Le Diable parle toutes les langues : Le livre de Jennifer Richard

Quelle richesse, quelle puissance dans l’écriture, les sujets abordés, les personnages, les idées. On lui pardonnerait presque d’avoir vendu et livré la plus grande partie des armes qui ont alimentés les plus grands chaos du monde de 1870 à 1939. Lui, c’est Sir Basil Zaharoff. Prêt à mourir dans son palace de Monaco, ses tristes mémoires sont lus par Angèle sa fille. « Ce livre est une confession, non une absolution ». Comment pourrait-on absoudre celui qui a nourri la folie destructrices des hommes, ravitaillé les révolutions et manœuvré avec éclat et cynisme les potentats, les despotes et autres dictateurs de la planète ? Issu d’une famille grecque qui fuit la Russie pour échapper aux pogroms, Basil Zaharoff est né dans l’Empire ottoman. Cet oriental devenu français dispose de tout le charme et toute la fourberie de ses prétentions. Manipulateur patenté par les sociétés Krupp et Vickers, il deviendra un des hommes les plus riches d’Europe sans aucun remord lié à la source de ses revenus. Être respecté n’est pas fatalement être respectable. « Il était le grand artificier, le bras droit de la Faucheuse. » C’est un anti Cyrano de Bergerac : « Le panache n’est ni le prestige ni la fierté. Il est inutile, et c’est en cela qu’il est sublime. A l’inverse dans ma vie, tout était calculé, manœuvré, sordidement utile aux fins poursuivies. » Au fil des pages, Jennifer Richard et ses subtils arguments agrémentés d’une sincérité certaine dans les démarches et les actes de Zaharoff ainsi que son amour absolu pour Pilar, véritable Pygmalion de sa colossale réussite ont à mes yeux atténués sa vanité et son orgueil démesuré mais jamais son immoralité. Que l’emporte sa paranoïa. Le roman de cet authentique acteur de l’Histoire est aussi passionnant qu’effrayant. « Vois-tu Angèle, je préfère régner en enfer plutôt que de servir au paradis. »