Lisez! icon: Search engine
Par Fleuve éditions, publié le 23/02/2024

Cécile Cabanac : « J'ai toujours été intéressée par ce que les non-dits provoquent sur les individus.»

Le cinquième roman de Cécile Cabanac, À pleurer tout nous condamne, paraîtra le 7 mars 2024 chez Fleuve Éditions. Et elle nous embarque cette année au Pays basque, dans un polar qui prend rapidement des allures de huis clos étouffant. Un livre dont elle nous fait le plaisir de nous parler…

1/ Pour la première fois, vous ancrez donc votre intrigue dans votre région, le Pays basque. Est-ce que c’était important pour vous, à ce stade de votre écriture, de nourrir votre fiction de ces paysages et d’une culture locale dont vous vous sentez proche ?

J’ai toujours pensé que le jour où j’écrirais sur ces terres qui me sont chères, il me faudrait une histoire qui ne puisse pas se dérouler ailleurs. C’est le cas de À pleurer tout nous condamne, où la géographie et la proximité de l’Espagne sont aussi essentielles que l’histoire de la diaspora basque en Amérique latine. Autant de spécificités qui expliquent la non-résolution de l’enquête sur la disparition de la doctoresse Diane Trajan il y a vingt et un ans. Par ailleurs, j’ai souhaité que cette vallée des Arbailles soit un personnage à part entière du récit. Comme souvent chez moi, c’est la découverte d’un lieu précis dans cette zone qui a déclenché mon inspiration. Toute la difficulté a ensuite été de transformer ces paysages que j’associe dans mon esprit à une forme de sérénité et de joie en une terre sombre, une terre de roman noir un peu inquiétante…

 

2/ À pleurer tout nous condamne nous mène notamment à la rencontre d’une jeune femme, Alice. Celle-ci se trouve à une étape importante de sa vie. Elle qui n’a jamais trop remis en question son éducation est en effet enfin prête à s’affirmer. Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur elle et sur ce qu’elle incarne ?

Alice Broca est une jeune attachée parlementaire qui a mis sa vie entre parenthèses pour sa carrière. Mais en se rendant à son bureau un matin, la surcharge de travail ainsi que le stress lié à l’irascibilité et l’exigence de son patron vont fondre sur elle au point de déclencher de terrifiantes idées suicidaires. Alice a besoin d’une mise en sécurité d’urgence, et naturellement l’idée lui vient de se rendre dans la maison dont sa famille a hérité et qui est située dans une zone sauvage du Pays basque. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est que là-bas, très vite, les souvenirs de la disparition de sa tante dans d’étranges circonstances vont ressurgir et la remuer. Au fond, tout va se dérouler comme si soudain un miroir grossissant lui montrait les failles de son existence jalonnée de non-dits. Car sa mère Annabelle a posé une lourde chape de plomb sur ce drame qui les a frappés, au point que le sujet est devenu tabou. Là, Alice se révèle et on découvre une jeune femme très volontaire dont la sensibilité est dissimulée sous une carapace de dureté, une jeune femme qui rêve de démasquer l’assassin de sa tante pour lui rendre enfin justice. Chevillé au corps, elle a l’espoir de réussir là où d’autres ont échoué, mais pour sa famille ce désir de vérité est perçu comme une forme d’orgueil insupportable. Et sa quête risque d’ailleurs de menacer un équilibre un peu factice dont tout le monde a fini par s’accommoder. Alice va donc devoir faire preuve d’un grand courage pour s’opposer aux siens et poursuivre coûte que coûte.

 

3/ Dans votre précédent roman, Le Chaos dans nos veines, vous effleuriez déjà le thème du cold case qui, cette fois, se trouve vraiment au cœur de votre intrigue. Est-ce un hasard ou est-ce que c’est quelque chose qui vous fascine particulièrement ?

Plus encore que le cold-case, c’est le thème de disparition que je souhaitais aborder ici. Car pour les familles qui vivent ces tragédies, il s’agit ni plus ni moins d’histoires inachevées aussi inquiétantes qu’un puits sans fond. Ces événements peuvent parfois pousser les proches à se créer un imaginaire autour de la personne disparue pour se rassurer. Certains la projettent dans une vie ailleurs et espèrent toujours un signe quand d’autres envisagent sa mort comme une façon d’interrompre définitivement leurs questionnements. C’est le cas de la mère d’Alice qui, pour avancer, a trouvé une explication « logique » à la disparition de sa sœur et a ensuite imposé le silence à ses enfants. Personnellement, j’ai toujours été intéressée par ce que les non-dits provoquent sur les individus et leurs effets boomerang sur les générations suivantes qu’ils impactent nécessairement. Et ce cold case me permettait d’explorer la psychologie des personnages ainsi que leur évolution sur une longue période tout en m’offrant la possibilité d’aborder une enquête vieille de plus de vingt ans avec un regard neuf. Finalement, je crois que s’il existe un point commun avec Le Chaos dans nos veines, c’est dans la personnalité d’un ancien enquêteur qui, hanté par cette affaire, n’a jamais tiré un trait sur elle.

Fleuve éditions
Fleuve éditions
Fleuve Editions

Lisez maintenant, tout de suite !