Eté : Le livre de Edith Wharton

Charity Royall, 17 ans, a grandi à North Dormer, petite ville engoncée dans ses convenances, où tout se sait, tout se juge. Enfant, elle a été arrachée à la misère de la « Montagne », lieu sauvage et misérable, symbole de ses origines obscures, par l’avocat Royall qui devient son tuteur. L’arrivée de Lucius Harney, jeune architecte raffiné, venu étudier les vieilles demeures de la région, bouleverse son quotidien. Il incarne la jeunesse cultivée, l’élégance, l’ouverture sur le monde. Il réveille en elle le désir et l’espoir d’une autre vie. Le roman raconte son éveil amoureux et sexuel, mais aussi la confrontation brutale aux déterminismes sociaux, de classe et de genre. Charity est avide d’évasion et de liberté. Elle incarne la lutte entre désir d’émancipation et contraintes sociales. Ses choix sont limités par sa condition de femme et par la société patriarcale. Nous voyons par ses yeux, ce qui accentue l’intensité émotionnelle du roman. Mr. Royall, son tuteur, avocat vieillissant, est une figure ambiguë : à la fois protecteur, oppresseur, et amoureux d’elle. Lucius Harney est certes cultivé et séduisant, mais inconsistant. North Dormer incarne la communauté qui contrôle, juge et enferme. Quant à l’été, Wharton en fait un personnage à part entière, symbole de liberté autant que d’illusion. La lumière, les paysages sont le reflet des élans de vie et de la chute qu’on sent inévitable. « Été » est un roman d’une intensité remarquable. Edith Wharton y aborde avec audace pour l’époque, le désir féminin, le poids des conventions sociales et l’absence de perspectives pour une jeune femme de condition modeste dans l’Amérique puritaine du début du XX#7497; siècle. Charity Royall, loin des héroïnes mondaines de ses grands romans, incarne la lutte impossible entre aspiration individuelle et déterminisme social. C’est le portrait d’une héroïne profondément humaine, toujours en tension entre la passion et la survie, une héroïne absolument inoubliable. La subtilité avec laquelle est dessinée sa psychologie est remarquable. J’ai adoré.

Version estivale, féminine et plus audacieuse du roman Ethan Frome, Été - quoique fort chaste - aborde plus ouvertement la sexualité à travers le portrait d'une jeune femme prisonnière des conventions d'une époque ne lui laissant pour tout choix que la dépendance, le renoncement et le sacrifice. Un beau roman, triste et cruel, dont la fin douloureusement ambiguë m'a touchée.