La nuit des temps : Le livre de René Barjavel

"Je suis entré et je t'ai vue. Et j'ai été saisi aussitôt par l'envie furieuse, mortelle, de chasser, de détruire tous ceux qui, là, derrière moi, [...] attendaient de savoir et de voir. Et qui allaient TE voir, comme je te voyais. Et pourtant, je voulais aussi qu'ils te voient. Je voulais que le monde entier sût combien tu étais, merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle. Te montrer à l'univers, le temps d'un éclair, puis m'enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l'éternité." Aujourd'hui, ma chronique sera consacrée à un livre que j'ai découvert au collège en classe de cinquième et qui figure toujours depuis plus de trente ans après dans mes "favoris". J'ai adoré "La nuit des temps" et je l'ai relu à plusieurs reprises depuis sa découverte. Publié en 1968 aux Presses de la Cité, il est devenu un grand classique de la littérature française. Ce livre s'est frayé, à travers le temps, une place à part et indémodable. Partez sur les traces d'Eléa et Paikan...900 000 ans nous séparent! En Antarctique, une expédition polaire de scientifiques capte un signal venu de la profondeur des glaces et finit par découvrir une civilisation disparue depuis 900 000 ans. Dans une sphère, on trouve un homme et une femme, nus et endormis, Eléa et Païkan. Reveillée, Eléa raconte l’histoire de son peuple et l’amour infini qui l’unit à Païkan pour la nuit des temps…

Étant novice en lecture SF, ce livre m’a été conseillé par des lecteurs aguerris en la matière. L’écriture accessible et l’histoire haletante m’ont tenu en haleine tout au long de ce petit livre malgré une histoire d’amour qu’on sent arriver trop vite à mon goût. Son statut de classique de la SF, précurseur même, est amplement mérité. À lire et relire.

La nuit des temps est un roman de science-fiction qui m’a captivé et particulièrement plu, à la fois fiction scientifique et fresque humaine. Situé dans un présent contemporain à Barjavel, il entraîne le lecteur en Antarctique, où une découverte extraordinaire devient le point de départ d’une réflexion plus large sur le destin de l’humanité. Le récit séduit par son équilibre entre imagination et réalisme. La progression des scientifiques, leurs méthodes et leurs doutes sont exposés avec une précision quasi documentaire, sans jamais alourdir l’ensemble, ce qui renforce l’impression de crédibilité. Barjavel s’appuie sur des connaissances réelles pour bâtir une intrigue fascinante où la science devient le moteur de fiction. Le style d’écriture contribue beaucoup au plaisir de lecture : épuré, direct, fluide, sans fioritures, mais capable de s’épanouir dans de très belles descriptions, notamment des paysages glacés ou du monde ancien enfoui. Ce rythme efficace s’explique par le fait que l’auteur avait d’abord conçu cette histoire comme un scénario de film, proposé au cinéaste André Cayatte. Le projet, abandonné faute de moyens, a ensuite été retravaillé pour en faire un roman. Ce passé cinématographique se ressent dans la force visuelle et la narration très « vivante » du texte. L’ambiance est double : d’un côté, le cadre scientifique et politique défini par la compétition entre grandes puissances, qui rappelle les tensions de la guerre froide dans les années 1960 et notamment la crise des missiles de Cuba, probablement marquantes pour l’auteur ; de l’autre, la représentation saisissante et tragique d’une civilisation disparue. La contestation populaire évoquée dans le roman résonne aussi avec les mouvements sociaux de mai 1968, qui ont éclaté au moment où l’ouvrage était publié. Il s’agit donc là d’une coïncidence et non d’une influence directe du réel sur les écrits. Barjavel donne à son récit une portée philosophique qui ajoute une profondeur remarquable. Le peuple du passé incarne des valeurs et des mœurs radicalement différentes de celles des sociétés occidentales contemporaines : rapport à l’amour, à la liberté, au collectif. Cette confrontation de visions du monde invite à réfléchir sur nos propres choix de civilisation et sur ce que nous considérons comme fondamental. Ce qui m’a également frappé, c’est la manière dont les conflits se construisent en parallèle au sein des deux trames croisées : plus la situation devenait dramatique dans le monde ancien, plus les tensions s’accentuaient dans l’intrigue « cadre » des années 1960. Ce jeu de miroir donne au roman une portée universelle et fait naître cette idée que notre monde n’apprend pas des sociétés qui l’ont précédé, en reproduisant inlassablement les mêmes schémas destructeurs. Cette construction m’a semblé particulièrement intelligente et percutante. Enfin, le dénouement, totalement inattendu, m’a profondément marqué. Il ajoute une dimension de choc qui renforce encore la puissance de l’œuvre et en fait une lecture inoubliable.

Un livre qui a un peu vieilli, notamment face au sexisme systémique et la place de la femme un peu caricaturée. Après, il faut savoir lire ce genre de livre en dehors de notre chronologie et remonter le temps (trop de description du corps nue de la femme, et rien sur l'homme... Ce male gaze m'a agacé). Le début de l'histoire est vraiment prometteuse et pleine de mystères. J'ai adoré suivre cette aventure dan les contrées glacées de l'Antarctique, avec ce faible signal détecté qui finalement, conduit l'être humain à la plus grande découverte de l'histoire. J'ai un peu moins accrochée à la romance entre les personnages de "l'autre temps". Cette grosse partie contrebalançais l'énigme principale riche en mystère. Ce fut une lecture globalement intéressante, mais qui n'a pas réellement captivée mon intérêt à cause de cette seconde partie plus "classique", et aux personnes un peu trop caricaturaux.