Bahari-Bora : Le livre de Steve Aganze

Bel océan, quel prénom de rêve, une évocation du voyage et de l'ailleurs, un ailleurs où Bahari-Bora, l'équivalent en swahili , voudrait souvent se réfugier pour fuir la réalité de sa vie : enlèvement d'enfants, enrôlement dans l'armée des rebelles, assorti de son lot de violences, de viol et de mariage forcé. La guerre au quotidien, qui pèse sur chaque minute vécue. Dans cette quête désespérée de survie, un but, s'évader pour retrouver maman Matilde, celle qui a assisté à son rapt, sans pouvoir agir. Bahari-Bora apprend alors qu'elle attend un enfant, qu'on lui déconseille de garder, pour des raisons de santé. Mais cette vie en elle est un soutien fort, qui l'aide à poursuivre ses recherches. Roman dur, avec des scènes parfois insoutenables, même lorsqu'on a déjà eu l'occasion de croiser tout ce que la littérature nous propose de violent, (on pense aux massacres du Rwanda). Une lecture que je n'ai pu poursuivre qu'à petites doses, pour me donner le temps de reprendre un peu de souffle. A la différence d'un thriller, si gore fût-il, on sait qu'ici, le roman est quasiment historique, et que cette réalité-là existe, à quelques heures d'avion de notre tranquillité quotidienne ! Même si l'on y croise malgré tout quelques belles âmes, le danger est partout et les faits d'armes incessants. Alors certes, il est nécessaire de se confronter à cette triste constatation, et de se rendre compte que la politique de l'autruche est loin d'être une solution, ce roman n'est pas à mettre en toutes les mains. Par ailleurs j'ai trouvé quelques difficultés avec le style d'écriture, en raison d'une utilisation des temps de conjugaison souvent à l'imparfait, là où un présent aurait apporté de la matière au propos. Un roman qui devrait faire parler de lui, pour la mise en lumière de la terrible histoire de la république démocratique du Congo, sans concession, avec une lucidité froide : « Des morts vivants. Il ne se trouve aucun être vivant dans ce pays : regarde, comment nous vivons, regarde dans quelles conditions nous nous humilions pour espérer nourrir nos enfants, eux, aussi des mort-vivants. » Premier roman marquant, révélateur d'une actualité dramatique et peu médiatisée, une plume à suivre. 240 pages Récamier 21 août 2025

Rentrée littéraire 2025 Une claque ! 1er roman très poignant et bouleversant. Bahari Bora est une très jeune fille qui vit dans un orphelinat tenu par Maman Mathilde. Elle sera enlevée avec 46 autres filles par les rebelles, et sera captive pendant 5 ans. Les garçons deviendront des combattants, et les filles des jouets sexuels . Bahari va réussir à s'échapper, et sera emmenée dans un hôpital où elle apprendra qu'elle est enceinte. Le personnel soignant lui conseille d'avorter vu son jeune âge, mais elle choisira de le garder et repartira sur les routes pour retrouver Maman Mathilde, sa mère de coeur. Une lecture qui dérange mais absolument nécessaire pour dénoncer la condition des femmes, les violences qu'elles subissent dans ce pays d'où est originaire l'auteur. Il nous raconte le sort de son pays, les crimes de guerre, la violence au quotidien et ce que subissent les civils et plus particulièrement les femmes, les filles et les enfants. Un très bel hommage bouleversant à toutes les victimes silencieuses, une plume très belle, fine et poétique, un roman que je n'oublierai pas.

Voici un roman très touchant qui dénonce la vie difficile des jeunes filles kidnappées par des groupes armés, vie qui ne s'améliore guère si elles parviennent à s'échapper et à rentrer chez elles. L'intrigue est située au Congo, dans l'est du pays, région où les violences à l'égard des civils, et plus particulièrement des femmes, sont notoires, grâce notamment au combat du Dr Mukwege. Mais ce roman se veut plus large, et c'est un plaidoyer pour les femmes opprimées du monde entier. Une histoire poignante, un premier roman d'un jeune auteur congolais manifestement talentueux, une belle découverte de la rentrée littéraire

En 2013, dans un orphelinat de la République démocratique du Congo, quarante-sept filles sont enlevées par les rebelles. Cinq ans plus tard, elles ne sont plus que seize, lorsque Bahari-Bora propose une grenade à chacune de ses camarades pour tuer leurs ravisseurs. Elle parvient alors à s’enfuir. A l’hôpital, elle apprend qu’elle est enceinte. On lui conseille d’interrompre cette grossesse qui met sa vie en danger. La décision lui revient. Pendant des années, elle a été assujettie ; son corps ne lui appartenait pas. Son ventre en est la preuve : il porte « la trace d’une barbarie ineffable ». « Bahari-Bora savait qu’il n’y avait pas de bonne réponse, que chaque choix emporterait une partie d’elle-même. » (p. 22) Un médecin et une représentante des droits humains la soutiennent. Leur mission ? « Réparer ces filles, victimes du désordre du monde. » (p. 26) Ce roman dépeint la terrible condition des civils dans un pays ensanglanté par les crimes de guerre. À travers la voix de Bahari-Bora, il s’attarde sur le sort des enfants, en particulier les filles, esclaves sexuelles des terroristes. Les mots sont empreints d’humanité, de souffrance et d’espérance. Ils sont d’autant plus puissants qu’ils sont ceux d’un jeune homme de vingt-cinq ans. Steve Aganze s’est inspiré de son vécu. Sans la nommer, on ressent la douleur derrière l’histoire de son héroïne. Cependant, l’essence de son propos est un hommage vibrant, respectueux et aimant pour toutes les femmes opprimées dans le monde. Alors qu’il décrit des actes monstrueux, son écriture poétique et d’une délicatesse extraordinaire adoucit la prise de conscience, sans amoindrir le message. Ce dernier percute le cœur, s’imprègne dans la chair, réveille les terminaisons nerveuses. Il se loge dans notre corps et notre esprit. Il est un mélange d’humanisme, de cruauté, de dénonciation et d’alerte. Deux jours s’étaient écoulés entre ma lecture et la rédaction de cette chronique. Alors que je ne le fais jamais, j’avais déjà relu une quinzaine de fois l’épilogue de ce livre. Je suis merveilleusement hantée par ces deux pages : elles expriment les sentiments que je ressens au sujet de toutes les femmes dans le monde qui se battent pour la liberté. Les mots soigneusement choisis, d’une vérité saisissante et bouleversante, m’ébranlent par leur justesse et leur puissance. Bahari-Bora est un coup de cœur pour moi, en raison de la beauté de son écriture, de la pureté des émotions transmises et des prises de conscience qu’il provoque.