Les Dépossédés - Édition collector : Le livre de Ursula K. Le Guin

Ce livre vaut clairement sa notoriété : le message politique est fort, nuancé et il est difficile de ne pas sentir interpelé. L'histoire a un rythme un peu particulier (lent peut être) qui m'a rappelé celui de la main gauche de la nuit que j'avais déjà beaucoup aimé, mais Le Guin peint à nouveau ses personnages avec tellement de justesse qu'une fois entré dans la lecture ça se lit très bien. Dès que l'autrice aborde un thème, c'est avec à la fois un oeil nouveau (encore aujourd'hui !) et énormément de justesse. C'est le cas dans les relations interpersonnelles, notamment l'évolution du couple Shevek/Takver, exemple réussi de la petite histoire dans la grande. Mais aussi dans les commentaires politiques : l'organisation d'Anarres m'a paru être une utopie au bon sens, pas une fantaisie de monde parfait inatteignable construite pour critiquer le notre, mais une vraie organisation, différente, possible, avec son lot de sacrifices et pourtant si désirable. Principal bémol, qui peut être de taille pour certains : la lecture est parfois rendue ardue par le fait que Shevek est un physicien dont une des occupations est la réconciliation de théories physiques imaginaires un peu absconses. Ces dernières sont assez clairement (voire explicitement, avec ce Einstein écrit phonétiquement qui prête à sourire) issues des problèmes de notre physique moderne, et offrent un parallèle avec la tentative de réconciliation politique amorcée par Shevek. Mais elles apportent trop peu à une réflexion déjà richissime et à un trop grand coût à mon goût vu que le sujet demeure périphérique. Cela n'enlève rien à mon impression, mais il faut être prêt à persévérer sur certains paragraphes :)

J'ai découvert Ursula Le Guin en lisant Terremer, et j'ai trouvé dans Les Dépossédés les mêmes qualités et les mêmes défauts. Les qualités d'abord : son style est très soigné, beau, poétique, intelligent. Les premières pages du roman notamment sont incroyablement efficaces, pertinentes, poétiques et gagnent à être relues après avoir fini le roman. Ensuite, la qualité de l'univers qu'elle a créé. Comme dans Terremer, c'est un univers complexe, riche, intriguant et cohérent. L'idée de cet univers est à la fois originale et enthousiasmante dans sa réalisation. Enfin, la réflexion philosophique et politique qui imprègne chaque page ou presque du roman. Ici, on est d'autant plus frontalement politique qu'il s'agit d'opposer deux mondes : l'un capitaliste et hiérarchisé, l'autre anarchiste. C'est une étude assez complète des différences "quotidiennes" et personnelles de l'expérience de ces deux mondes, et ça n'a pas pris une ride je trouve (au contraire d'autres critiques). Les défauts ensuite : eh bien, comme dans Terremer (pardon si j'offense quelqu'un), je trouve qu'il y a une grande faiblesse dans les personnages et l'intrigue. On est perpétuellement tenus à distance des personnages, même ceux qui nous intéressent ou nous semblent avoir du potentiel sont traités comme des personnages très secondaires, et assez peu explorés d'un point de vue émotionnel et narratif. Le personnage principal lui-même manque de substance, on est au courant de tout et on ne le comprend toujours pas autant qu'on pourrait espérer. L'intrigue est assez lente, on a plus l'impression de lire des tranches de vie qui composent une lente évolution d'un monde que l'histoire d'un personnage. Et du coup on est un peu en dehors tout le temps, jamais vraiment happés par ce qui se passe, les enjeux etc. On attend la suite, simplement. Tout en prenant plaisir à l'exploration de ces deux mondes, au style d'Ursula Le Guin et à la réflexion que ce roman propose, je me suis retrouvée à me "regarder lire" en attendant la fin. Je ne regrette pas, comme Terremer, de l'avoir lu, mais ça a été un peu fastidieux parfois. Je recommande tout de même, ça reste un très bon roman.

J’avoue avoir eu du mal à entrer dans ce livre, mais je le trouve au final très intéressant pour la manière dont il confronte deux visions du monde. Le Guin ne prend pas parti, elle montre les bons et les mauvais côtés des deux systèmes, en particulier les paradoxes d’Anarres, qui se voulait libéré de toute oppression. Même si la réflexion est puissante, j’ai trouvé la lecture plutôt difficile : très peu d’action, beaucoup de descriptions et d’introspection. On est clairement là pour penser, pas pour vibrer. Mais malgré ça, je suis content d’avoir tenu jusqu’au bout : ce roman pousse vraiment à la réflexion sur la liberté, les structures sociales, la propriété, et la manière dont nos sociétés façonnent nos existences. Pas facile d’accès, mais intellectuellement très stimulant.

J’avoue avoir eu du mal à entrer dans ce livre, mais je le trouve au final très intéressant pour la manière dont il confronte deux visions du monde. Le Guin ne prend pas parti, elle montre les bons et les mauvais côtés des deux systèmes, en particulier les paradoxes d’Anarres, qui se voulait libéré de toute oppression. Même si la réflexion est puissante, j’ai trouvé la lecture plutôt difficile : très peu d’action, beaucoup de descriptions et d’introspection. On est clairement là pour penser, pas pour vibrer. Mais malgré ça, je suis content d’avoir tenu jusqu’au bout : ce roman pousse vraiment à la réflexion sur la liberté, les structures sociales, la propriété, et la manière dont nos sociétés façonnent nos existences. Pas facile d’accès, mais intellectuellement très stimulant.