Dans les brumes de Capelans : Le livre de Olivier Norek, François Montagut

Après 777 critiques, il paraît au-delà du futile d'en ajouter une. Ceci étant, je ne peux m'en empêcher après avoir lu tant de louanges. Alors, oui, c'est un ouvrage qui se lit bien et que, contrairement à certaines critiques, je trouve globalement bien écrit. Mais… je pense qu'il y a un peu trop de ces poncifs que deviennent les thrillers actuels. Tueur en série, inceste…. C'est bien fait, et le choix du décor (St Pierre de St Pierre et Miquelon) est vraiment efficace. Cependant je me demande comment les auteurs de polars vont faire à l'avenir pour nous surprendre tant ces récits de tueurs déments finissent par se ressembler et ne savent plus comment nous étonner. Avec un bémol, car O. Norek évite le grand guignol qui devient la patte de ses confrères (Minier, Thilliez).

Sans aucun doute mon Costes préféré ! On le retrouve sur une île aussi perdue que lui, sous couverture et sans plus d'attaches quant à sa vie d'avant. Il ne broie pas du noir, il est encore plus au dessous... mais quand on lui met une survivante à des années d'horreur dans les pattes, un changement s'opère lentement. Qui est cette ancienne disparue ? Qu'a t elle dû vivre dans cet enfer ? Va t elle pouvoir surmonter ce passer pour embrasser le futur ? Ces deux âmes embrumées vont elles apercevoir de nouveau la lumière ? Dans cette histoire, on flirte avec la limite du bien et du mal, rien est noir ou blanc, les monstres n'ont pas qu'un visage... On se perd dans les états d'âme de Costes, on se plaît à decouvrir son nouvel environnement, sa nouvelle vie, ses nouvelles relations et on adore le retrouver, même dans cette situation !

J'ai lu la dernière (? #x1f622) aventure du capitaine Coste alors que l’automne s’installait par chez moi, créant presque l’illusion d’être moi aussi à Saint Pierre. Je me suis laissée haper par cette nouvelle "enquête" pas comme les autres, dans laquelle Norek redistribue les rôles du méchant et du gentil. Avec Norek, jamais de "comme par hasard" ou " tiré par les cheveux", chaque étape de ses scénarios s’imbrique parfaitement. J’ai aimé le fait qu’il remette en question les points de vue durant une enquête et s’émancipe de profilages types parfois piégeux. J'ai en revanche moins aimé la manière dont il l’a fait sur la fin, [masquer]tiquant sur 2 ou 3 "détails" basés sur des réflexions clichées et manquant grandement de nuance déservant ainsi la grande majorité des enquêtes pour v!ol. [/masquer] J'ai aimé que l'enquête s’évade loin du 93, reflétant la santé mentale fragile de Coste et le rendant de fait infiniment plus humain et proche du commun des hommes (contrairement à d'autres séries policières ou thrillers dans lesquelles les auteurs plongent leur héros dans une spirale de malheur qui paraît trop pour un seul homme -Sharko pour F. Thilliez ou Servaz pour B. Minier, bien que j’adore et en redemande encore). Dans ce dernier roman, la frontière entre monstre et victime s’amenuise alors que celle entre Coste et le 93 paraît définitivement hermétique pour un épilogue impétueux.

J’ai lu Dans les brumes de Capelans. mon premier roman d’Olivier Norek, et quelle découverte ! On y retrouve le capitaine Coste, le personnage principal de la trilogie “93” que je n’ai pas lue mais cela ne m’a absolument pas empêchée de comprendre le contexte. L’auteur parvient très bien à replacer le lecteur : on saisit facilement où en est Coste dans sa vie, ses failles, ses inquiétudes, et ce qui l’a conduit là. Aucune difficulté à entrer dans le récit, même sans avoir lu les précédents. J’ai trouvé la lecture d’une fluidité impressionnante. La plume de Norek est simple, mais jamais simpliste : précise, juste, très agréable à lire. L’ambiance, en revanche, est sombre, froide, brumeuse, presque étouffante. Ce roman est noir, profondément noir, bien plus que ce que je lis d’habitude. Mais , je l’ai trouvé remarquablement réussi. Moi qui évite souvent les polars trop sombres parce qu’ils peuvent facilement m’atteindre émotionnellement, j’ai été happée par ce mystère, tenue en haleine du début à la fin. L’intrigue est dense. On voyage entre plusieurs lieux, plusieurs fuseaux horaires : parfois à Paris, parfois en Atlantique, parfois dans les pensées des personnages. Malgré cette multiplicité, on ne se perd jamais. Le début demande un petit temps d’adaptation, mais très vite, tout devient limpide. Norek réussit à manier une structure complexe tout en la rendant parfaitement claire ce qui est, à mes yeux, un vrai tour de force. Ce que j’ai surtout adoré, c’est la profondeur psychologique. Dans beaucoup de polars, les personnages passent au second plan derrière l’enquête. Ici, c’est tout l’inverse : la psychologie est finement travaillée, chaque personnage a une vraie épaisseur, une cohérence, une histoire. On comprend le capitaine Coste dans toute sa complexité, ses blessures, son humanité. Les relations qu’il entretient notamment avec Anna, mais aussi avec les autres personnages sont intéressantes, parfois ambiguës, parfois dérangeantes, toujours justes. Tous se construisent les uns par rapport aux autres, dans leurs failles et leurs contradictions, et c’est ce qui rend l’ensemble aussi captivant. Le dernier tiers du roman est haletant. J’ai littéralement lu les cent dernières pages en apnée : tout s’accélère, les révélations s’enchaînent, les pièces du puzzle s’emboîtent enfin. Le plot twist final est vertigineux. Même si certains indices laissent deviner certaines choses, le dénouement complet ne se révèle qu’à la toute fin, et tout prend alors sens. C’est ciselé, intelligent, et psychologiquement cohérent : on comprend les choix des personnages à la lumière de ce qu’ils sont, et pas seulement pour servir le scénario. C’est ce qui rend ce roman crédible, fort et percutant. En refermant ce livre, j’ai eu ce sentiment rare d’avoir lu un polar à la fois maîtrisé et humain, où l’émotion et la tension se répondent. Une vraie réussite, servie par une écriture fluide, une atmosphère immersive et une psychologie d’une grande justesse. J’ai maintenant très envie de découvrir les autres romans d’Olivier Norek notamment sa trilogie du 93, pour mieux comprendre encore ce capitaine Coste qui m’a déjà marquée.