Les portes de la perception : Le livre de Aldous Huxley

Ce livre est un classique de l'ésotérisme, que j'ai découvert à l'occasion de l'exposition "Ayahuasca, de la pratique chamanique à la vision artistique", au musée du Quai Branly. Pratiquant régulier de cette médecine sacrée en Europe et en Amazonie colombienne, j'ai été frappé par la qualité de l'exposition et de ses commentaires, cohérents avec ma propre expérience. Aldous Huxley a été un des premiers occidentaux à écrire sur l'expérience hallucinogène avec les médecines sacrées des indiens d'Amérique (dans son cas le peyote, un cactus du désert, et non l'ayahuasca une décoction de liane et de feuilles de la forêt amazonienne et dont le nom signifie La Vigne des Esprits). J'ai retrouvé dans Les Portes de la Perception (le premier écrit du livre qui en comporte une vingtaine) une bonne partie de mon expérience, notamment cette sensation de vie éternelle, de bonheur, de conscience si particulière qui fait tout percevoir, sentir avec un regard neuf et j'ai beaucoup aimé l'approche scientifique qu'en fait Aldous Huxley (l'homme a un mécanisme cérébral qui limite le flux d'informations qui lui arrive, ce qui lui permet de ne pas rester contemplatif mais de penser à sa survie). Les autres écrits, très influencés par sa culture chrétienne, sont beaucoup mais intéressants pour moi mis à part les Notes sur le Zen et le Désert. Cet ouvrage est une bonne introduction à la pratique du monde chamanique et aux découvertes qu'il recèle.

Loin du chroniqueur humaniste, de l'auteur de SF, mais un peu moins du poète , Aldous Huxley prend ici la plume du mystique. L'éditeur a eu la très bonne idée de rassembler dans ce livre les articles et textes du penseur, principalement écrits vers la fin de son existence. Les thématiques sont très intéressantes, observées de manière quasi-scientifique, mais traitées très inégalement entre étude sobre, éclairante et discours moral dérangeant. La lecture de cet ouvrage est inspirante à l'égard de la différenciation entre spiritualité et para-psychologie, malheureusement fort mal interprétée par les décennies qui suivirent et virent l'explosion du charlatanisme new-age. Mais à la lumière de notre société moderne, sans doute trop matérialiste et individualiste, certaines attitudes et déclarations fleurent un peu trop la pensée rétrograde à mon goût, très loin de l'humaniste qu'il a été. On a parfois l'impression d'écouter soliloquer quelqu'un qui cherche à acheter sa place au paradis au crépuscule de la vie. À lire, oui, mais à contextualiser ...

Le petit traité d'Aldous Huxley, ici accompagné d'autres textes de l'auteur relatifs au même sujet, fait suite à une expérience de prise de mescaline, sous contrôle médical, qu'il a menée. Cette idée lui est venue après ses lectures sur la psychologie et ses réflexions sur la nature de la pensée et le lien avec les perceptions du cerveau en tant qu'organe. Il décrit dans le fascicule son expérience, avec moult détails sur ses perceptions, ses pensées et le détachement par rapport aux objets en tant que symboles, pour en venir au sens de ce qu'il voyait. le texte est intéressant parce qu'Huxley en profite pour entamer une réflexion philosophique de la pensée qui ne s'appuie pas que sur le monde des idées, mais également sur la mécanique, la biologie, du cerveau, ce qui lui permet d'esquisser les frontières et limites entre l'utilitarisme, le matérialisme et l'intuition, la communication interpersonnelle entre personnes en tant qu'esprits, ou le génie poétique, cher à William Blake. Un opuscule sans grande prétention, la simple narration d'une expérience de l'écrivain, et des conséquences qu'il en tire sur le monde et les grandes tendances philosophiques et spirituelles.

On comprend mieux pourquoi il y a si peu d'êtres illuminés au sens religieux ou mystique mais tant d'illuminés au sens hérétique du terme.