Le mariage : Le livre de Dorothy West

Un ouvrage choisi un peu au hasard chez mon libraire. Cette histoire avait été commencée dans les années 40 et l’autrice n’avait pas osé la terminer et tenter de la publier, l’époque ne semblait pas prête… et c’est grâce à sa voisine, sur cette île, Jacquie Kennedy, qu’elle l’a terminée dans les années 90 pour la publier. Ce livre est l’occasion, pour moi, de faire connaissance avec Dorothy West « écrivaine afro-américaine de la Renaissance de Harlem » (Babelio). Pour une française blanche aux racines profondes, il est toujours très intéressant de découvrir une culture différente, ici, les afro-américains qui ont accédé au statut de la bourgeoisie alors que leurs grands-parents avaient connu l’esclavage. Nous sommes à la veille du mariage de Shelby et l’autrice nous promène autour de l’Oval, un quartier de l’île qui semble réservé à la bourgeoise noire. Elle nous permet de côtoyer différents personnages et leurs ancêtres, souvent venus du sud pour mieux s’émanciper, devenir médecin, par exemple… Elle nous donne à voir également comment les différents afro-descendants se distinguent, se jugent entre eux, selon la teinte de leur peau, issu de la mixité. Une belle étude sociologique des parcours et des caractères de chacun, avec un peu d’humour, des drames, une courte saga familiale qui contient tout ce qui est nécessaire pour en faire une fresque très riche.

Dorothy West, ça vous évoque quelque chose ? Militante pour les droits civiques, l’une des figures de proue du mouvement Harlem Renaissance, elle comptait notamment Jackie Kennedy Onassis parmi ses amies. Avoir une first lady éditrice dans son entourage, quelle aubaine ! C’est justement cette dernière qui encourage Dorothy West à terminer l’écriture d’un roman commencé plusieurs décennies auparavant dans les années 50. En 1995, Le mariage voit enfin le jour : une fresque sur Martha’s Vineyard, où familles afro-descendantes, héritages, mariages mixtes et vieilles blessures se croisent dans un grand roman choral. Bienvenue dans la famille Coles, issue de la haute bourgeoise noire. Toustes les descendant•es de la vieille Gram, l’unique blanche du clan Coles, sont réuni•es dans l’immense demeure familiale de Martha’s Vineyard. C’est l’effervescence, la plus jeune des filles, Shelby, s’apprête à se marier ! Mais cette union n’est pas du goût de la famille. Le marié cumule en effet deux défauts majeurs : c’est un musicien sans le sou et surtout, il est blanc ! Quoi de mieux qu’un mariage mixte pour décortiquer les clichés et les tiraillements identitaires ? Il est finalement peu question d’amour ici. L’autrice retrace le passé de quelques membres importants de la famille Coles en pointant avec drôlerie toutes leurs incohérences et le racisme intériorisé envers leur propre communauté : l’obsession de la peau claire pour les un·es, des amants et des maitresses à la peau très foncée pour d’autres, l’idéologie de classe, … On ne va pas se mentir, on s’y perd parfois entre tous les personnages tant c’est foisonnant. Mais accrochez-vous car c’est précisément ce qui fait la force de ce roman, cette impression de tenir entre les mains tout un monde qui se débat avec ses contradictions.

Ce grand classique de la littérature afro-américaine m’a laissée mitigée et j’en suis désolée ! Le style d’écriture est agréable mais l’histoire est difficile à suivre de par les nombres de personnages évoqués. Au fil de la lecture, j’ai plusieurs fois perdu le fils. Ce roman est cependant un incroyable témoignage de la fresque et de la hiérarchisation sociale de l’époque ! À découvrir !

Un classique à redécouvrir ! Je ne connaissais pas Dorothy West, donc ce livre est une totale découverte. C'est un roman chorale qui nous permet de découvrir les destins croisés d'une poignée de personnages, dont les histoires vont se lier pendant quelques jours. Le cadre de vacances en bord de mer contraste fortement avec la gravité des histoires. Dorothy West parle de la société américaine de l'époque, de son hypocrisie, de son obsession raciale... Et elle place ses personnages devant leurs contradictions de façon aussi puissante qu'intime. Ce livre est l'occasion de porter un regard sans complaisance sur les travers de l'Amérique. Passionnant de la première à la dernière page.