Emma : Le livre de Jane Austen

Emma est sans doute le roman le plus abouti de Jane Austen, le plus fouillé. A noter également la traduction qui met en valeur cette histoire et qui sublime le style de l'autrice. Emma Woodhouse a une personnalité atypique. A 21 ans, elle n'a aucune envie de se marier, se vantant de se suffire à elle-même et qu'elle est capable de satisfaire seule ses propres besoins. Ce qui l'intéresse en revanche, c'est de marier les autres. Et quoi de mieux que de se donner pour mission d'éduquer la jeune Harriet Smith dont les origines sociales sont inconnues afin de tenter de l'élever à un rang supérieur et lui trouver un bon parti. Seulement à se mêler des affaires des autres, Emma va engendrer une succession de quiproquos et de situations embarrassantes. La plume incisive et grinçante de Jane Austen nous offre un tableau de la bonne société britannique de l'époque d'une grande justesse. Les personnages sont disséqués avec une grande précision et personne n'est épargnée même pas Emma. Outre sa personnalité avant-gardiste, elle est également orgueilleuse mais aussi paresseuse. Tous ses apprentissages sont abandonnés en cours de route. Elle se contente d'être bonne alors qu'avec un peu plus d'effort et de discipline, elle pourrait être excellente. Que ce soit le dessin, la musique ou encore la lecture, elle commence tout mais n'achève rien. Dans ses errances, Emma peut compter sur la bienveillance de son amie Mrs Weston et sur les conseils avisés de Mr Knightley. Jane Austen met également en avant l'importance des classes sociales, s'imaginant que Harriet a une classe supérieure à ce qu'elle est en réalité et que Robert Martin par sa condition d'agriculteur ne la mérite pas. Cependant, ce n'est pas l'avis de Mr Elton et encore moins de sa femme par la suite qui la considère comme une personne de classe inférieure. C'est une lecture plaisante, remplie d'ironie, d'humour avec des éventails de personnages éclectiques attachants ou totalement agaçants.

Emma de Jane Austen Emma Woodhouse est une jeune femme de 21 ans, riche et belle, qui n’a guère connu de «chagrin ou contrariété dans sa vie qu’elle partage avec son père, veuf, »affectueux et indulgent ». Son premier chagrin, le mot est peut-être un peu fort, lui sera causé par le départ de Miss Taylor, la gouvernante et confidente, qui va se marier avec Mr Weston et quitter leur grande demeure. Le plus drôle étant que c’était Emma qui fut à l’origine de ce mariage quatre ans auparavant lorsque personne ne pensait que MR Weston se remarierait, Emma était convaincue d’avoir un talent de marieuse. Son père en était beaucoup moins certain quant à leur voisin et vieil ami de la famille, Mr Knightley, il avait recommandé à Emma de ne rien faire de tel, il était le seul dans son entourage à lui parler sans détours, très directement. Mais Emma avait un projet qui lui tenait à cœur et personne n’aurait pu lui faire changer d’avis, elle voulait s’occuper d’une jeune fille du voisinage, Harriet Smith, qu’elle incita donc à passer à Hartfield régulièrement. Harriet «ne brillait certes pas par l’esprit » mais Emma aimait sa compagnie douce et docile. Elle avait en vue pour elle, un voisin célibataire, Mr Elton mais en discutant avec Harriet elle réalisa qu’elle avait un léger faible pour Mr Martin, un fermier, qu’elle s’attacha soigneusement à discréditer, insistant sur sa laideur, son manque de distinction et son inculture. Et de son côté, Elton ne tardait pas à tomber amoureux. Mais ce qu’Harriet n’avait pu anticiper fut que Martin proposa le mariage en bonne et due forme avec un cadeau charmant. De son côté Elton est à Londres au même moment pour faire encadrer un portrait…d’Harriet. Ainsi commence le premier roman de Jane Austen paru en 1816, une chronique de la vie provinciale anglaise à Highbury, où il ne se passe finalement pas grand chose, où l’on se reçoit beaucoup, et où la jeune Emma du haut de ses 21 ans, sans aucune expérience quelconque et en aucun cas amoureuse va s’auto proclamer, marieuse. Et tout le charme de ce roman, pour moi, est de la voir manœuvrer avec l’un ou avec l’autre sans réaliser qu’elle est elle même l’objet de leurs désirs. Mais comment pourrait elle seulement l’entr’apercevoir puisqu’elle n’a jamais vibré pour un homme ou ressenti un trouble. Elle confie d’ailleurs à Harriet qu’elle ne se voit pas mariée. Chronique amusante, ironique parfois, de trop nombreux personnages traversent ce roman un peu gratuitement et j’ai eu souvent la tentation de sauter un ou deux chapitres. Néanmoins Emma reste un chef d’œuvre de cette époque qu’est le début du 19 ème siècle et bien que beaucoup considèrent ce roman comme le plus abouti d’Austen, ce n’est clairement pas mon cas.

Nous avons tous connu dans notre adolescence une peste, toujours informée des derniers potins, qui appréciait plus que tout jouer les entremetteuses… Étais-je ce type de jeune fille? Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai plus qu'aimé ce livre ? Quoi qu'il en soit, comment ne pas être happée par l'histoire. Il y a tant de mystères, tant de petits détails interprètables de manières différentes selon les chapitres et les événements, des mystères éparpillés dans le roman et les histoires. En tant que lecteur, les mystères sont tellement prenants que, bien que l'on puisse juger Emma qui ne cesse de spéculer sur « qui aime qui » et «qui doit aimer qui », nous nous retrouvons nous-mêmes, lecteurs, à spéculer tout autant, nous demandant si par exemple Franck Churchill aime réellement Emma ?... Le piano offert à Miss Fairfax, preuve d'amour, si oui de qui ? Finalement, Austen nous met à la place d'Emma, il faut bien avouer que c'est particulièrement haletant ! Sans compter sur le fait qu'elle finit toujours par poser des questions que l'on rêverait de poser à sa place. En ce qui concerne la traduction des éditions Baribal, quel dommage tous ces ajouts et anachronismes… «chiffe molle », «rageant », «faire bombance »… Beaucoup trop nombreux selon moi, pas utiles non plus, pas plus amusants je trouve. Vraiment déçue. Je dois dire que dès le départ, tout a mal commencé, avec des points médians dans le prologue… Autre point que je déplore, les enfants ne vouvoient pas leurs parents… Il me semble qu'à cause de tout cela nous sortons trop de l'époque du roman et cela le modernise excessivement. Ce n'est pas ce que j'attends d'une traduction.

Ce roman fait un véritable changement par rapport aux autres romans de Jane Austen. On garde la même formule mais on bouge les variables et c'est très rafraîchissant. Après il ne faut pas s'attendre à un bouleversement total non plus, ça reste un roman de Jane Austen du début à la fin. Mais en tout cas c'était très agréable à lire et très sympathique.