Châtiment : Le livre de Céline Denjean, Léovanie Raud

Dans cette série avec la major Louise CAUMONT, j'avais lu le premier opus, "Matrices" il y a 3 ans, et j'ai zappé le deuxième sans le vouloir pour passer à ce troisième épisode. Et comme pour le premier, je confirme mes critiques négatives, avec tout d'abord le style assez banal, puis ces dialogues très "Prout ma chère" comme on dit chez nous entre Louise et sa collègue et amie Violaine, et enfin ces personnages très versatiles qui savent passer en un clin d'oeil de la colère et du ressentiment à la bonne humeur et la complicité. Mais ces critiques sont assez facilement pardonnables face à l'intérêt de l'histoire et au déroulement du récit. Comme très souvent dans les polars actuels, deux enquêtes sont conduites en parallèle et finissent par se rejoindre, et les racines du problème v.iennent du passé et de l'enfance du ou des coupables. Du très classique donc. L'intérêt réside dans cette plongée dans l'univers de cathos traditionalistes, vivant en vase presque clos, où les enfants suivent leur scolarité de génération en génération dans une institution privée très rigoriste, dans laquelle se passent des horreurs tenues secrètes. Cela fait forcément penser à Rieumont et plus récemment à Betharram, et donne une image très noire de ce genre d'établissements. Le fanatisme religieux est nocif et condamnable quelle que soit la religion. Contrairement à certains lecteurs, je n'ai pas vu venir la vérité, mais je ne suis pas non plus spécialement à sa recherche car je préfère me laisser porter par le récit. Je lirai donc prochainement le deuxième tome de la série avant d'attaquer le quatrième.

Je ne connaissais pas l'auteure et cela a été une belle découverte car elle se distingue selon moi par son style d'écriture. Sans être pesant, le vocabulaire est riche, varié, ce qui est malheureusement trop rare dans les polars. La prose maîtrisée vient enrichir l'action, les personnages et le rythme de l'histoire du début à la fin. Menée par le major Louise Caumont, l'enquête débute ainsi deux mois après le meurtre de Marie-France Bellegarde, après que ce dernier ait été faussement élucidé par une autre équipe de policiers. Et en parallèle, un détective privé, sympathique et déterminé, commence des recherches sur une disparition. Les deux récits vont se croiser plus tard et il est difficile de fermer le livre tant nous sommes captivés par les rebondissements de l'histoire.

Ma collègue m’avait prévenue que celui-ci était plus gringe que tous ceux qu'elle m'avait déjà prêtés auparavant et... oui, en effet haha il faut dire aussi que le titre est un indicateur en lui-même ! Mais s'il était gringe, il était aussi très addictif, parce que je voulais savoir la finalité de toute cette histoire. Et autant dire que je n'ai pas été déçue, parce que je n'avais absolument pas deviné qui était le coupable ! J'avais soupçonné tout le monde sauf la bonne personne. Et pour moi, c'est en ça qu'un thriller est bon : se faire avoir comme un bleu, même si on a habitude d'en lire. Je crois n'avoir jamais lu de polar qui met autant en avant la religion et on peut dire que l’autrice n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Elle rentre clairement dans le vif du sujet et y va à fond ! Et c'est aussi ce que j’ai aimé, parce qu'elle amène des sujets qui sont malheureusement d’actualité et qui sont glaçants. Vraiment, les débuts de chaque parties sont forts et il faut s'accrocher, parce que psychologiquement, on a juste envie d'entrer dans le roman et de faire justice soi-même... Outre l'intrigue qui m’a prise aux tripes, j'ai adoré l’enquêtrice. Et pour une fois (merci !), elle n’a pas traumas comme beaucoup d'enquêteurs dans les polars. Alors, évidemment qu'elle a un passé avec ses difficultés, mais l’autrice n’appuie pas dessus et j’ai beaucoup apprécié ça. C'est un être humain "normal" qui a voulu devenir flic. Point. J’ai aussi beaucoup aimé l’alternance des chapitres avec deux enquêtes différentes mais qu'on se doute entremêlées. En bref, vous l'aurez compris, j’ai passé un super moment ! C'était le premier de l'autrice que je lisais, mais certainement pas le dernier !

J'avoue être allé en terrain miné. Après ma semi-déception que fut Matrices, j'ai cependant retenté le coup ici... et le résultat fut meilleur. Evidemment, la famille catho recèle un bon nombre de secrets bien dégueulasses. Evidemment, l'école catho cache des dégueulasseries. Evidemment, la religion est dépeinte comme un ramassis de croyances arriérées, de vieilleries misogynes, de débilités réactionnaires... Et... en fait, non. Là où Matrices m'avait soûlé en donnant le ton en un seul chapitre avec l'antagoniste, Châtiment reste particulièrement sobre sur ce terrain, permettant une lecture correcte et tout à fait valable. J'ai même été surpris de voir la thématique des violences conjugales évoquée de cette manière-là !