Norferville : Le livre de Franck Thilliez

Norferville est un thriller#8239;doublement efficace: à une enquête haletante, Franck Thilliez, comme à son habitude, sait intelligemment introduire une autre dimension, celle d’un polar social, glaçant et immersif, qui confronte la brutalité du réel (racisme, violence, désastre écologique). Le duo Teddy#8209;Léonie, marqué par leurs blessures personnelles, rend l’intrigue d’autant plus poignante. L'action se déroule dans une petite ville minière du Grand Nord québécois, Norferville (pas si imaginaire, j’ai cru déceler Shefferville). Elle n’est accessible uniquement que par le train Tshiuetin depuis Sept-îles. Enclavée, balayée par des blizzards, elle est entourée de réserves autochtones. L’atmosphère est glauque à souhait, presque surnaturelle, entre froid extrême, nature hostile et vestiges de mythes amérindiens (comme le Windigo). Teddy Schaffran est un détective et criminologue basé à Lyon, père de Morgane. Il apprend que sa fille, vivant à Montréal, a été retrouvée sauvagement mutilée près de Norferville. Dévasté, il arrive sur place pour mener l’enquête. Léonie Rock est une lieutenant métisse de la Sûreté du Québec et native de Norferville. Son retour sur fond d’enquête ravive un trauma : à 16 ans, elle a été violée par trois hommes dans cette même ville. Ensemble, elle et Teddy forment un duo décidé à déterrer la vérité, affrontant les éléments, les habitants méfiants et les démons du passé. Thilliez dénonce les violences endémiques contre les femmes autochtones. Il s’appuie sur les tragédies bien réelles que symbolise le mouvement MMIW (Missing and Murdered Indigenous Women), illustrant leur invisibilisation et la lenteur des enquêtes. À cela s’ajoutent les tensions raciales bien réelles, elles aussi. L’exploitation minière et la dégradation environnementale accentuent la fracture entre les travailleurs et la communauté innue. La corruption, les résistances culturelles et les croyances ancestrales s’y entremêlent. Thilliez sait nous restituer une atmosphère et un environnement hostiles, la ville devient un piège mortel, un enfer blanc où le froid tue presque autant que les habitants et leurs secrets. Encore une réussite de Franck#8239;Thilliez. Un bouquin qu'on ne lâche pas.

Bienvenue à Norferville où l'enfer et le paradis se côtoient sous les températures glaciales canadiennes et les aurores boréales. Nous enquêterons à la recherche de toutes ces jeunes femmes disparues proches de cette ville minière isolée du reste du monde et où des autochtones côtoient des indigènes... Bon voyage dans le grand Nord, pour un dépaysement garanti !

La thématique abordée dans ce livre révèle les conditions horribles de vie des amérindiens, plus particulièrement des amérindiennes. En effet, le tabou est brisé et des associations mettent en avant les crimes commis envers cette minorité notamment les femmes. L’auteur nous emmène visiter le Canada dans ses paysages les plus hostiles à travers une histoire touchante d’un père et d’une femme souhaitant se venger. J’ai beaucoup aimé ce livre ainsi que la manière de raconter nous permettant d’avoir les bases du traitement des amérindiens tout en nous donnant l’envie d’approfondir le sujet pour notre culture.

Franck Thilliez a préféré créer la ville de Norferville et la réserve de Papakassik afin que les événements de cette histoire ne soient pas associés à des lieux réels. Le décor est planté, nous voilà donc enfermés dans cette ville minière fictive, semblant aussi glaciale de l'extérieur que dans le cœur des habitants et rien ne sera épargné aux personnages de cette intrigue, surtout pas une tempête d'un vent d'une température avoisinant les -50°. Nos deux héros : un criminologue borgne qui ne se remet pas de la mort de sa femme et qui doit à présent enquêter sur le meurtre abominable de sa fille et une flic autochtone, qui, en plus d'avoir des difficultés d'intégrations doit elle aussi enquêter sur ce meurtre, et pour cela retourner dans la ville de son enfance où elle a subit un viol... Dans son roman, Franck Thilliez met en lumière plusieurs enjeux sociaux-politiques. Il est en effet question d'écologie en rapport à la mine, en mettant aussi en avant les aspects du colonialisme et du racisme. Mais surtout, l'auteur met le doigt sur un fait trop ignoré ou plutôt délaissé, voire négligé, à savoir, la disparition de nombreuses femmes autochtones au Canada en 2016 dans l'indifférence totale. Un fait réel auquel l'auteur dénonce l'invisibilisation. C'est sans doute ce qui m'a le plus marqué dans ce roman d'ailleurs. Voici un lien donné par l'auteur sur le sujet : https://www.mmiwg-ffada.ca/fr J'ai également trouvé des comptes Instagram et YouTube sur le sujet si cela intéresse, mais ce site est déjà complet. Pour conclure, Si vous cherchez un polar qui allie suspense, réalisme social et critique écologique, cet ouvrage est une réussite. Le style est efficace, l'ambiance est étouffante en contradiction au climat glacial.