Veiller sur elle : Le livre de Jean-Baptiste Andrea, Léo Dussollier, Lila Tamazit

Toutes mes joies, tous mes drames sont d'Italie. Je viens d'une terre où la beauté est toujours aux abois. Qu'elle s'endorme cinq minutes, la laideur l'égorgera sans pitié. Les génies naissent comme de mauvaises herbes. […] L'Italie, royaume de marbre et d'ordures. Mon pays ». Un homme mystérieux au seuil de la mort retiré dans une abbaye va nous raconter son histoire et l'origine de la mystérieuse statue qu'il a sculpté ! « Une question d'heures ? Ne me faites pas rire. Je suis mort depuis longtemps. Mais depuis quand les morts ne peuvent-ils pas raconter leur histoire ? » Mimo naît en 1904 en Italie, il connaît la misère et souffre de sa condition de nain mais possède un talent fou pour sculpter. Sa rencontre avec l'audacieuse Viola, jeune fille de bonne famille changera sa vie. L'histoire de Mimo et de Viola traversera le 20ème siècle. Le destin les séparera puis viendra le temps des retrouvailles. Ils feront tout pour que leurs rêves se réalisent, celui de Mimo : s'élever au dessus de sa condition, celui de Viola : voler ! Mais le parcours sera semé d'embûches. Veiller sur elle est une grande fresque historique et romanesque mais également une lecture étourdissante, faite de passion, de poésie et de lumière. Un roman crépusculaire !

C’est le troisième roman que je lis de Jean-Baptiste Andrea après Ma reine et Des diables et des saints. J’y ai retrouvé avec beaucoup de plaisir son écriture poétique, teintée d’un humour discret qui fait sourire en coin au détour d’une phrase. Veiller sur elle est une grande histoire d’amour/amitié entre deux personnages atypiques, sur fond d’Italie fasciste. À travers eux, on voyage dans l’Italie du XXe siècle, entre marbre, orangers, lumière et chefs-d’œuvre de l’art italien. Il y a pour moi un peu trop de rebondissements et de thématiques abordées, ce qui crée parfois une impression de dispersion. Certains traits de caractère restent en surface, et j’aurais aimé que les personnages soient parfois plus fouillés. Mais malgré cela, l’auteur a réussi à m’embarquer dans sa fresque sensible, portée par une belle énergie romanesque et l’envie de tourner les pages ne m’a jamais quittée.

Ce livre fut un immense coup de coeur ! Un voyage dans le temps et dans l'espace, plus précisément en Italie, à Pietra d'Alba, où Mimo se fait renvoyer par sa mère à 12 ans seulement, après avoir passé une première partie de sa vie en France. Nous découvrons donc, au fil des pages, la vie de Mimo, depuis son enfance jusqu'à son dernier souffle. Nous le suivons à travers richesse, pauvreté, débauche, rencontres et talent.

Après en avoir lu la dernière page et refermé la couverture, je peux dire que j'ai trouvé ce livre magnifique et bouleversant... Mais je dois aussi avouer que j'ai failli l'abandonner à plusieurs reprises dans sa première partie, et que c'est sans doute parce que j'avais au fond le projet d'en publier une critique sur Babelio que j'ai persisté dans ma lecture... et bien m'en a pris ! Car en effet, pendant presque la moitié du livre, cette histoire relatant la vie de Mimo Vitaliani, sculpteur souffrant de nanisme, dans l'Italie de la première moitié du XX° siècle, et ses relations compliquées avec une famille d'aristocrates, les Orsini, en particulier avec leur fille Viola, ne m'a pas passionné : bien écrit, agréable à lire, mais assez fade et manquant de souffle. Et puis, peu à peu, dans sa deuxième moitié, j'ai trouvé que le roman prenait une épaisseur et une profondeur, que j'avais pourtant a priori renoncé à y trouver... et j'ai d'ailleurs lu cette deuxième moitié beaucoup plus rapidement que la première. Peut-être est-ce à cause du contexte historique de la période mussolinienne et de la seconde guerre mondiale devenu plus présent, peut-être aussi (sans doute plus sûrement en fait) en raison de l'habileté de l'auteur qui s'appuie sur les épisodes passés du roman pour lui donner peu à peu plus de consistance. Et c'est alors que les relations entre Mimo et Viola prennent progressivement une dimension tout à fait extraordinaire et très émouvante, donnant au titre du roman toute sa signification. Surtout, j'ai trouvé le personnage de Viola particulièrement réussi, complètement hors-norme, à la limite de la folie et singulièrement attachant. Il faut ajouter aussi que Jean-Baptiste Andrea réussit à faire vivre tout une galerie de personnages assez pittoresques, que ce soit ceux rencontrés par Mimo lors de ses années de galère, les amis de son village de Pietra d'Alba, ou encore les Orsini, dont les repas de famille sont l'occasion de règlements de compte tragi-comiques. Mais, ce qui m'a surtout plu au bout du compte dans cette histoire et dans la manière dont l'auteur nous la raconte, c'est cette sorte de montée en puissance, scandée par des retours réguliers sur la Pieta sculptée par Mimo, au pouvoir de fascination semble-t-il assez mystérieux voire troublant, mystère au moins partiellement éclairci à la toute fin du roman, mais ouvrant à des questionnements auxquels l'auteur prend soin (heureusement) de ne pas répondre...