Eté : Le livre de Edith Wharton

Belle et sauvage Charity qui, par son adoption, fait partie de la haute société d'une minuscule ville, sent le poids de ses racines frustres (voire honteuse) et comme toute très jeune adulte, rêve de grandeur et s'ennuie. Dans ce court roman, Edith Wharton brosse le portrait fin d'une jeune fille engluée dans une ville où rien ne se passe et ne se passera jamais, dans le carcan que la société constitue pour les femmes. Charity veut vivre plus grand et plus fort. Elle repousse les avances du vieil homme qui l'a adoptée et élevée, et elle découvre l'amour et la séduction. Mais le carcan dans lequel elle évolue lui permettra-t-il de vivre la vie à laquelle elle aspire ? On tremble pour Charity, on espère pour elle, on s'émeut pour elle, autant qu'elle nous agace, et nous désespère. qui se laisse séduire le temps d'un été, qui doit repousser les avances du vieil homme qui l'a adoptée et élevée Edith Wharton dresse ici une fable psychologique plutôt sombre, nous tient en haleine jusqu'au dénouement. Se dévore complètement, mais j'avais tellement peur pour Charity, que j'ai fini par ralentir la lecture. J'ai mis des semaines à finir cet incroyable roman, pourtant si court.

Par de nombreux aspects, on pourrait être tenté de rapprocher l’Eté , d’Ethan Frome un autre livre majeur d’Edith Wharton dans la mesure où les deux récits inscrivent leur déroulement dans un espace géographique reculé, isolé et où le milieu naturel, les saisons et leur description paraissent constituer davantage qu’une toile de fond, mais un révélateur de la situation des personnages dans leur parcours de vie. Ici la douceur, la chaleur de l’été qui s’annonce, la luxuriance d’une nature frémissante, semble faire écho à la nouvelle vie qui s’offre à une jeune fille confite jusqu’ici dans un ennui doucereux et au-devant de laquelle fait irruption le visage de la passion amoureuse qui non content de bouleverser le corps et l’esprit vient remuer et ramener à la surface toutes les choses et les sentiments qu’on a laissé cachées et tus. Bien que l’on soit aux antipodes de l’effervescence mondaine et tourbillonnante de la haute société new yorkaise , habituellement dépeinte par E.W, il est encore question ici de solitude , de mésalliance et plus précisément de la condition sociale des femmes en but au verdict et au regard inquisiteur et implacable d’une communauté recuite, et ligaturée par ses conventions. A l’image d’une brise estivale, le livre semble toutefois s’en tenir comme une ébauche pleine de promesses, à ne simplement qu’effleurer, survoler, certes avec grâce, la profondeur et la complexité des personnages et de leurs interactions avec le monde qui les entoure et avec leur époque.

Charity est une belle jeune fille prénommée ainsi car elle a été recueillie à l'âge de 5 ans par un vieux grisou alcoolique avocat à ses heures. Charity sait qu'elle est issue de la "montagne", un repaire de malfrats qui rejettent l'état et l'église. Elle essaie malgré tout de surmonter son indignité originelle et a des rêves qui vont s'incarner avec l'arrivée au village d'un beau jeune homme, instruit et de bonne famille. ETE est un page turner vieux de plus d'un siècle. Passion, recherche du bonheur, trahison: tout y est pour nous émouvoir et nous tenir en haleine, dans un style à la fois sarcastique et compassionnel. Les personnages sont modernes et complexes, l'intrigue haletante. Pourquoi désormais chercher l'émotion dans la rentrée littéraire ou les divers prix annuels? Pour ma part, j'ai bien l'intention d'aller repêcher ces magnifiques oeuvres dans l'oubli général. Je me suis régalée.

Le roman qui suit était paraît-il le préféré d’Edith Wharton. Charity Royall a été recueillie enfant par l’avocat de la bourgade, un homme droit et solitaire depuis le décès, quelques années après, de sa femme. Charity, jeune femme naïve et enthousiaste, se voit courtisée par un jeune architecte de passage, Lucius Harney. Prise entre son amour pour lui et le sentiment d’être déclassée par ses origines misérables sans cesse rappelées par son prénom, Charity n’osera jamais demander quoi que ce soit à son amant. Malgré les mises en garde de son tuteur, elle se laisse submerger par cette passion tout en intériorisant sa place d’inférieure. C’est toute la subtilité de ce roman que de nous donner à voir l’évolution de cette jeune fille dans une société traversée par les injonctions et l’hypocrisie, ses choix jusqu’au plus surprenant qui clôt cette histoire. Tout cela sous une plume là encore magnifique, que ce soit dans la description de la nature ou des sentiments.