Du pain sur la table de l'oncle Milad : Le livre de Mohammed Alnaas
" ... ne mélange pas directement la levure et le sel. Ces deux ingrédients sont comme les hommes et les femmes. "
Ce conseil, Milad le reçoit de son père, maître-boulanger, lorsque celui-ci décide que le moment est venu de partager avec son fils sa passion pour son métier. En même temps qu'il lui transmet son amour profond pour le pain, il lui enseigne aussi à être un homme.
À travers l'histoire de Milad qui vit un conflit perpétuel entre sa part naturelle de féminin et une virilité brutale imposée par son éducation et par la société, Mohammed Alnaas nous décrit les bouleversements économiques et sociaux de l'histoire de la Libye contemporaine, en particulier pendant les années Kadhafi. Dans une intrigue implacable qui se déploie à travers le récit que Milad fait de sa propre histoire, c'est un déplacement sensoriel, gustatif, musical, visuel et olfactif que vous vous apprêtez à vivre.
Du pain sur la table de l'oncle Milad est le premier roman détonnant de l'auteur libyen Mohammed Alnaas. Il a obtenu le prix international de la fiction arabe.
De (auteur) : Mohammed Alnaas
Traduit par : Sarah Rolfo
Expérience de lecture
Avis Babelio
Sybille12
• Il y a 3 semaines
J’ai beaucoup accroché à la première moitié du livre : l’écriture était vive et prenante, et les anecdotes de Milad m’ont souvent fait sourire. J’ai particulièrement apprécié les passages évoquant la Libye, la Tunisie, les mentalités et la manière de vivre, qui m’ont apporté une vraie dose de nostalgie. En revanche, dans la seconde partie, j’ai trouvé que le récit devenait répétitif, parfois même tournait en rond, ce qui a un peu ralenti ma lecture. Quant à la fin, elle m’a d’abord surpris et même laissé une certaine déception. Avec un peu de recul, elle n’est finalement pas si étonnante, peut-être que j’aurais aimé que Milad réussisse à trouver un équilibre entre la société et sa personnalité !
colka
• Il y a 1 mois
J"aime partir à la découverte de romans et d'auteurs étrangers dont je n'ai jamais entendu parler. Ce fut le cas pour ce roman de Mohammed ALNAAS : Du pain sur la table de l'oncle Milad. Je n'ai pas été déçue. Un récit déroutant à bien des égards, à commencer par sa structure qui m'a fait penser à une sorte de kéléidoscope où s'entrelacent et se font écho différentes temporalités et où se croisent des personnages non moins déroutants à commencer par le narrateur, Milad, boulanger de son état et surtout amoureux inconditionnel du pain qu'il fabrique dans sa "kousha", le seul lieu où il se sente un peu lui-même. Il a le malheur d'avoir grandi en Lybie dans une société patriarcale où l'homme règne en roi et maître sur le plan familial et social. Mais depuis sa plus tendre enfance, il s'est senti étranger à cette forme de virilisme brutal qui est la norme et à laquelle tout homme digne de ce nom doit se conformer sous peine d'être exclu. C'est cette image d'homme peu viril que lui renvoie constamment la société et même sa famille, à commencer par son propre père et son cousin Absi, la caricature vivante de tout ce qui fait "un vrai homme" ! Milad nous entraîne dans un récit qui prend le tour d'une conversation familière avec nous et une certaine "Madame" dont on découvrira petit à petit le rôle qu'elle joue dans cette histoire, même si le voile ne sera pas totalement sur son personnage. Car c'est bien là l'habileté de l'auteur de nous entraîner dans ce récit de ses souvenirs tout en tissant petit à petit les fils de ce qu'il est convenu d'appeler un drame. En effet, Milad va être broyé par les codes moraux et les valeurs sociales de l'époque Khadafi où le retour d'une religiosité stricte va mettre fin au cosmopolitisme socio-culturel et ethnique d'une certaine époque... Période également liée aux aspirations de liberté et d'émancipation des intellectuels et des femmes. Zeinab l'épouse de Milad ne connaîtra pas un meilleur que son mari et sera victime comme tant d'autres femmes dans le roman de cette loi d'airain qui veut que le père, le mari ou le frère ont le droit de vie et de mort sur les femmes de leur famille... Cette violence tribale très présente dans le livre est heureusement contrebalancée par l'évocation dans le récit de Milad des liens d'appartenance indéfectibles qui le lient à sa famille notamment sa mère et ses soeurs : moments de joie et de tendresse partagés... Mais ce cocon familial va se lézarder irrémédiablement tout comme son amour pour Zeinab... Cette dimension tragique de Milad cohabite là encore de façon déroutante avec un amour de la vie et de ses plaisirs sensoriels à commencer celui qu'il éprouve dans la fabrication du pain : un vrai cérémonial avec un rituel quasi religieux qui confère à ce dernier une dimension étonnante, celle d'une offrande faite à celles et ceux à qui il est destiné. Il m'a même semblé, dans un certain passage, que la fabrication d'un pain avait une valeur métaphorique et qu'elle évoquait en filigrane le processus de la création littéraire... Le narrateur décrit également avec précision et sensualité les lieux : le village où il a vécu, les maisons où il est passé à tel point qu'affleure dans ces descriptions ce que l'on pourrait appeler "l'esprit ou l'âme"d'une maison : celle de Benjamin, le juif qui l'a accueilli à Djerba fait figure de paradis, la maison familiale est indéfectiblement lié à la présence protectrice de sa mère et il ne pourra plus y retourner après la mort de cette dernière. Le roman se clôt sur une énigme : quel est le véritable dénouement ? L'auteur présente deux versions différentes qui nous font basculer soit du côté du réalisme magique soit de la folie. A nous de choisir ! j'ai aimé ce jeu du chat et de la souris mais il peut aussi agacer ou déplaire.
BiblioJoy
• Il y a 4 mois
Alternant passé et présent, Milad raconte son histoire. Il revient sur sa jeunesse, la boulangerie avec son père, l’armée, ses sentiments, ses désirs, l’amour, et la terrible emprise de la société libyenne sur les relations intra familiales et les femmes en particulier, l’empreinte des traditions ancestrales sur les choix et les destins. A travers ce personnage, on explore les conflits entre normes de genre, identité personnelle, et attentes sociales. Une critique des perceptions dominantes de la masculinité et de la féminité dans le contexte libyen. J’ai découvert avec ce roman l’histoire de la Libye en filigrane ; un aperçu de son histoire et de sa culture, et toutes les entraves imposées par la rigidité d’un régime dans une société en plein bouleversements. Milad a une personnalité complexe, sensible, prisonnier d’une misogynie insupportable, aux prises d’un conflit intérieur incessant dans une société patriarcale à l’extrême, aux mœurs implacables, aux traditions rudes ; un pays où être un homme représente sur ses épaules tout le poids du monde dont il ne sait que faire. Milad est un être d’ambivalence. [masquer] Eprouvant au départ de l’empathie pour lui, il m’a ensuite beaucoup agacée… Il a l’air de s’être cherché toute sa vie durant. [/masquer] Le roman reflète aussi les relations hommes-femmes, et familiales, en Libye. « Un pays retourné à l’âge de pierre en l’espace de vingt-cinq ans ». Hypocrisie, violence domestique normalisée, frustrations, fatalité, dominent l’histoire, malgré un peu d’humour et d’autodérision instillés. Le récit, imprégné de références, en appelle aussi aux sens, olfactif, gustatif, musical. Le style est à la fois poétique et, sans pudeur et cru parfois. J’ai trouvé la narration tout en paradoxes, oscillant entre conservatisme et progressisme. L’auteur retranscrit toutes les contradictions et la complexité entre traditions d’un autre temps [masquer] ou toujours très ancrées [/masquer] et, émancipation [masquer] peinant à percer [/masquer]. Le rythme est lent. La sensation d’un récit décousu et une légère confusion dans les termes étrangers et les noms propres ont accompagné le début de ma lecture ; ainsi que la fin un peu pêle-mêle, temps présent, réminiscences du passé, réalité et souvenirs mélangés. Tout s’emmêle sans gêner tout à fait la compréhension globale du texte si l’on accepte de se perdre dans la temporalité de l’histoire. Je regrette un peu que la thématique de la boulangerie ne soit pas plus présente car j’ai trouvé les passages sur la fabrication et le rapport au pain très intéressants et bien (d)écrits. Les proverbes libyens, en ouverture de chaque chapitre, donnent le ton sur l’histoire racontée et sont très évocateurs de l’ambiance. Lu dans le cadre de mon club de lecture en librairie
lynnvdh
• Il y a 4 mois
Milad est un personnage touchant qui nous raconte son histoire durant l'époque de Khadafi, au sein d'une société traditionnelle, patriarcale et violente envers les hommes qui ne correspond pas aux standards imposés et considérés comme faibles.#127473;#127486; Un roman passionnant et d'une grande poésie. Entre tradition et modernité, découverte de soi et envie d'indépendance, l'auteur nous emmène à la découverte de la société lybienne comme vous l'aurez rarement lue. À découvrir !
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782493206824
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- Collection ou Série
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 368
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- Dimensions
- 207 x 142 mm
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23,00 € Grand format 368 pages