Attachements. Enquête sur nos liens au-delà de l'humain : Le livre de Charles Stépanoff
Comment nous relions-nous à notre environnement et comment nous en détachons-nous ? Comment en sommes-nous arrivés à vivre dans des sociétés dont les rapports au milieu vivant se sont appauvris au point de menacer notre monde de devenir inhabitable ?
On a longtemps défini les humains par les liens les unissant les uns aux autres. Or ils se distinguent aussi par les relations singulières qu'ils établissent au-delà d'eux-mêmes, avec les animaux, les plantes, le cosmos. Sur tous les continents, chasseurs-cueilleurs, horticulteurs ou pasteurs nomades interagissent de mille manières avec une multitude d'autres êtres. Partout, les groupes humains s'attachent affectivement à des animaux qu'ils apprivoisent et avec lesquels ils partagent habitat, socialité et émotions. Notre ouverture à l'altérité va même plus loin. Nous établissons des relations fortes avec les esprits des montagnes et des fleuves, avec des dieux ou des ancêtres. Nous sommes étonnamment polyglottes, capables d'échanger avec un oiseau, une étoile, un esprit. Longtemps ignorée, cette disposition apparaît fondamentale dans le rapport singulier que nous avons construit avec notre environnement au fil des millénaires.
En s'appuyant sur l'anthropologie évolutionnaire, l'archéologie, l'histoire, l'ethnographie et ses propres enquêtes de terrain menées en Sibérie et en France, Charles Stépanoff compare différents contextes anciens et actuels, proches et lointains, où les humains s'attachent d'autres espèces. Au fil d'un parcours captivant qui l'amène à repenser intégralement des phénomènes fondamentaux comme le processus de domestication, la genèse des hiérarchies ou la construction des États prémodernes, il explore cette question inédite : comment les attachements au milieu vivant transforment-ils les organisations sociales ?
De (auteur) : Charles Stépanoff
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
horline
• Il y a 2 semaines
Au regard des désastres écologiques, il est tentant d'affirmer que l'activité humaine est par essence un élément perturbateur des écosystèmes naturels. Et l'agriculture, à travers la domestication des animaux et la culture de céréales, l'une des manifestations les plus massives. Avec Attachements, Charles Stépanoff nous invite à un renouvellement de perspective : dans le sillage de Philippe Descola, il s'inscrit pleinement dans le paysage des sciences sociales à la croisée des sciences du vivant en se livrant à un travail remarquable de déconstruction des discours intuitifs et des présupposés analytiques persistants hérités de notre cartésianisme occidental. Notre quête obstinée d'émancipation de toute forme de dépendance et de vulnérabilité a construit un récit évolutionniste qui n'a, à l'épreuve des observations de terrain et des travaux de recherche actuels, rien d'universel ni de linéaire. À travers une grande fresque ethnographique d'interactions entre l'humain et les espèces non-humaines, l'auteur s'attache d'abord à mettre en évidence le tempérament profondément relationnel de l'être humain, les rencontres inter-espèces convergentes, les dispositions des animaux et plantes à vivre dans un milieu anthropisé, une histoire continuelle de co-dépendances et de coévolutions imprévisibles qui offre un repère dans la réorientation de la pensée du vivant. L'auteur parle alors d'attachements. Il consacre ensuite de longues pages au noeud problématique de ces attachements, la domestication, car son récit n'est pas anodin. Théorisée au Jardin d'acclimatation de Paris par Buffon au XIXe siècle, elle est regardée comme le marqueur de naissance de nos sociétés modernes et la représentation la plus prégnante du grand schisme opéré entre nature et culture. Aux termes d'une enquête processuelle dense, Charles Stépanoff neutralise le discours moderne de rupture qui réduit la domestication à sa charge économique et son usage à l'asservissement et à l'exploitation des animaux. La comparaison de la pensée moderne à la cosmologie paysanne pré-moderne en Europe et à celle de sociétés autochtones met en lumière un processus de domestication ancien, polymorphe, qui ne repose pas nécessairement sur un rapport de domination et rend difficile la possibilité de dégager un critère consensuel pour caractériser ce mode relationnel sur lequel repose nos théories quant à l'organisation sociale des humains. Ce livre ne manque pas de bousculer quelques certitudes, la relecture de l'évolution des sociétés humaines proposée par l'anthropologue offre de nouvelles perspectives séduisantes selon une méthode fondamentalement dynamique. Il ne restreint pas sa réflexion à son terrain d'observation ni à sa monographie et évite de considérer certaines sociétés contemporaines très éloignées de la culture occidentale comme des témoins du fonctionnement des sociétés passées. Il procède par ailleurs à une étude transversale qui mêle paléontologie, ethnographie, et philosophie politique en ce qu'il propose une nouvelle piste d'émergence de la hiérarchie sociale. Il émet l'hypothèse que l'opérateur de la grande rupture entre l'homme et la nature ne serait pas la domestication analysée dans cet ouvrage mais le mode urbain qui, séparant espace habité et milieu nourricier, produit et amplifie des rapports hiérarchiques et spécialisés fondés sur le pouvoir des connexions ou la force d'attachement au monde non-humain, avec la même logique observée dans le cadre de la domestication-asservissement. Si la démonstration est séduisante, elle n'est cependant pas suffisante pour établir un mécanisme causal entre domestication-asservissement et inégalités. Mais elle permet d'identifier une origine possible de développement de la stratification sociale aux côtés d'autres facteurs concomitants. Ouvrage de synthèse et de recherche passionnant.
nseb30
• Il y a 1 mois
Mon sentiment vis à vis de ce livre est très partagé. D’un côté je le trouve difficile à lire car très dense. J’ai souvent eu l’impression d’être complètement perdu dans tous les détails et subtilités. D’un autre côté de trouve que cette exploration des liens qui existent entre les humains et les non humains est très interessante et permet de regarder nos comportements et nos attachements avec un autre regard. Au final je pense qu’il me laissera une vision différente du monde dans lequel nous vivons.
francklirzin_1731772647447
• Il y a 5 mois
Un livre extraordinaire. J’ai adoré les réflexions de l’auteur sur l’attachement et ce qui nous définit en tant qu’etres humains. Une pensée profonde basée sur une grande expérience et connaissance des communautés humaines. Un régal pour les amateurs d’anthropologie
Aurel23
• Il y a 5 mois
Vous trouverez dans cet essai une révolution dans la manière de penser le monde et les interactions entre les entités vivantes et non vivantes. Charles Stepanoff bouscule les idées reçues et même les idées reçues des idées reçues afin de comprendre les tissages de relation dans ce qu'ils ont de plus complexes et de plus magistrales. Les exemples sont extrêmement nombreux, passionnants et précisément documentés. C'est un livre qu'il faut lire.
Avis des membres
Fiche technique du livre
-
- Genres
- Sciences Humaines & Savoirs , Sciences Humaines & Sociales
-
- EAN
- 9782348081132
-
- Collection ou Série
-
- Format
- Grand format
-
- Nombre de pages
- 640
-
- Dimensions
- 242 x 156 mm
Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre univers où les mots s'animent et où les histoires prennent vie. Que vous soyez à la recherche d'un roman poignant, d'une intrigue palpitante ou d'un voyage littéraire inoubliable, vous trouverez ici une vaste sélection de livres qui combleront toutes vos envies de lecture.
27,00 € Grand format 640 pages