La route au tabac : Le livre de Erskine Caldwell

L'Amérique profonde après la crise de 1929. La Misère, la Bêtise, la Faim, le Froid. Jeeter Lester, fermier, fainéant-lubrique, ignare, roublard, faux croyant. Et, sa famille. Son épouse, Ada, constamment malade ; la grand mère dont personne ne s'occupe ; Ella May nymphomane qui a un bec de lièvre ; Dude le fils simplet, et, le petite dernière, 12 ans et déjà mariée. Enfin le gendre qui les regarde mourir de faim. La route du tabac n'est que le cheminement pitoyable des laissés pour compte. J'avais été fasciné par la couverture du livre de poche. Lu, il y a de longues années... peut-être ou plus certainement à cause d'elle. Je l'avais apprécié. Je l'apprécie encore.

En lisant les critiques sur ce livre, on comprend vite que le gros du livre dépeint une famille de paysans du sud profond en plein cœur de la grande dépression. Pour autant, je n'ai pas trouvé que c'était ce qui donnait toute son âme à ce livre. Pour moi, l'essentiel se cache dans l'implicite du récit. En racontant leur vie, leurs espoirs gâchés, leur d'échéance progressive, l'auteur en profite pour distiller les mécanismes de la société qui ont conduit à cette situation (prêteurs sur gages, mauvaises pratiques agricoles, capitalisme prédateur, absence totale d'éducation, mystère sociale, dénuement intellectuel...). C'est beaucoup plus efficace que s'il avait raconté directement les causes parce qu'on a sous les yeux des rats coincés dans un piège sans issue, qui n'ont plus aucune option et qui n'ont aucune maîtrise de leur destin. Ils ont faim, ils ont perdu toute capacité à se comporter dignement mais en pratique, comment leur en vouloir quand la société dans son ensemble n'a pas fait preuve de dignité vis-à-vis d'eux ? C'est un livre court, facile à lire, qui a bien des niveaux de lecture et qui mérite vraiment le détour.