Les contes défaits : Le livre de Oscar Lalo

Dès les premières phrases, j’ai été admirative de la plume de l’auteur. J’ai immédiatement su que ce livre serait exigeant — exigeant émotionnellement, mais aussi source de plaisir par la beauté du style. Le contraste entre la poésie du texte et les actes odieux subis est saisissant. Le narrateur raconte son enfance brisée et ce qu’il est devenu en tant qu’homme. « Je n'ai pas de matière, c'est mon problème. Je suis un Paul dont j'ai perdu la pièce. Toi, comment instruire mon affaire ? Comment perquisitionner ma vie ? On ne débute pas un conte par : “Il était zéro fois.” » Adulte, il tente de se reconstruire, de comprendre, de mettre des mots sur l’indicible. « Mon vécu vide est invivable. Un viol de nuit sans petit prince. Je me dessine, moi, un mouton ! Je m’étais égaré. C’est forcé quand on recherche son coupable. Il est où, mon petit prince ? Il faut que je le trouve dans mon désert. Si je ferme les yeux, il va venir. » Si la lecture est éprouvante, elle ne tombe jamais dans le pathos. Le ton n’est ni larmoyant ni plaintif, mais porte plutôt une quête de sens, de réhabilitation, pour comprendre, et peut-être chasser cette forme de culpabilité qui s’accroche à l’âme. « Pourquoi donc la soumission ? Pourquoi n’avons-nous jamais dit “non”, juste pour voir ? Pourquoi ne jamais nous être unis pour dire à plusieurs ce que nous savions tous, chacun tout seul ? Pourquoi n’avons-nous jamais crié ? Pourquoi n’avons-nous jamais fui ? Pourquoi avons-nous accepté de jouer tour à tour tous les rôles ? Pourquoi cette impuissance avec l’âge ? Pourquoi est-ce que ça fait plus mal de se taire que de subir ? Pourquoi n’avons-nous jamais osé dire “pourquoi” ? » Ce texte est bouleversant et vraiment servi par une langue magnifique.