Mille femmes blanches : Le livre de Jim Fergus

J'ai apprécié cette lecture pour plusieurs raisons: les grands espaces américains, la rencontre entre deux cultures, la question des femmes et de leur place en sociétés (au pluriel puisqu'il s'agit autant de la société occidentale qu'amérindienne). On songe au film Danse avec les loups, mais à une tonalité féministe supplémentaire. Une chouette découverte!

A travers les carnets de May Dodd, femme blanche qui intègre la tribu, nous sommes immergés dans la vie quotidienne Cheyenne. Ces indiens tentent de survivre dans un monde en pleine mutation. Le point de départ du livre est un fait historique réel, la rencontre du chef Cheyenne Little Wolf et du President américain Grant. Une claque et un coup de coeur. Dès les premières pages, j’ai adoré ma lecture, j’ai plongé dans les carnets de May avec avidité. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été happée par un livre de cette façon ! J’ai aimé découvrir le mode de vie des Cheyenne. Coté américain, le traitement des femmes qui ne suivent pas les conventions sociales et qui sont donc internées m’a révolté. La violence, de différents ordres, est très présente et apporte malheureusement beaucoup de réalisme. La construction du récit est parfaite pour les sujets évoqués. Je me suis attaché a beaucoup de personnages, ce qui m’a entrainé dans ma lecture. Une superbe découverte ! Pourquoi dormait il dans ma PAL depuis si longtemps ?

Avant d’entendre parler du roman, c’est via son adaptation en BD que j’ai découvert cette histoire, une histoire révoltante, mais une histoire réelle, où ici l’auteur, Jim Fergus, profite de la fiction pour la porter à notre connaissance. Un exercice réussi ! Grand succès critique à sa sortie, Mille femmes blanches a ainsi été décliné d’abord en une série de 4 romans, puis une bande dessinée, et a fait connaître son auteur. Il s’inspire pour cela d’un fait historique réel : la proposition du président américain, dans les années 1870, de fournir des épouses blanches à des Indiens afin de les acculturer. L’occasion de plonger dans ces étranges relations entre colons et autochtones, et de découvrir la culture de l’un de ces peuples : les Cheyennes, à travers le regard de femmes blanches ignorantes. Éclairant. Cependant, je vais être franche, le texte vaut plus pour son fond que pour sa forme. Celle-ci est largement perfectible. Entre plume lambda, problème de rythme, longueurs, distance dans le regard posé, j’ai clairement déjà lu mieux en matière de récit historique pur. Mais le fond est intéressant, je ne peux le nier. Il dénonce et rapporte énormément de choses qui sont à connaître. Il y est d’abord question de la place de la femme dans ces années-là. On y dénonce ce que certaines familles font aux femmes qui ne rentrent pas dans les cases en les plaçant faussement dans des asiles pour aliénés où les pratiques sont abjectes. Il relate aussi la grande place de la religion dans les moeurs et attendus vis-à-vis des femmes et des relations de couple, le tout bien faussement. Il est aussi question, en miroir, de voir comment on considère la femme au sein d’un couple selon qu’on soit blanc ou Indien, fortuné ou non. De plus, on vit littéralement cette histoire aux côtés des femmes, on est avec elles, dans une forme de sororité nécessaire à la survie. Ça ne peut que marquer. Il est ensuite longuement question de la culture Cheyenne et c’est passionnant de vivre à côté de l’une de leurs tribus pendant une année, au rythme des saisons et de l’Histoire. Avec force de détails, l’auteur nous relate comment une colon forcée de vivre avec eux voit leur us et coutumes, leur culture, leur mode de vie dit »sauvage » mais qui ne l’est pas, qui recèle bien des richesses et des libertés. Je pense aux Hommes-Femmes, je pense à l’adoption des orphelins de toutes origines, même noires. Je pense à la place qu’on y laisse malgré tout aux femmes, au non jugement d’une femme violée contrairement à la bigoterie chrétienne, etc. On y parle aussi vie de couple, avec cette polygamie institutionnalisée, notamment pour ne pas laisser la soeur d’une épouse toute seule, le soin des plus âgés, l’entraide… C’est vraiment très riche et intéressant. Enfin, il y a la question des relations entre colons et indigènes et là il y aurait beaucoup à dire. L’auteur n’hésite pas à montrer le regard que les blancs posent sur ceux qu’ils considèrent comme inférieur à eux, tentant de les arnaquer, les tromper, puis les attaquant. C’est un contexte terrible qui nous est conté ici mais qui fut bien réel. Il y en avait d’ailleurs eu une autre représentation assez proche de celle-ci dans le film Little Big Man avec Dustin Hoffman que j’ai vu il y a quelques mois, dont l’auteur semble s’être grandement inspiré tant certaines scènes semblent identiques… Malgré les défauts stylistiques de l’oeuvre, j’ai passé un riche moment de lecture ici à découvrir un nouveau pan peu reluisant de l’histoire américaine coloniale, mais une culture riche d’enseignement, celle des Cheyenne. Cela m’a donné envie d’en savoir plus sur ces peuples amérindiens et leur histoire, mais peut-être soit à travers de vrais documentaires, soit à travers des histoires plus romanesques que celle-ci, car je ne suis pas une fan de l’entre d’eux ^^!

Ce livre, c’est ma libraire qui me l’a conseillé (une librairie fantastique à St Mathurin sur Loire soit dit en passant). Je l’ai commencé intriguée par son résumé mais pas totalement convaincue. Il a été comme un uppercut pour l’hypersensible que je suis. Je me suis identifiée à toutes ses femmes parties vivre une vie dont elles n’avaient aucune idée. Le courage, l’adaptation, la résilience de May m’ont bouleversée. Ce journal intime imaginaire, on y croit, on referme le livre en se pinçant pour se rappeler qu’il n’est que fiction. Ce livre est beau, il est émouvant mais dur aussi. Il est la vie des prairies de 1875. À lire donc ! Et à acheter puisqu’une partie des royalties de l’auteur finance une école indienne dans le Montana