J'étais médecin dans les tranchées : Le livre de Louis Maufrais, Martine Veillet

J'ai lu de nombreux ouvrages sur la première guerre mondiale et celui-ci m'a marqué pour son humanité. Ce jeune médecin qui a passé près de 5 ans à servir son pays est sorti physiquement indemne de cette épreuve. La lecture est fluide est M. Maufrais nous retrace ses diverses campagnes sans jugement. Il nous parle d'amitié, de souffrances, de hasards heureux ou malheureux. Nous le suivons ainsi au cours des ans et des affectations. Le chapitre de Verdun m'a particulièrement touché, on ressent l’attente angoissante de l'obus fatal dans cette case mate. Des anecdotes plus ou moins drôles nous démontrent l'absurdité de la guerre. Sa petite fille Martine Veillet qui a mis en page ces souvenirs à vérifié méticuleusement la véracité des noms et des faits pour ne proposer un livre témoignage poignant. Chaque début de campagne débute avec un chapitre qui nous donne une situation militaire et géographique. Le dernier chapitre sur le défilé à Paris est nous rend compte de l'état moral de ces combattants. La joie n'était pas forcément partagé avec ce retour sur les images des copains laissés derrière soi. Pourquoi eux ? Et pas moi ?

j'adore les récits historiques même si mes lectures de prédilection tournent autours de la seconde guerre mondiale, j'aime découvrir d'autres horizons. Je n'ai pas beaucoup lu sur la première guerre mondiale et les poilus, une chose est sûre, après cet ouvrage je vais me pencher beaucoup plus sur le sujet. Le récit est authentique et pour cause, il est tiré des carnets de guerre de Louis Maufrais. Les faits sont glaçants et criants de vérité et parfois de désespoir. J'ai été surprise parfois de la tournure des phrases "j'ai parlé avec Machin puis le soir il est mort traversé par un éclat d'obus", on dirait vraiment que l'auteur fait preuve d'un énorme détachement. Mais en même temps ... C'était leur quotidien. Le gros plus de ce livre : les photos d'époque prises par Louis Maufrais ou quelques-uns de ses camarades. Elles sont de très bonne qualité et permettent de réellement illustrer cette période horrible qu'était la guerre des tranchées.

Août 1914 alors qu'il devait se présenter à l'internat Louis Maufrais étudiant en médecine rejoint le front et les tranchées. Pendant quatre années il n'aura de cesse d'être témoin de cette guerre si meurtrière,une guerre qui tue qui ampute les soldats. Pendant les quelques moments de répit,Louis Maufrais prend des photos et note les évènements tragiques mais aussi les moments d'espoir d'échanges et d'amitiés entre les hommes. Pendant des décennies l'homme devenu médecin dans le civil n'aura qu'une envie de se plonger dans ses carnets afin qu'un jour un ouvrage soit publié. À l'âge de quatre-vingt-quatre ans et malgré une cataracte qui le rend aveugle il enregistre avec l'aide de sa femme des cassettes qu'il leguera à ses enfants. Martine Veillet petite fille du médecin nous permet de lire un récit exceptionnel puisqu'elle permet à son grand-père Louis Maufrais d'enfin partager ses souvenirs de guerre en tant que médecin mais aussi en tant qu'homme. Je comprends très vite qu'il ne sera pas question de descriptions médicales car bien évidemment les médecins dans les tranchées ne pratiquaient que le "triage" et les soins d'urgence des blessés ou malades afin que ceux-ci soient emportés vers des centres de soins. L'homme rend un hommage aux brancardiers qui prenaient tous les risques car non armés,hommage à tous les hommes qui venaient leur apporter le peu de nourriture et devaient faire des kilomètres dans les tranchées aux risques d'être tués. Il rend hommage à tous ces hommes qui ont combattu sans raison. Il rend hommage aux soignants qui faisaient le maximum avec le peu de moyens dont ils disposaient sur place et le peu de notions médicales pour certains. Chacun donnait de soi sans discrimination, comment sauver ses hommes qui sont déchirés dans leur corps et dans leur âme,car malheureusement il parle aussi de folie. Une folie, des images qui restent gravées et que l'alcool leur permettait d'oublier pour quelques instants, l'alcool qui leur donnait du courage pour affronter la dureté la réalité de cette guerre.

Louis Maufrais, étudiant en médecine, est mobilisé dès 1914 sur le front de la Grande Guerre : longtemps dans l'infanterie (les premières lignes), puis dans l'artillerie (en soutient de l'infanterie), puis en ambulance et enfin comme aide-chirurgien dans un hôpital qui opéraient les soldats gravement blessés. Ces différentes situations rendent ce témoignage unique. Comment a fait Louis Maufrais pour ne pas devenir fou et vivre jusqu'en 1977 après tout cela ? Comment ne pas devenir fou quand pendant 6 heures, dans un abri de tranchées, tout autour de vous tremble car toutes les 2 ou 3 secondes, dans un rayon de 100 mètres, un obus éclate ? Et que lorsque l'attaque est terminée les hommes sont tous recouverts de 5 à 10 cm de poussières ? Comment ne pas devenir fou quand plusieurs fois tant d'hommes tombent au front pour gagner 50 mètres de terrain et les perdre aussitôt le lendemain ? Comment ne pas devenir fou quand, lors de sa dernière affectation en hôpital, il se rend compte que les "soins" qu'il apportait en premières lignes ne servaient à pas grand-chose et qu'in fine 80% des opérés ne survivent pas ? Comment ne pas devenir fou quand à la fin de la guerre on se rend compte que de tous les sous-officiers qu'on a connus, un seul a survécu ? Merci à sa petite fille, Martine Veillet, d'avoir publié l'essence des 16 cassettes que Louis Maufrais avait enregistrées et de nous avoir fait partager ce témoignage édifiant.