Le meilleur des mondes : Le livre de Aldous Huxley

J’ai trouvé ce roman à la fois perturbant et extrêmement intéressant. L’auteur imagine un monde qui se veut parfait mais où tout sonne creux comme si l’être humain avait été vidé de ce qui le rend vraiment vivant : ses émotions, sa liberté, sa fragilité. J’aime les livres qui questionnent, qui ouvrent l’esprit et celui-ci m’a vraiment fait réfléchir. Il montre à quel point le confort peut devenir une prison et comment une société peut perdre son âme en cherchant à éviter la douleur à tout prix. Ce n’est pas un roman qui touche le cœur mais il touche l’esprit d’une manière profonde, qui reste. Une lecture qui fait voir la réalité autrement, surtout quand on aime comprendre l’humain et ses contradictions.

Le Meilleur des mondes, c'est une société hyper structurée, encadrée, contrôlée à l'extrême ; une fabrique d'êtres humains par le clonage et la gestion rationalisée jusqu'à l'extrême de la génétique dans le but de créer et conditionner des personnes pour des tâches bien précises. Avec une petite place pour les loisirs et le sexe (mais avec des relations sans sentiments et sans attaches surtout) car nous ne sommes pas des sauvages quand même ! Les Sauvages, justement, ce sont ces hommes et femmes que l'on a parqués dans des réserves car ils vivent comme dans l'ancien temps, celui où l'on croyait encore en Dieu (ou en des dieux), celui où la science n'avait pas annihilé tout le reste. Bernard lui est un tant soit peu différent, on le trouve bizarre d'ailleurs et l'on estime qu'il y a eu un problème lors de sa conception ou de sa gestation. Il aime une fille en particulier, chose là aussi anormale et veut lui montrer une réserve de sauvages pour la convaincre qu'il existe un autre type de société, issu de temps qui semblent immémoriaux. L’œuvre d'Aldous Huxley est visionnaire sur bien des points, le contrôle des êtres humains, la science qui veut éradiquer la souffrance en déshumanisant, le rejet de valeurs jugées inutiles et perturbatrices. A travers la quête de Bernard puis d'un sauvage il nous montre l'état d'une société parfaite d'un point de vue organisationnel mais dramatiquement inhumaine dans son approche des émotions, des relations sociales. Et il a le mérite de ne pas conclure son œuvre dystopique par un retournement de cette société voir un effondrement, le but n'étant pas de proposer un roman d'action ou d'aventure ayant pour motif le classique présentation/action/conclusion mais plutôt de montrer à travers les pensées et les réflexions de quelques personnages ce qui ne peut pas fonctionner dans ce système. Bernard, puis le sauvage, réfléchissent à leur condition, la remette en question, agissent comme des individus et non comme des êtres artificiels, crées en série. Jusqu'à l'apogée du roman, lors d'un dialogue mémorable entre le sauvage et l'administrateur où il est, entre autre, question de religion, de science, de Shakespeare : Mais je n'en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du pêché. [...] je réclame le droit d'être malheureux. Le Meilleur des mondes offre une réflexion intéressante et visionnaire de la façon dont peut évoluer la société pour le bien être de l'organisation sociale mais au détriment du bonheur individuel et de la liberté. C'est aussi un roman écrit avec talent jusque dans la construction littéraire de certaines scènes qui alterne les échanges de divers individus dans ce qui pourrait être une mise en scène cinématographique. Un classique de la littérature de science fiction... ou d'anticipation ?

#9758; Pourquoi il faut le lire ? C’est un classique, oui, mais les messages de ce livre résonnent étonnamment fort à notre époque. Certes il y a la réflexion sur le bonheur, la liberté et l’utilisation à outrance des technologies, mais également sur l’intégrité d’une société fondée sur le bien-être et qui ne cherche en faite qu’à vendre. C’est assez troublant de voir à quel point Aldous Huxley a pu imaginer beaucoup de choses en 1931 qui prennent forme dans notre réalité du 21ème siècle. #9758; De quoi ça parle ? La recherche du bonheur a poussé l’humanité à créer des castes très hiérarchisées. Dans chacune d’elles sont classés des individus génétiquement sélectionnés pour s’y épanouir parfaitement. Le hasard n’existe plus dans les naissances, chacun est prédisposé à remplir son rôle et à s’en satisfaire. Les plaisirs et les distractions achèvent les moindres sursauts de contestations. Mais certains arrivent à différencier plaisir et bonheur.

J’ai été vraiment transporté par l’univers imaginé par Huxley : à la fois fascinant, dérangeant et d’une certaine manière poétique. Le monde dystopique qu’il imagine, où tout semble parfait mais où tout sonne faux, m’a captivé du début à la fin. Difficile de ne pas voir dans ce qui est dépeint, une critique de notre société actuelle. Et ça c’est quand même très fort. En revanche, le style d’écriture m’a parfois paru un peu étrange, presque déstabilisant, et je termine le livre avec une impression d’inachevé, comme si quelque chose m’échappait. Je pense être passé à côté de quelque chose. En tout cas je recommande ce livre pour la réflexion qu’il amène sur notre société et nos expériences.