L'Homme des Mille Détours : Le livre de Agnès Martin-Lugand, Agnès Martin-Lugand, Pierre Rochefort, Bertrand Pazos

Je dois avouer que d’avoir lu les précédents romans d’Agnes Martin-Lugand m’a rendu celui-ci prévisible. Il n’en reste pas moins que le scénario est captivant, les personnages attachants, les liens les plus forts ne sont pas nécessairement ceux du sang. J’ai passé un excellent moment en le lisant.

[masquer]Cela faisait un moment que je n’avais pas lu un roman d’Agnes Martin-Lugand, et j étais impatiente de retrouver sa plume. Même si j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire au début, j’ai rapidement été happée par l’intrigue, surtout par la complexité du trio amoureux qui se dessine. Une fois lancée, je voulais absolument connaître le dénouement. Ce qui m’a particulièrement plu, c’est la façon dont l’autrice utilise L’Odyssée comme une toile de fond symbolique et très concrète à la fois. Pour Ivan, ce livre est bien plus qu’une simple lecture : c’est une véritable boussole qui guide ses choix et sa manière d’affronter ses blessures. J’ai trouvé cette idée très originale et intelligente, car elle donne une profondeur supplémentaire au personnage d’Ivan, qui n’est ni un héros ni un monstre, mais un homme tiraillé par ses désirs contradictoires. Ivan a construit une famille, il a eu trois enfants, mais ce qu’il n’a pas supporté, c’est la perte de la relation exclusive qu’il entretenait avec sa femme. Ce besoin possessif, mêlé à sa peur d’être privé de sa liberté, l’a conduit à fuir, à abandonner ceux qu’il aimait. Ce portrait est à la fois triste et réaliste, et il m’a beaucoup touchée. À l’opposé, il y a Gary, dont le rêve a toujours été d’avoir une famille, un foyer stable, des enfants. Et là encore, j’ai apprécié la nuance apportée par l’autrice : ce rêve, qui semblait inaccessible au début, se réalise grâce à sa rencontre avec Erin, la femme d’Ivan. Leur amour naissant est beau, sincère, et apporte une note d’espoir au récit, un équilibre face à la fuite d’Ivan. La fin, quant à elle, m’a vraiment surprise. Elle est lourde, intense, presque pesante, ce qui m’a un peu dérangée. Pourtant, elle colle parfaitement à l’ambiance générale et à la complexité des personnages. Ce n’est pas une conclusion facile, mais elle est honnête, et c’est ce que j’ai aimé. En somme, L’homme des mille détours est un roman poignant qui questionne les limites de l’amour et le prix de la liberté. À travers des personnages complexes et profondément humains, Agnès Martin-Lugand explore avec justesse les blessures du passé et les espoirs de reconstruction. Malgré une fin un peu lourde, cette lecture m’a touchée par sa sincérité et sa profondeur, me rappelant que parfois, il faut accepter les détours pour vraiment se trouver.[/masquer]

Un mythe revisité en version moderne et touchante. Imaginez le mythe d’Ulysse et Pénélope transposé au XXIe siècle, revisité à la manière d’Agnès Martin-Lugand. C’est ce que nous offre cette histoire profondément humaine, portée par des personnages cabossés, en quête d’eux-mêmes et de liens solides. C’est l’histoire de Gary, Ivan, Erin et ses trois enfants. Une histoire d’amour – ou plutôt des histoires d’amour – sous toutes leurs formes. De celles qui apaisent, de celles qui consument, de celles qui forgent les liens familiaux, qu’ils soient de sang ou de cœur. C’est un roman qui parle aussi d’abandon, de pardon, de reconstruction. On se laisse embarquer dans cette romance feel-good, portée par une écriture fluide et sensible. L’histoire est addictive, les émotions sont là, et on tourne les pages avec cette envie de croire, nous aussi, aux secondes chances. Quelques réserves cependant : certains personnages manquent de relief — Erin et ses enfants, en mère courage exemplaire, et Gary, un brin trop lisse, peinent à surprendre ou à émouvoir pleinement. Certaines introspections, par ailleurs, tournent en boucle, affaiblissant par moments la dynamique du récit. C’est Yvan que j’ai préféré, avec ses zones d’ombre, qui relève l’ensemble. Son portrait, finement esquissé, intrigue autant qu’il captive. Je regrette d’autant plus qu’il ne soit pas plus au cœur de l’histoire (au profit de Gary), et sa transformation arrive de façon un peu précipitée. En somme, un roman qui se lit avec plaisir mais qui aurait gagné à creuser davantage ses ambivalences pour gagner en intensité émotionnelle. Mais Agnès Martin Lugand reste une autrice que j’apprécie énormément.

Agnès Martin-Lugand a bâti son histoire autour du mythe de l'Odyssée (qui relate le retour d'Ulysse dans son île d'Ithaque où l'attend Pénélope, sa fidèle épouse). L'Odyssée est également un bar de Saint-Malo dont la patronne, Erin, est l'héroïne du livre. Ivan, le mari d'Erin, a disparu depuis 7 ans après 10 ans de mariage et 3 enfants, en emportant le livre d'Homère, "source de son unique rêve, rêve d'une épopée d'aventures". Patron d'un resto sur l'île de la Réunion, il missionne son ami Gary, plongeur professionnel, résolu à repartir dans sa Bretagne natale, de "retrouver la femme de sa vie". Les 3 héros sont à la recherche du bonheur : Ivan et sa soif de sensations, Gary et sa quête de stabilité, Erin et son impuissance à se débarrasser d'un amour toxique. Les thèmes de ce roman à 3 voix tournent autour de l'emprise, de la famille, des liens du sang et ceux du cœur, de la paternité. L'écriture de cette romance sirupeuse, sans relief, qui se termine partiellement en tragédie (peut-il en être autrement lorsque deux hommes aiment la même femme?) est d'une extrême simplicité. Le récit fait trop d'étalage de sentiments, de détails, d'explications -jusqu'à l'overdose. Il a un côté manichéiste quelque peu gênant : d'un côté les gentils, de l'autre le méchant. Et puis le dénouement est difficile à croire. Quelques jolis moments pourtant : l'émouvante scène où le garçonnet apprend à nager ou les retrouvailles du père et du fils autour d'un bateau. C'est un livre facile à lire, un bon livre pour les vacances.