Dompter les vagues : Le livre de Vendela Vida

Ancien épicentre du mouvement hippie et pas encore capitale de la high-tech, la San Francisco du milieu des années 1980 est au creux de la vague quand Eulabee la narratrice et ses amies Maria Fabiola, Julia et Faith, alors entre treize et quatorze ans, se retrouvent elles aussi dans ce ressac entre deux rivages qu’est l’adolescence. Jusqu’ici inséparable, le quatuor vit sa première dissension lorsque Maria Fabiola, devenue, à la faveur d’une puberté plus précoce, l’incarnation de tous les fantasmes à Spragg, la chic école privée pour filles de leur quartier huppé de Sea Cliff, se mue peu à peu en reine narcissique et affabulatrice. Pour avoir pris ses distances avec les mensonges de son amie, Eulabee fait les frais d’un ostracisme général au collège. C’est alors que la disparition de Maria Fabiola, « héritière d’un célèbre empire du sucre », fait croire à son enlèvement. Autant portrait d’une ville que regard sur l‘adolescence, ce roman, aussi captivant que le polar qu’il n’est pas, possède un charme fou, tant la narration à hauteur d’adolescente, dans l’atmosphère tristement décadente d’un quartier passé de mode où se draper dans un prestige fané n’empêche pas toujours les adultes de se suicider, s’avère piquante et savoureuse, tandis que, vibrant du sarcasme né de la rage, elle aligne les ridicules du monde alentour. A l’âge où l’enfance se dessille et découvre les faiblesses des adultes, quelle n’est pas en plus la stupeur d'Eulabee de voir germer en son amie, depuis toujours comme un double d’elle-même, un nouvel être à la fois fascinant, traître et menteur, n’hésitant pas à l’éjecter de son monde pour mieux en devenir le centre. Après la tourmente et le désastre de ces quelques mois d’adolescence, la narration saute directement et brièvement à 2019, le temps d’une rencontre de hasard entre une Eulabee et une Maria Fabiola parvenues à l’âge mûr, et comme si entre temps rien d’autre ne s’était passé qu’une invisible parenthèse. Ces quelques pages suffisent à nous laisser combler cette ellipse de l’évolution pathologique d’une Maria Fabiola cachant mal le vide intérieur révélé par sa mythomanie. Semblable au délicat passage entre les deux plages de Sea Cliff que seuls parviennent à négocier ceux respectant un chronométrage précis à marée basse, l’adolescence est une traversée que l’on n’effectue pas toujours sauf. Un roman d’atmosphère subtil et addictif qui, faisant la part belle à une ville et à une époque que l’auteur connaît bien, joue des situations de transition, notamment adolescente, pour explorer le thème des fantasmes et du mensonge. Coup de coeur.

San Francisco, années 80. Eulabee, 13 ans, fréquente le collège de filles privé de Spragg. Elle est très proche de ses amies. Jusqu'au jour où elle donne sa version des faits sur un événement, version qui diffère de celle de groupe. Dès lors, elle est exclue et complètement ignorée par ses prétendues amie et terminera sa dernière année de collège comme une paria, totalement isolée. J'ai lu ce roman pratiquement d'une traite, en une journée. Cela faisait longtemps que je n'avais pas avalé un livre de 300 pages aussi vite. J'ai beaucoup aimé le personnage de Eulabee, ainsi que sa famille. Les autres personnages, Maria Fabiola en particulier, font presque cliché. Tandis que Eulabee est plus complexe et donc plus crédible. J'ai eu peur parfois de tomber dans le sitcom pour ado, mais la complexité psychologique des personnages vient annuler cette impression. Un roman sur l'adolescence, les masques que l'on porte, les mensonges, les trahisons, les compromissions. C'est plein de nostalgie, de touches d'humour, plein de tendresse aussi pour ces adolescentes (et leurs familles) qui tâtonnent pour savoir qui elles sont.

San Francisco, milieu des années 80, un quartier huppé à la « Desperate Housewives » sauf que les héroïnes, ici seront des adolescentes. Elles connaissent le quartier sur le bout des doigts, les ragots, les habitudes des garçons qu’elles ne côtoient qu’en-dehors de l’école, les nouveaux, ceux qui partent, la plage et ses marées dangereuses. Elles sont les princesses d’un quartier paisible qui cache les mensonges et où les apparences sont trompeuses. Eulabee, Maria Fabiola, Julia et Faith forment un clan soudé jusqu’au jour où leur point de vue sur une situation diverge et secoue la communauté. Eulabee n’en démord pas et finit par être rejetée et esseuler. Alors que Maria Fabiola est portée disparue, Eulabee part mener son enquête et ses découvertes ne l’étonnent même pas. Mais les gens riches dissimulent la vérité avec grand soin. Ce nouveau roman de Vendela Vida explore l’adolescence avec pertinence et avec sensibilité. Les erreurs, les découvertes et les errances façonnent une expérience décalée, décadente et émouvante. Ni enfant ni adulte, la frontière entre le bien et le mal est floutée par des désirs d’ego, d’appartenance et de grandeur. Une immersion méticuleuse et réussie où l’intrigue se peaufine nous portant vers ce que l’on redoute. Cette rencontre avec Vendela Vida est un succès. J’ai adoré sa manière d’aborder le sujet sans confrontation et toujours avec délicatesse. Elle joue avec les émotions avec habileté et nous confronte avec notre propre intimité. Entre délicatesse et violence, elle trouve le juste milieu pour nous interloquer et nous faire réagir. Elle explore l’adolescence et tous ses lots de conséquences et d’inconvénients avec une telle intensité. Une histoire de fille, mais pas que. Le Golden Gate est témoin de bien plus. A découvrir absolument !

Il fallait bien que ça m'arrive un jour de partir en vacances en oubliant mes livres. Pour couronner le tout, Google m'informe que la librairie du coin n'ouvre que le lendemain. En me promenant, je repère la librairie en question ouverte (yes). J'entre et la vendeuse me dit : « on ferme à 18h » (il y a mieux comme accueil). Je demande l'heure et elle me répond qu'il est 17h56. Bref, tout ça pour dire que je me suis jetée un peu à la hâte sur ce livre car j'ai une confiance aveugle dans le collection Terres d'Amérique d'Albin Michel. C'est un peu plus sobre de ce que j'ai pu lire dans cette collection mais il n'en est pas moins captivant puisque je l'ai lu quasi d'une traite (et m'a valu de beaux coups de soleil). Nous sommes en 1985-1986 dans le quartier chic de Sea Cliff (San Francisco). Eulabee, Maria Fabiola, Julia et Faith, quatre adolescentes inséparables, fréquentent le collège pour filles de Spragg. Un évènement tout à fait banal se produit alors qu'elles se promènent dans les rues du quartier pour lequel Maria Fabiola va littéralement fabuler et raconter une version totalement inventée. Julia et Faith, subjuguées comme tout leur entourage par la beauté de Maria Fabiola, de démentent pas leur amie. Seule Eulabee conteste cette histoire, ce qui lui vaut d'être « ostracisée ». Un traitement sévère pour une jeune fille qui se retrouve seule pour « dompter les vagues » de l'adolescence et tout ce qu'elle comporte de doutes et d'angoisses. Il y a déjà pas mal de romans qui abordent l'adolescence mais j'ai particulièrement apprécié celui-ci qui traite de sujets aussi sérieux que le rejet, le harcèlement, la sexualité, les amitiés toxiques, les limites, les choix, … tout en maintenant une certaine sobriété et une élégance qui donnent une grande crédibilité au récit sans tomber dans les extrêmes. Durant la lecture, je me suis trituré les méninges en essayant de me remémorer le film ou le livre que me rappelaient certaines situations décrites, cette sensation de « déjà vu ». Même si j'ai parfois pensé à « True Story » dont l'histoire débute par une rumeur qui peut être assimilée au mensonge de « Dompter les vagues », j'ai vite compris que c'était à ma propre adolescence que ce roman faisait écho. Dans les émotions principalement mais également dans l'évocation des années 80 avec Breakfast Club, le Clearasil, la lessive Tide, les montres Swatch ou encore l'abus de spray éclaircissant ou de citron sur les cheveux. C'est un roman qui sonne juste et qui n'est pas non plus dépourvu d'humour. Pour une fois, je remercie ma tête en l'air qui a mis ce roman sur ma route et qui confirme mon intérêt pour la collection Terres d'Amérique.