L'oeil le plus bleu : Le livre de Toni Morrison
À Lorain, dans l'Ohio des années 40, deux fillettes noires, grandissent côte à côte. La première déteste les poupées blondes. L'autre idolâtre Shirley Temple et rêve d'avoir les yeux bleus. Mais face à la réalité féroce d'une Amérique Blanche, le rêve de beauté d'une petite fille est un leurre qui ne cède le pas qu'à la folie. Le saisissant premier roman de Toni Morrison.
" Tous les thèmes essentiels de son œuvre sont là, en germe dans ce roman où les femmes sont les gardiennes d'une identité malmenée dans une terre hostile où les marguerites ne poussent pas. "
Le Monde
Traduit de l'anglais (États-Unis)
parJean Guiloineau
De (auteur) : Toni Morrison
Traduit par : Jean Guiloineau
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
Mapassiondeslivres
• Il y a 2 semaines
L'œil le plus bleu, paru en 1970, décrit la vie de Pécola, jeune fille noire vivant dans l'Ohio après la Grande Dépression. Moquée pour son physique ingrat et sa carnation de peau très sombre, cette dernière développe un complexe d'infériorité. Elle allie la beauté à l'amour et prie chaque soir pour un miracle ; posséder des yeux bleus afin de remplacer la dureté de son existence par de l'affection. Pécola souffre d'un besoin irrépressible d'être aimer mais sa famille et communauté sont incapables de lui en donner, entravées eux aussi dans leur propre vie. Avec plusieurs siècles d'esclavagisme et des décennies de ségrégation, la population noire a considéré au fil du temps et des traumatismes que la peau blanche était la norme voire l'idéal. Ce racisme internalisé transmis de génération en génération est un des sujets forts traités dans ce roman. Toni Morrison aborde également d'autres thèmes insoutenables comme l'inceste pour n'en citer qu'un. La rudesse du quotidien de Pécola n'est pas narrée par cette dernière, trop emmurée dans sa détresse. Elle est relatée par une autre fillette noire, amie et témoin indirect des drames de Pécola qui plongeraient n'importe lequel d'entre nous dans la folie. L'œil le plus bleu est une représentation très réaliste des conditions de vie des Noirs américains du début du vingtième siècle. J'avoue avoir été tout de même un peu déconcertée par la construction du récit et son découpage mais ce premier roman sombre, fort et cru de la romancière pose la pierre originelle de sa retentissante bibliographie ainsi que son combat pour l'émancipation des Afro-Américains. Ses romans sont à lire assurément !
TarassBulba
• Il y a 1 mois
Et si la tragédie naissait du regard ? Et si la haine de soi était une semence plantée dans l’enfance ? The Bluest Eye, c’est l’histoire de Pecola, petite fille noire dans l’Amérique des années 40, persuadée que la beauté – et donc l’amour – ne viendra à elle que lorsqu’elle aura les yeux bleus. C’est aussi l’histoire d’un quartier, d’une communauté, d’un monde qui brise les enfants parce qu’il est lui-même brisé. Premier roman de Toni Morrison, c’est un texte d’une force rare, qui mêle poésie du quotidien et violence sociale, éclat lyrique et réalisme brut. Elle y démonte la construction de la norme blanche, de la beauté comme violence symbolique, de l’innocence détruite par l’indifférence et la misère. La polyphonie narrative – alternance de points de vue, de temporalités, de narrateurs – donne au roman une épaisseur chorale. La langue est somptueuse, dense, musicale, et parfois cruelle. Il y a des passages qu’on lit avec les tripes, tant ils mettent en scène l’indicible. Et pourtant, Morrison ne cède jamais au pathos. Elle nous donne à voir des êtres humains dans toute leur complexité, y compris ceux qui blessent, qui frappent, qui échouent. C’est peut-être ça le plus bouleversant : cette compréhension de la douleur transmise de génération en génération, de la violence intériorisée, et de la solitude comme héritage.
katell
• Il y a 2 mois
Le thème de mars des Classiques, c’est fantastique, était consacré à la lecture d’oeuvres de Toni Morrison, disparue en 2019, laissant un grand vide dans le paysage littéraire américain et mondial. Lorain, Ohio, dans les années 40, grandissent côte à côte deux fillettes. L’une, Claudia, déteste les poupées blondes tandis que l’autre, prénommée Pecola, est en admiration devant Shirley Temple au point de désirer lui ressembler, d’avoir ses yeux bleus pour qu’enfin on oublie sa laideur et qu’on la regarde. Or, dans une Amérique blanche dictant ses canons de beauté au monde entier, le rêve d’idéal d’une petite fille noire n’est qu’une illusion qui ne peut conduire qu’à la folie. « L’oeil le plus bleu », premier roman de Toni Morrison relate cette course illusoire d’une fillette, atteinte d’un complexe d’infériorité, en mal d’amour maternel, de tendresse et de reconnaissance. L’autrice aborde des sujets difficiles et poignants tels que le racisme, l’inceste ou la pédophilie, dans un langage tellement dur, dépourvu d’artifice stylistique, que « L’oeil le plus bleu » a été souvent exclu des bibliothèques scolaires et des médiathèques aux Etats-Unis. En créant Pecola, Toni Morrison décrit la manière dont le système complexe du racisme, avec ses diktats d’un standard de beauté blanc, englue notamment les petites filles noires, les empêchant d’être elles-mêmes et les noyant dans les profondeurs des références culturelles et sociales contradictoires. Ainsi Pecola est-elle persuadée que si elle était comme Shirley Temple, ses parents ne se battraient plus, s’aimeraient de nouveau, son père ne s’enivrerait plus et son petit frère n’aurait pas eu d’accident. Si …. si … le bleu était dans ses yeux, le monde serait meilleur et plus beau, une vraie Mélodie du bonheur. Pour Pecola, les yeux bleus sont le symbole de la beauté et du bonheur, ceux de la bourgeoisie blanche à laquelle elle aimerait ressembler. Les yeux bleus sont également celui de l’aveuglement de Pecola qui ne voit pas qu’un tel espoir ne peut que la conduire vers la destruction de son être. Le bleu inaccessible devient celui de la maladie mentale. Et Pecola a de nombreuses raisons de sombrer dans la folie : entre les violences familiales dont le point d’orgue sera le viol paternel qu’elle subira, son manque d’estime de soi, le manque de tendresse et d’amour et une grossesse non désirée, elle est perdue d’avance, enlisée dans la boue d’un espoir impossible. En effet, comment les femmes et les hommes de son entourage peuvent-ils l’aimer alors qu’ils ont été eux-mêmes blessés et soumis dans leur vie ? Tout est biaisé d’avance et mensonger. Cependant, autant Pecola est rongée par les normes absurdes et l’instabilité matérielle, autant son amie Claudia magnifie son appartenance à la communauté noire en mettant en avant l’identité et la culture noires. C’est la planche de salut que ne voit pas Pecola, aveuglée par les yeux bleus et la blondeur de Shirley Temple. « L’oeil le plus bleu » est aussi un roman qui dénonce, de manière détaillée, comment les normes de beautés blanches, acceptées et intériorisées par les fillettes et femmes noires tronquent leur vie. Le racisme est toujours présent, bloquant leur envol et annihilant leur liberté. C’est aussi un roman qui montre comment les femmes subissent l’horrible oppression sociale et raciale, la tyrannie et la violence des hommes. « L’oeil le plus bleu », premier roman de Toni Morrison porte en lui toute la maestria de l’autrice, il ouvre la voie à son œuvre. Il y a des scènes difficiles car sans fioriture, allant à l’essentiel, qui peuvent heurter mais la force du verbe, du style est telle que j’ai été embarquée dans la quête impossible de Pecola, dans la vie proche de l’enfer d’une communauté noire. J’ai suivi le chemin des personnages pour lesquels j’ai ressenti beaucoup d’empathie malgré la violence de certains d’entre eux. « L’oeil le plus bleu » est un roman qui m’a sortie de ma zone de confort tant les émotions qu’il provoque sont intenses. Merci Madame Morrison. Traduit de l’américain par Jean Guiloineau
Spineur
• Il y a 2 mois
Excellent livre sur le respect individuel et sur ce que peut être le concept de beauté pour un enfant noir dans le sud des États Unis. C'est aussi un livre d'une écrivaine sur la femme, les jeunes filles et leurs conditions. L'écriture est d'une très grande qualité, et le narratif si dense qu'il en devient oppressant: ca sert très bien l'histoire et le thème du livre. Ce qui est plus déroutant sont les différents plans narratifs ou on retrouve différents événements à différentes époques. De nouveaux personnages y apparaissent et l'efficacité narrative en souffre quelques peu. On a un peu de mal a reconstruire l'histoire de Pekola et des deux sœurs dans leur globalité: même si c'est la psychologie des personnages qui domine le livre, les événements qui la façonne sont importants et on aimerait mieux voir leur impact sur chacun des personnages. Ça reste une vraie expérience de lecture et j'en ai personnellement tiré beaucoup.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782264047991
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- Collection ou Série
- Littérature étrangère
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 224
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- Dimensions
- 179 x 110 mm
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7,80 € Poche 224 pages