Les Guerriers de l'hiver : Le livre de Olivier Norek, Thierry Blanc

L’histoire de ce roman commence « un peu avant l’enfer, dans une forêt de Rautjärvi […] » « Il y avait pourtant eu des jours heureux, une paix chérie ». 1939 – des champs de blé et d’orge blonds aux champs de bataille, de neige et de glace. En blanc et rouge. La Finlande, petit et jeune pays, face à l’immense et puissante Russie. A partir de l’histoire d’un homme – Simo Matinpoika Häyhä – originaire d’un petit village finlandais tout près de la frontière russe, ce soldat tireur d’élite devenu par son habileté hors norme, sa précision de tir exceptionnelle, une légende surnommée « La Mort Blanche », l’auteur raconte la Guerre d’Hiver. Une guerre entre l’immense Russie de 171 millions de personnes et l’infinitésimale Finlande de 3 millions de personnes envahie par les russes par moins cinquante degrés. Dans un environnement de forêt et de granit, de lacs et de marais, plongé durant plusieurs mois dans le grand froid arctique et la nuit, les finlandais ont su s’adapter à la rudesse de la nature de leur pays. Cette guerre fut le ciment de la Finlande. En annexe, quelques cartes, photos des protagonistes et bibliographie, complètent la lecture. J’ai lu un polar historique – largement documenté - sombre et percutant, qui explore les blessures des anciens soldats et les dérives d’un système défaillant. Un roman qui se lit d’une traite, où la violence et les thèmes abordés sont durs. Engagé et poignant. Une tension constante, un style efficace. Je l’ai trouvé très instructif sur un pan d’histoire que je connaissais mal. J’ai aimé rencontrer l’auteur lors d’un salon littéraire, touchée par sa personnalité, son humilité, son expérience. Il a précisé : « Tous les actes de bravoure et anecdotes dans ce livre sont vrais ».

Après plusieurs polars, un ouvrage à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, toujours très humain et concret, sur la guerre d’hiver, entre l’Union Soviétique et la Finlande, au début de la seconde guerre mondiale. Un épisode largement oublié, et dont je n’avais jamais entendu parler. Le roman démarre assez lentement et le récit des combats, pour héroïques qu’il soient, est par moments assez répétitif. Mais on se laisse prendre par l’histoire de ce pays et de ces hommes, qui résistent vaillamment dans un combat que l’on devine perdu d’avance. Une résistance qui évoque celle de l’Ukraine aujourd’hui. Des personnages intéressants, très réels, qui voient la violence et la mort (celle de leurs amis comme celle de leurs ennemis) se banaliser et qui illustrent comment des gens normaux deviennent, sans pourtant tomber dans le fanatisme, des tueurs de masse. Et en toile de fond, une description saisissante et très réussie de l’hiver finlandais.

De prime abord, j'étais plutôt inquiet au regard du changement de registre assez radical de l'auteur (du policier au récit historique), un registre par ailleurs hors de ma propre zone de confort en termes de lecture. Je m'étais toutefois engagé à lui donner sa chance, avant même les retours dithyrambiques qui ont pu pleuvoir depuis sa parution. Aucun regret ! J'ai énormément apprécié « Les Guerriers de l'hiver ». L'auteur, qui a vraisemblablement fourni un vrai travail de documentation, parvient ici à romancer cette « guerre dans la guerre » de façon plutôt addictive, une guerre que je qualifierai pour ma part de surréaliste tant l'incompétence des uns est saillante. Prenant, le récit n'en oublie pas d'être accessible aux néophytes, et c'est selon moi sa plus grande force. Loin de lecture de niche redoutée, c'est au contraire l'occasion rêvée d'en apprendre un peu plus sur l'histoire du monde. Je salue la performance !

Ce livre est un merveilleux hommage à cette guerre inconnue, cette guerre d’hiver entre la Finlande et la Russie entre le 30 novembre 1939 et le 13 mars 1940. Nous suivons particulièrement quelques amis d’enfance réunis dans la même unité de la 6ème compagnie du 34ème régiment dirigé par Aarne Juutilainen dit «  l’horreur du Maroc » sur le front de Kolaà. Ça veut tout dire ! Je me suis tellement attachée aux personnages Mais la guerre c’est la guerre. Comment ne pas basculer, comment ne pas perdre son humanité? Mais la guerre c’est la guerre. Le rapport à la nature et au silence du principal protagoniste Simo Häyhä est tellement beau et sensible, ce renard roux qui traverse le récit me fascine, Mais la guerre c’est la guerre. On aimerait tellement que chacun en réchappe, Mais la guerre c’est la guerre. Il y’a ceux qui reviendront et tous les autres mais aucun n’en sortira indemne car la guerre, c’est la guerre et elle n’épargne personne dans cette folie humaine. Et c’est dans ce paroxysme que naissent les légendes, celle de la mort blanche « Valkoinen Kuolema » ou de Viktor le chanceux. Il y a des moments de camaraderie intense, des joies, des fulgurances, ses surprises et le froid, l’horreur, la mort le sang. L’écriture nous fait vibrer au rythme de toutes ses émotions. Il y’a des regards croisés et des changements de perpective, Certaines pages m’ont impressionnées comme celle de l’embuscade racontée deux fois, d’un côté puis de l’autre et puis tellement d’autre moment, comme ce père furieux que sa fille danse avec un soldat et qui médite de saisir sa carabine et encore tellement, tellement d’autres passages. Certains m’ont ému jusqu’au larmes. Ce que je trouve incroyablement réussi c’est que l’auteur n’est pas tombé dans cette facilité qui aurait été de condamner le coté russe dans son ensemble ou d’idéaliser les soldats finlandais en bloc Nombreux ne sont que des hommes avec toute leurs faiblesses et leur grandeur pris dans le feu de l’histoire et de l’hubris de quelques dirigeants. Comment ne pas être en colère contre ce gâchis absolu? Mais la guerre c’est la guerre. Si seulement nous pouvions ne pas reproduire encore et encore. Bien sûr il s’agit d’un roman, il ne faut pas s’y tromper mais l’auteur s’est appuyé sur de nombreux faits historiques et des témoignages Ce qui m’a interpellé dans un épilogue à fin du livre c’est la mention que la faiblesse manifestée pendant cette malheureuse guerre par l’armée russe a incité Hitler à changer sa stratégie et à attaquer plutôt qu’il ne l’avais planifié la Russie. C’est alors le lancement de l’opération Barbarossa qui divisera les forces allemandes en deux fronts avec les conséquences que l’on connaît. Je n’avais jamais entendu parler dans mes cours d’histoire du rôle joué par le peuple finlandais. J’ai ressenti tellement de tristesse et d’amertume durant cette lecture mais aussi des moments de bonheur et d’humanité. Mais la guerre c’est la guerre et qui pourrait la trouver belle?