1Q84 - Livre 3 : Le livre de Haruki Murakami

Ultime tome de la Trilogie 1Q84, le livre 3 Octobre-Décembre nous permet enfin de connaître le dénouement de l’histoire plus qu’onirique que vive Aomamé et Tengo à travers l’univers du monde 1Q84, lieu où deux lunes brillent dans le ciel, où des Little Peoples semblent tirer depuis les coulisses les ficelles de cette réalité. Pour ce dernier Tome, la voie d’Ushikawa fait également son apparition. Engagé par les précurseurs pour retrouver celle qui a assassiné leur leader, Ushikawa va déambulé dans la réalité d’1Q84 et lui aussi découvrir certains secrets de ce nouveau monde. Un livre à l’histoire originale, incomparable, qu’on est heureux d’avoir lu dans sa vie tant on découvre ici que les portes du réel sont bien plus minces que ce qu’elles paraissent.

Bon thriller de science-fiction, il mélange tous les éléments nécessaires à ce genre d'œuvre, le suspens, les mondes parallèles etc. J'ai beaucoup aimé à l'époque, mais j'avoue que j'ai lu depuis des œuvres bien meilleures sur la même thématique, comme L'Agonie du Globe, de Jacques Spitz, ou encore Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick pour ne prendre que deux exemples épars. Il n'y a aucune différence entre les trois tomes, ils constituent un ensemble indivisible. La résolution apporte une certaine satisfaction, mais l'auteur a le bon goût de laisser certains mystères inexpliqués.

C'est toujours la même chose... je finis une série et sous le prétexte de me laisser le temps de digérer ce dernier tome et les conclusions sur l'ensemble, je laisse passer trop de temps et j'oublie. Mais pourtant, cette série est assez incroyable, on suit Aomamé et Tengo dans cette intrigue fantastique. Dans ce troisième et dernier tome, on découvre aussi Uchikawa, le détective des Précurseurs. La fin est presqu'un peu trop ouverte, mais il y a tout de même un apaisement. Mais une fin est rarement ce à quoi on s'attend, sinon trop prévisible et décevant (souvent, pour ma part). Haruki Murakam, c'est souvent lent, il prend son temps pour poser son intrigue, ses personnages, il faut bien choisir quand il faut le lire... J'ai bien envie de découvrir Le meurtre du commandeur prochainement.

Murakami est une figure emblématique de la littérature japonaise contemporaine et pour qui s’y intéresse c’est un peu l’un des Mont Everest du genre au vu, apparemment, de la singularité de sa plume et de son univers. Il y a une douzaine d’année, j’ai eu envie de m’y aventurer mais j’ai été un peu mise sur le carreau, surprise par le mélange de poésie et d’âpreté de sa plume mais déçue par une intrigue qui ne démarrait que tardivement et un un sentiment de profonde lassitude qui s’était emparé de moi pendant la moitié du roman. Qu’a donné cette relecture ? Il faut dire que la trilogie 1Q84 tient une place particulière dans la biographie de l’auteur puisqu’elle est sa tentative de revenir sur la secte Aum qui a ravagé le pays dans les années 80-90. Je ne le savais pas lors de ma première lecture où j’avais eu l’impression d’une sorte de Kill Bill japonais moderne avec son héroïne assassin vengeant les femmes maltraitées par les hommes. Cela a donné une autre aura à ma relecture et à la conclusion de cette saga, qui est une critique toute en force et finesse, et surtout empreinte de réalisme. Cependant ce qui n’a pas changé entre ma première et ma seconde lecture, c’est l’étrangeté de la narration de l’auteur. Murakami a vraiment une façon bien à lui d’intégrer du fantastique dans son univers contemporain, et le glissement qu’il opère peut facilement perdre le lecteur. De la même façon, il construit son récit en une sorte de huis clos individualiste où chaque personnage est enfermé dans sa bulle, coupé du monde et des autres, et pourtant en recherche de rapprochement et d’interaction avec eux, ce qui est des plus singuliers. Enfin, on ne peut pas dire que ce sont des lectures rythmées. C’est même plutôt très plat, avec énormément de longueurs, voire des arcs scénaristiques qui n’apportent rien à l’histoire (cf. le passé du père de Tengo) et la saga nous laisse même sur une fin ouverte où pas mal de questions n’ont aucune réponse. Quand je dis que c’est étrange, c’est aussi très frustrant. Pour autant, je me suis laissée, cette fois, bercer pour les mystères de cette oeuvre. J’avais envie de comprendre ce qu’était ce monde 1Q84 pour Aomamé, La ville des chats pour Tengo. J’étais aussi très curieuse des méfaits et influences de cette secte qu’ils combattaient. La carte de l’oeuvre qui irrigue la saga, ce texte écrit à quatre mains, où le fantastique déborde les pages pour entraîner le lecteur au sein même du roman, avec quelque chose de très méta qui m’a plu. J’ai aussi aimé chercher les nombreuses références culturelles et littéraires de l’auteur qui viennent nourrir son oeuvre, de Steinbeck, en passant par Carroll, sans oublier Proust, Shakespeare ou Dostoïevski et les multiples chansons citées. J’aime ce genre de jeu où on voit sa culture mais aussi l’apport de celles-ci au texte actuel, avec ce beau va-et-vient. Du coup, l’intrigue n’a pas compté tant que ça au final. Malgré son air de polar, un temps, de fantastique à un autre moment, ce fut finalement un entre deux qui n’a pas vraiment pris pour moi. J’avais envie d’avoir des actions plus marquées contre cette secte que je n’ai pas eu, passé un certain événement dans le tome 2. J’avais envie de plus de réponse sur ce Petit Peuple et d’interactions, qui là aussi n’ont pas lieu. Et malgré tout, j’étais curieuse. J’aimais suivre leurs enquêtes à chacun, la façon dont ils se surveillaient et s’espionnaient tout en survivant, mais c’est plus leur développement psychologique autour des traumas de l’enfance, des parents toxiques, des relations parents-enfants, de la quête d’amour avec beaucoup de fluidité et de modernité, qui m’a finalement plu. Je comprends qu’on puisse dire que le lecteur est pris au piège, c’est ainsi que je l’ai ressenti. Amateurs de récits de genre, peut-être que cette balade entre fantastique et thriller vous plaira plus qu’à moi. Car si je me suis laissée prendre au jeu de la curiosité, j’ai aussi été déçue par le manque d’enjeux marqués et de parti-pris effectifs, l’auteur se contentant d’un petit tour et puis s’en va, après avoir nourri l’évolution personnelle et identitaire de ses héros. C’est un beau fantastique, très étrange, très mystique, très glissant, mais l’ensemble manque cruellement de substance et dynamique, de tension, pour moi.