Stöld : Le livre de Ann-Helén Laestadius

#x2764 Un roman qui se lit d'une traite (courts chapitres, rythme enlevé), et qui a pour thème la condition des éleveurs de rennes samis dans le nord de la Suède : le racisme, le braconnage, les conflits légaux... Pour moi qui m'intéresse aux pays nordiques, c'est vraiment une lecture forte, état des lieux d'une communauté. Je me demande s'il n'aurait pas été judicieux de placer un petit explicatif en début d'ouvrage sur les samis et leur existence "politique" en Suède, pourquoi le terme "lapon" est insultant, etc.

Stöld est un roman parfait pour la saison hivernale. Entre intrigue policière, roman familial et analyse sociologique, le lecteur se retrouve entouré de neige et de haine dans le nord de la Suède (oui, j'ai un faible pour les zeugmas) où la population Sami essaie de gagner sa vie grâce à l'élevage de rennes mais est constamment confrontée aux préjugés culturels et racistes. L'intrigue tourne principalement autour d'une petite fille dans cet univers hostile et de son combat courageux pour obtenir justice et reconnaissance au fil des années. Ann-Helén Laestadius nous brosse un portrait subtil des tensions sociales, qui s'affichent dès l'école primaire, dans ce roman qui se veut aussi une exploration du poids de l'héritage familial et culturel, du rôle des femmes au sein du patriarcat traditionnel, et de l'injustice du système policier et judiciaire. Oh, et il neige. Abondamment.

Ce livre nous plonge dans l’univers méconnu des Samis, éleveurs de rennes, et met en exergue les persécutions qu’ils subissent. Le récit s’ouvre sur Elsa, une fillette de 8 ans, qui assiste au braconnage de son faon par un homme nommé Robert. Traumatisée et menacée, elle n’ose rien dire. La police, de son côté, se montre indifférente aux nombreuses plaintes déposées : ce ne sont, à leurs yeux, "que" des rennes morts. Le braconnage n'est souvent pas reconnu et qualifié de vol. Pourtant, pour les Samis, c’est bien plus que cela : les rennes sont au cœur de leur culture, de leur identité et de leur mode de vie. La première partie raconte l’enfance d’Elsa et son quotidien au sein de sa communauté. Puis, l’histoire fait un bond de dix ans. Elsa et les autres personnages ont grandi, mais les choses n’ont pas changé : le braconnage continue en toute impunité, et Robert, l’homme qui braconne, reste libre et à l'abri des poursuites malgré les preuves. Elsa décidé alors de briser le silence, prenant la parole pour faire entendre la voix de son peuple, ce qui n'est pas le bienvenu, même au sein de sa communauté qui reste majoritairement patriarcale. Mon avis : Ce roman est riche sur l’histoire et les traditions des Samis. On y découvre leur lien profond avec les rennes, mais aussi les injustices qu’ils subissent. Cependant, j’ai trouvé certains aspects du récit manquait de profondeur. L’histoire de Robert, par exemple, manque d’intensité : bien qu’il soit à l’origine des drames, il reste en arrière-plan pendant une grande partie du roman. Ce n’est que dans la 3e partie du roman qu’il prend vraiment la place de personnage abjecte qu'il est. De même, si les traditions samies sont évoquées tout au long du livre, elles ne prennent véritablement de l’ampleur qu’avec l’arrivée d’un troisième personnage dans la dernière partie. Malgré quelques longueurs et une tension qui tarde à s’installer, Stöld reste une lecture intéressante. Le roman nous ouvre une fenêtre sur une culture et un combat pour la différence et le respect des animaux.

Dans le grand Nord de la Suède, en 2008, Elsa vit avec sa famille dans un petit village où la renniculture est une tradition ancestrale. Malheureusement, les familles d’éleveurs samis sont de plus en plus marginalisées et montrées du doigt quand un accident de la route est provoqué par un renne. Pourtant, du haut de ses 9 ans, Elsa est fière de son faon. Un soir en allant le voir, elle tombe sur Robert, un Suédois violent et fauteur de troubles en train d’assassiner son petit renne. Celui-ci la voit, la menace. La petite fille se tait, terrorisée. Dix ans plus tard, la petite fille est devenue une jeune adulte toujours aussi passionnée par les rennes. Elle se bat pour que sa communauté la reconnaisse comme telle, professionnelle et compétente. Autour d’elle, la situation des samis ne s’est pas améliorée, et la police reste indifférente aux meurtres de rennes. Mais le jour où Elsa devient elle-même la cible des assassins, son ancienne peur va décupler sa rage. Elle devra se battre pour vivre selon ses traditions. La cause samis est totalement inconnue dans notre pays, et ce roman nous fait découvrir un autre exemple de la xénophobie. Vivre selon leurs traditions ancestrales est un combat de tous les jours pour eux, vivant de la renniculture. L’auteur le montre parfaitement aussi bien dans la vie des adultes que dans celle des enfants (à l’école notamment). On reste pantois devant l’inaction flagrante des autorités, notamment policière, et la spirale de violence semble sans fin. J’ai eu vraiment plaisir à lire ce roman et à découvrir cette vie rude dans le nord de la Suède. Le petit côté folklorique des traditions samis apparait décalé dans notre mode de vie français, et cet exotisme remet certaines idées à l’ordre du jour, comme la tolérance. La notion d’héritage y est très forte, voire étouffante pour certains qui finissent par rejeter ce poids trop lourd à transmettre. L’auteur étant issue en partie elle-même de cette communauté, le récit qu’elle nous fait est d’autant plus précieux qu’il est factuel, sans parti pris. D’ailleurs, elle ne donne pas de solution, le problème est toujours là. Elle nous laisse à notre réflexion et à nos décisions pour faire que ce genre de situation, malheureusement universelle, trouve une fin heureuse, un jour. Un très bon roman, engagé mais facile à lire, distrayant et instructif. Un excellent moment de lecture, donc.