subissent là une "éducation" où brimades et sévices sont légion. Affublés de surnoms ils forment une bande qui cherche à braver les interdits, à se rebeller. Chacun y montre son caractère et rêve à son avenir, s'inventant parfois un passé. Jean-Baptiste Andréa décrit, avec un vocabulaire riche, la maltraitance dans un orphelinat au prétexte d'éducation et de religion. Les personnages de ce roman, malgré des comportements qui pourraient laisser croire à de l'indifférence, montrent solidarité, compréhension et une certaine bienveillance sous couverts de rudoiements ou moqueries. Une histoire riche d'émotions, écrite avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Une très belle lecture.

Joseph traîne dans les gares et aéroports à jouer du piano. Il éblouit les passagers par sa dextérité. Un jour, il raconte à l'un d'eux sa jeunesse à la fin des années 60, pensionnaire aux Confins, un orphelinat au fond des Pyrénées, tenu d'une main de fer par l'intransigeant père Senac et Grenouille, l'odieux surveillant général ancien militaire. Le jeune Joe, apprenti pianiste, sensible mais tenace, résiste aux humiliations et doit se faire une place parmi les autres garçons, notamment ceux regroupés au sein de la Vigie. Entre compétition et fraternité, ils vont surmonter les épreuves, rêver à de meilleurs lendemains, puis se lancer un défi très dangereux. Joseph est un jeune héros persévérant et droit qui m'a bouleversée. On n'oubliera pas non plus les personnages secondaires si attachants notamment le petit Souzix et sa cape de pisse ou l'émouvant Momo et son lapin... jusqu'à la scène finale qui m'a achevée . J'ai fini le cœur serré et toute émue...