La chute des anges : Le livre de Frank Herbert

Avant Dune, il y avait La Chute des Anges. Ce roman inédit de Frank Herbert, exhumé des archives et enfin publié, dévoile une facette méconnue de l’auteur. Ici, point d’épice ou de planète désertique, mais une jungle amazonienne oppressante, où l’homme se révèle dans toute sa complexité. Le récit s’ouvre sur un crash d’hydravion. À son bord, un pilote au passé trouble, une diva sur le déclin, son fils mutique et un criminel borderline. Le décor est posé pour un huis clos en pleine nature, où la survie devient l’unique fil conducteur mais on se doute que tous n'en sortiront pas vainqueur. La grande force de ce roman réside dans sa tension permanente. L’environnement hostile agit comme un miroir grossissant des tensions humaines : chaque parole, chaque silence devient une question de vie ou de mort. L’écriture d’Herbert, dense et imprégnée de réflexions métaphysiques, tire parfois vers l’abstraction, mais cela n’empêche pas l’intrigue de captiver. Si certains personnages manquent d’épaisseur, Geltner, l’antagoniste torturé, vole la vedette. Étrangement attachant, il incarne l’ambivalence morale chère à Herbert. J’ai lu ce roman d’une traite, emportée par son rythme fluctuant mais hypnotique, entre moments d’inaction étouffante et soudains éclats de violence. Oui, le texte est parfois maladroit, un peu daté peut-être, mais il contient cette étincelle brute qui annonce déjà le génie narratif de Dune. La Chute des Anges n’est pas seulement un roman d’aventures : c’est aussi un voyage intense au cœur des instincts humains, où la jungle joue un rôle aussi important que les personnages. Il y a quelque chose de très plaisant à lire les premiers écrits d’un grand auteur, à voir comment son style et ses idées se dessinaient déjà. On y perçoit les tâtonnements, mais aussi les intuitions brillantes qui deviendront sa marque. Cette découverte ajoute une dimension intime à la lecture : celle de voir un écrivain en devenir, encore en train de se chercher, mais déjà habité par une vision puissante. À lire pour découvrir un Herbert plus expérimental, moins policé, mais toujours aussi fascinant.