
Les armes biologiques, particulièrement dangereuses, exigent des États qui les produisent la plus grande discrétion – pour ne pas dire le mensonge et la désinformation. Le secret qui les entoure...
Les armes biologiques, particulièrement dangereuses, exigent des États qui les produisent la plus grande discrétion – pour ne pas dire le mensonge et la désinformation. Le secret qui les entoure permet tout : l’éthique est bafouée au nom de l’efficacité, des expérimentations humaines sont réalisées sous couvert de raison d’État.
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Les armes biologiques, particulièrement dangereuses, exigent des États qui les produisent la plus grande discrétion – pour ne pas dire le mensonge et la désinformation. Le secret qui les entoure permet tout : l’éthique est bafouée au nom de l’efficacité, des expérimentations humaines sont réalisées sous couvert de raison d’État.
Des premiers pas de la recherche biologique française pendant la Première Guerre mondiale aux attaques à l’anthrax de 2001, du « cocktail diabolique » américain en pleine Guerre froide aux armes biolétales soviétiques, des cobayes humains du Dr Ishii dans les années 1930 aux armes « ethniques » visant spécifiquement les populations noires d’Afrique du Sud durant l’apartheid, L’Histoire secrète des guerres biologiques brosse de notre siècle une fresque d’épouvante.
Savants fous, médecins tortionnaires ou chefs militaires mégalomanes sont les personnages de ce récit horrifiant… dans lequel tout est vrai. Patrick Berche, membre du Conseil scientifique de défense, révèle des scandales que politiques et militaires ont soigneusement enfouis.
LE LIVRE
En 1864, Pasteur établit le rôle des germes dans les maladies contagieuses. La chasse aux microbes est ouverte, pour le meilleur ou pour le pire : combattre les maladies ou au contraire les propager. Patrick Berche s'est intéressé au versant sombre de l'histoire, celui des armes biologiques, et a mené l'enquête à travers les époques et les continents.
Les premiers à avoir utilisé le bacille du charbon comme arme sont les agents secrets allemands pendant la Première Guerre mondiale. Après Ypres en 1915, la France lance un programme de recherche biologique, abandonné au profit du nucléaire dès 1945. Les Anglais s'intéressent à leur tour aux armes chimiques à partir de 1942, avec un essai sur les moutons d'une île déserte d'Écosse : l'île contaminée est interdite pour plusieurs décennies.
Les Japonais ne sont pas en reste : créée en 1935 sous la houlette du Dr Ishii, l'Unité 731 de recherche biologique devient progressivement un camp de torture et d'extermination. Des expérimentations sont réalisées sur trois mille personnes entre 1935 et 1945 ? il n'y a aucun survivant. Fort de ces expériences, le Japon lance douze attaques bactériologiques contre la Chine, notamment en larguant par avion des puces infectées par la peste.
Mais voici le plus stupéfiant : les Américains, occupant le Japon à partir de 1945, laissent la vie sauve au Dr Ishii et à son équipe en échange de la révélation des résultats de leurs expérimentations humaines et de la continuation des recherches. Dans le plus grand secret, les États-Unis utilisent les méthodes mises au point par l'Unité 731 et larguent des rongeurs et insectes infectés de peste et de choléra en 1952 sur la Corée du Nord. À ce jour, les Américains n'ont toujours pas reconnu ces attaques bactériologiques. Les archives de la guerre de Corée sont encore closes.
Les laboratoires américains tournent à plein dans les années 1960, avec essais sur volontaires respirant des nuages microbiens (puisaussitôt sauvés grâce aux antibiotiques). Les chercheurs mettent au point un « cocktail diabolique » : ce mélange de bactéries donne de violentes fièvres et diarrhées durant trois semaines mais épargnent la vie. Trois semaines ? Le temps qu'il faut pour envahir Cuba.
Nixon renonce officiellement en 1969 aux armes biologiques et signe en 1972 le traité les interdisant. Mais la CIA garde un petit stock d'anthrax, tuberculose, salmonella,… de quoi tuer des millions de personnes. Le programme est relancé dans les années 1990 pour répondre à la menace soviétique. Avec 7,6 milliards de dollars qui lui sont consacrés en 2005, contre 414 millions en 2001, il est plus actif aujourd'hui que jamais.
Les armes chimiques peuvent être aussi utilisées à des fins d'épuration ethnique : en Rhodésie, entre 1977 et 1979, le dictateur Ian Smith utilise des armes chimiques et biologiques contre les populations noires. Le programme d'armes biologiques suivi par l'Afrique du Sud entre 1981 et 1992 est l'un des plus perfectionnés au monde. Son but ? Éliminer les opposants en toute discrétion et toucher plus largement les populations noires avec les bacilles adaptés.
Les Soviétiques ont également utilisé ce type d'armes depuis Stalingrad, en 1942, avant de bénéficier eux aussi des recherches japonaises après guerre. Une fuite dans un des laboratoires de Sverdlovsk en 1979 a causé mille morts. Le programme secret soviétique est une des priorités du gouvernement dans les années 1980 et près de cinquante personnes y travaillent. Il s'agit de concevoir une nouvelle générations d'armes biolétales, obtenues après manipulations génétiques des bactéries. En 1990, les quantités de bacilles élevés sont suffisantes pour tuer l'ensemble des habitants de la planète. Le programme est abandonné brutalement en 1992, avec d'importants risques de prolifération.
Une chape de secret est tombée sur ces questions depuis 2001. Les armes biologiques ont proliféré : nouveaux acteurs, nouvelles armes. On pourra voir bientôt apparaître une troisième génération d'armes biologiques par la création d'agents pathogènes totalement nouveaux ; des germes que la nature mettrait des millénaires à façonner. Toutes les séquençages ADN sont désormais sur Internet. Les chercheurs travaillent beaucoup sur la détection, afin qu'elle soit le plus rapide possible en cas d'attaque. Désormais, la menace est permanente.