Caresser le velours : Le livre de Sarah Waters

En fermant "Caresser le velours", je me suis demandé ce que j'en avais pensé. Je cherche toujours. Ce roman laisse une drôle de sensation sur la lectrice que je suis. Autant j'ai aimé l'écriture de Sarah Waters, ses merveilleuses descriptions tellement réalistes (oh les costumes, les habits, les tissus, les lieux, je les voyais devant moi, je les humais, je les palpais !), autant... je ne suis pas sûre d'avoir aimé l'histoire... ou du moins, sa fin ! Pourtant, je ne pouvais pas lâcher le livre. Je ne comprends pas encore comment analyser mes sensations vis-à-vis des misérables aventures de Nancy Astley, jeune fille innocente qui n'a connu que son village calme, une vie consensuelle, et qui découvre "le monde", dans toute sa splendeur, dans toutes ses compromissions, dans toute sa violence, et sa laideur. Un monde fait de secret, de tabous, de conventions à faire plier ou à adapter. J'ai beaucoup aimé les descriptions des travestissements, cette métamorphose qui s'opérait sous mes yeux, avec tout le délice de l'interdit transgressé. Les thèmes abordés sont clairement maitrisés par Sarah Waters et sont fascinants : le monde du music-hall, les débuts du socialisme, du syndicalisme et du féminisme, l'univers pervers et malsain des lesbiennes aristocrates opposé à celui des femmes du peuple. On les voit réellement évoluer, se matérialiser devant nous, son écriture est très "vivante". Mais je n'ai pas aimé cette descente aux enfers qui m'a parue presque trop cliché, sans réel questionnement de l'héroïne. Pour autant, je ne m'arrêterai pas là, je n'oublie pas qu'il s'agit d'un premier roman qui reste extrêmement prometteur du style et de l'univers de Sarah Waters!

Quelle découverte, et quelle écriture aussi. Sarah Waters est remarquable par sa plume sensuelle, ses descriptions pour le moins osées dans le monde et les plaisirs saphiques. C'est vrai qu'il faut avoir une certaine ouverture d'esprit pour accepter de lire un tel roman, mais se retrouver à Londres à l'époque victorienne avec une jeune fille issue de la campagne anglaise et commençant sa vie adulte eh bien croyez moi qu'elle va en voir de toutes les couleurs. On n'est plus dans les domaines puritains mais carrément dans le monde du show biz, ce monde aisé ou toutes les pratiques sont autorisées. Entre les plaisirs charnels, la prostitution, la soumission et autres, notre jeune héroïne Nancy, nous réserve de bons moments à vivre. Mais quelle vie, ça n'est pas toujours rose pour elle. Une très belle découverte pour moi et qui ne m'a aucunement gênée dans l'histoire.

Annonçons la couleur : voici mon gros de coup de cœur de l'année 2017 ! En tout cas des huit premiers mois. A tel point que Caresser le velours a rejoint mes livres pour une île déserte et que par masochisme, je repousse chaque jour l'envie de lire les autres romans de Sarah Waters ! L'écriture de l'autrice coule comme dans une romance toute gentille et il pourrait ne s'agir que de cela : une histoire d'amour entre deux femmes dans le milieu du music-hall dans l'Angleterre de la fin du XIXe siècle. Sauf que ce genre d'histoire n'est pas si simple et tandis qu'une des deux va chercher la voie de la respectabilité, l'autre, Nancy, plus entière, va tenter de vivre telle qu'elle est. Sarah Waters nous promène d'atmosphères en atmosphères, de lieux mondains en ruelles sordides, de quartiers misérables en réunions politiques avec cette volonté chevillée au corps de l'héroïne de pouvoir aimer celle qu'elle veut. Le récit est d'une grande force et d'une grande beauté, même si on pourra trouver certains passages très glauques quand l'héroïne doit se prostituer pour vivre ; il est très bien construit et se termine quand il faut, avec beaucoup de joie, de lumière et d'espoir, même si on n'a pas envie de quitter cette magnifique histoire. Que vous dire de plus ? Faites-moi confiance : lisez-le ! PS : j'ai vu les deux premiers épisodes (sur trois) de l'adaptation pour la télévision (uniquement en anglais) avec Rachael Stirling dans le rôle de Nancy qui y est parfaite. Cependant, comme souvent, le résultat n'a pas la richesse du livre et les passages "délicats" (prostitution, utilisation d'un olisbos, ...) sont traités par un humour un peu goguenard ce qui ne me semble pas être dans l'esprit du roman. PSS : le troisième épisode diffère un peu du roman quant à la fin ; on retrouve cependant tout le plaisir du roman !

Cette lecture demande de la tolérance, c'est plus qu'un roman sur l'homosexualité, c'est aussi une livre sur la libération de la femme : nous sommes en 1897, la femme était sous l'autorité d'un mari ou d'un frère, mais là nous côtoyons des femmes seules qui assument leurs choix sexuels. Pour cela, on suit l'histoire de Nancy qui va quitter sa famille avec son amie Kitty et vivre dans le milieu du music-hall, dans celui de la prostitution, dans un milieu plus aisée sous la soumission d'un femme riche et enfin dans un milieu plus modeste mais plus libérale où les femmes travaillent et se battent pour acquérir des droits ( droit de vote, aide aux logements...).