Le chemin de sel : Le livre de Raynor Winn

J’ai eu un coup de cœur pour ce livre, qui n’est pas une fiction mais l’histoire bien réelle de l’autrice et son mari. Le récit nous parle de résilience, d’introspection et de rapport aux autres, tout en nous emmenant explorer les paysages maritimes et escarpés des Cornouailles. On apprend beaucoup de choses aussi sur la faune, la flore, la géologie et l’histoire de ce coin d’Angleterre. Ça m’a donné envie de prendre mon sac à dos et partir en randonnée… Quoi que, je ne suis pas certaine de pouvoir me débrouiller aussi bien qu’eux dans la nature. Le roman sera adapté en film courant 2025, autant dire que j’irai au cinéma dès qu’il sortira !

Moth, l'époux de Ray, la narratrice, est atteint d'une maladie neurologique incurable, selon les médecins. Et comme la malchance n'arrive jamais seule, il se trouve qu'à la suite de la trahison d'un ami, la maison du couple est saisie et ils sont expulsés. Ils deviennent donc du jour au lendemain SDF. Ray et Moth décident alors de faire le South West Coast Path, soit 1031 kilomètres de chemin de grande randonnée au sud-ouest du Royaume-Uni (la 4e de couverture parle de sud-ouest de l'Angleterre, ce qui est une erreur : n'allez pas dire aux "Cornish", qu'ils sont anglais ! ). J'ai adoré ce livre pour tous les paysages traversés mais aussi son aspect critique sociale bien sentie. La narratrice nous conte aussi souvent l'histoire des lieux traversés, on apprend une foule de choses, ou comment le gouvernement britannique a mis en place une usine de fabrication de gaz sarin, qui a fait plusieurs centaines de victimes chez les ouvriers, et comment il a rechigné à reconnaître la vérité jusqu'à être acculé ; l'interdiction toujours en vigueur de mendier ou de dormir dehors en Angleterre et au Pays de Galles, l'interdiction de faire du camping sauvage, etc. Le tourisme de masse et ses dérives en tout genre, notamment sur l'environnement est également pointé du doigt. J'ai revu avec bonheur des lieux traversés, le site supposé du château du Roi Arthur, le fameux Land's End. J'avais peur que ce livre parle de maladie tout le long, que ce soit un tire-larmes. Que nenni ! En revanche, il montre les bienfaits de la marche sur le moral. Enfin, j'ai apprécié l'humour, la présence de la littérature de marche (le couple part avec le livre de Paddy Dillon dédié à ce sentier de grande randonnée, ce qui donne des moments croustillants). C'est un récit autobiographique.

Une histoire de courage, de résilience et d'espoir face à l'adversité qui force l'admiration et une illustration inspirante du pouvoir réparateur de la nature et des bienfaits de la marche, ce qui me parle particulièrement. Néanmoins, j'espérais un récit plus poétique, plus introspectif et réflexif et je regrette le manque de profondeur, le caractère répétitif et trop souvent essentiellement descriptif de la narration.

« Nous ne nous dirigions vers aucun futur, ce n’était pas un nouveau départ où la vie se serait ouverte devant nous. La terre s’était fendu sous nos pieds nous laissant au bord d’un abîme que nous n’aurions jamais pu franchir. Fuyant le spectacle d’une coquille brisée comme si ce n’était pas la nôtre. Nous partions, c’est tout. » Suffit-il, justement, d’avoir tout perdu (maison, argent, santé) pour se décider à partir sur les routes, tels des vagabonds modernes? Raynor Winn et son mari Moth, acculés à la faillite à la suite d’un procès, n’entrevoient que cette ultime sortie, un baroud d’honneur à la justice des hommes. On n’apprendra pas grand-chose sur cette perte financière, mais là n’est pas le propos. Le couple qui s’engage sur le sentier de la Côte Sud-Ouest de l’Angleterre, sac au dos, espère, par cette coupure nette avec la société, refaire le plein d’énergie et penser autrement une vie à reconstruire. Renforcés par leurs trente-deux années de vie commune, Raynor et Moth se soudent encore davantage durant cette randonnée à camper sous les étoiles. C’est un très beau récit ponctué de descriptions de paysages grandioses, de rencontres inédites et touchantes. L’amour inconditionnel que se portent Raynor et Moth traverse les pages et vient toucher au coeur le lecteur. J’ai fait le sentier virtuellement avec eux, m’imprégnant de leurs doutes, de leurs courbatures et de la force de leur équipe. Inspirant, tout simplement!