Beloved (Edition Spéciale) : Le livre de Toni Morrison

Lectrice aguerrie et au coeur bien accroché, je me suis heurtée à « Beloved ». Pas pour son thème principal - l’esclavage aux Etats-Unis -, ni son thème secondaire - la culpabilité d’un infanticide -, mais pour sa forme. Construit comme un patchwork d’histoires, de points de vue et de styles, ce roman change sans cesse de rythme. Tant et si bien que j’ai eu beaucoup de mal à me plonger dans cette succession de bribes de vies humaines, pourtant si importantes. Si j’ai beaucoup aimé les passages sur l’esclavage et les souvenirs des sévices subis pas les esclaves, j’ai peiné à m’intéresser à l’«après» et à cette histoire de fantôme, puis de jeune fille revenue punir sa mère.

Je suis toujours très perturbée par la plume de Toni Morrison. Des personnages infiniment complexes. Rien n'est jamais simple. Tout pousse à réfléchir. Le jugement n'est jamais tranché dans un grand nuancier de gris. C'est là qu'est la force de Toni Morrison. C'est le troisième roman de l'autrice que je lis et à chaque fois j'ai l'impression de ne saisir qu'un dixième de la portée de ses textes. Une claque, et je suis certaine que si je le relisais, j'aurais encore l'impression de le découvrir.

Sethe est une femme qui a enduré l'esclavage pendant sa jeunesse. Pour se sauver, elle a fait le choix inhumain de se séparer de ses enfants. Ce roman est très étrange, il met mal à l'aise. La lecture est difficile autant par les événements violents relatés que par les métaphores à n'en plus finir. J'ai apprécié le récit mais je reste un peu perplexe.

Le thème de septembre, pour un cercle de lecture était "les romans censurés aux États-Unis". Celui-ci en fait partie, et à l'heure où l'agent orange s'en prend aux musées qui donnent une "mauvaise image de l'esclavage" (soupir las), ce n'est pas près de s'inverser. Ce roman met en scène une ancienne esclave en fuite qui a tué sa fillette plutôt que de la voir vivre une existence d'esclave. Le thème est puissant, poignant, mais ... la forme du roman en a fait, pour moi, une lecture ardue. Entre les incessants voyages dans la chronologie, les passages oniriques et le surnaturel, il m'a fallu la motivation du thème principal pour me pousser à finir le roman. En résumé, c'est une lecture bien nécessaire pour nous rappeler les horreurs de l'esclavage et ce qu'une mère peut faire pour épargner ce qu'elle estime être le pire à ses enfants. Mais la forme peut être déstabilisante.