La forme de l'eau : Le livre de Andrea Camilleri

C'est le premier giallo de la série Montalbano (1994) et c'est un coup de maître. Dès les premières pages du roman, il est clair que nous sommes en Sicile dans un bastion mafieux dans lequel s'affrontent deux familles depuis des lustres. Deux géomètres au chômage employés comme « ramasse-poubelles » découvrent le cadavre à moitié nu d'un homme politique célèbre, l'ingénieur Luparello, dans un terrain vague non loin du Bercail, une ancienne usine reconvertie en boite de nuit douteuse. Ils ne leur traversent pas un instant l'esprit de prévenir les Carabiniers ou de se rendre au commissariat, non. Ils téléphonent à l'avocat Rizzo, l'ami du défunt. Celui-ci réagit avec indifférence et ne demande aucune explication. Il leur faut alerter « la Liggi ». Quand le commissaire Montalbano arrive sur les lieux, l'affaire est déjà close et Televigata prévenue. Il s'agit d'une mort naturelle : “Ce qui s'est passé ici, ça crève les yeux. le pauvre ingénieur, il s'est mis en tête de venir tirer un bon coup dans le coin, peut-être avec une radasse exotique : il se l'est tirée et il y est resté.” le commissaire est bien évidemment peu convaincu par ce discours très professionnel du médecin légiste. A la fin du roman , Montalbano et le lecteur seront les seuls à connaître la vérité. La version officielle demeurera inchangée. Alors, le commissaire aidera l'innocent à s'échapper. La vérité comme l'eau prend la forme qu'on lui donne. Au delà de l'intrigue policière plutôt bien ficelée sans être extraordinaire, le roman raconte dans une langue inventive pleine de saveurs dialectales la Sicile dans ses ambigüités, ses connivences douteuses comme s'il s'agissait d'un grand théâtre tragi-comique où tout le monde avance masqué. L'intérêt supplémentaire de ce premier giallo, c'est qu' il est situé durant les inoubliables années berlusconiennes. Et l'humour grinçant de Camilleri s'en donne à coeur joie.

La forme de l'eau, le premier livre de la série du commissaire Montalbano, est un véritable représentant du GIALLO ITALIEN littéraire, dans lequel le contexte joue un rôle plus important que le cas proprement dit enquêté dans le roman. La ville fictive de VIGATA et l'ambiance sicilienne deviennent un personnage principal avec ses luttes de pouvoir, sa corruption politique et policière, et bien sûr, sa GASTRONOMIE!! Le commissaire Montalbano est un personnage intègre mais avec des zones d'ombre, très humain, et il va sûrement offrir beaucoup de matière dans les prochains tomes de la série. Une mention spéciale au chapitre 5, qui a un rythme très cinématographique et qui utilise le procédé des appels téléphoniques pour nous plonger dans le contexte et nous donner une grande quantité d’informations de manière très fluide. L’enquête policière en elle-même est ce qui m’a le moins plu dans le livre, mais j’aimerais continuer à lire les autres livres de la série, qui ne sont pas moins de 33 !!

J'ai mis un temps fou à le lire, parce que j'avais des tas de choses à faire, mais surtout parce que je n'ai pas été emballée. Le récit est un brin enchevêtré et pas très palpitant. Le titre est joli cependant. Mais je n'abandonne pas pour autant ma lecture des Montalbano.

La première enquête de Montalbano. Les aventures de ce commissaire haut en couleur se déclinent sur une trentaine de romans. Personnage aux goûts simples, misanthrope, sarcastique et un brin cynique, derrière une rudesse de façade, Montalbano mène l'enquête dans les milieux troubles des dealers et de la prostitution. Conteur hors pair, une plume envoûtante, Andrea Camilleri dresse l'impitoyable état des lieux de toute une société. Entre pur dialecte et italien "sicilianisé" truffé de régionalismes, "La Forme de l'eau" est un roman à la finesse jubilatoire.