American Predator : Le livre de Maureen Callahan

American Predator n’est pas un roman au sens classique du terme, mais plutôt un documentaire minutieux sur l’un des tueurs en série les plus terrifiants — et pourtant méconnus — des États-Unis. L’autrice retrace de manière factuelle l’enquête et les découvertes autour d’Israel Keyes, un criminel d’une froideur clinique et d’une méthode implacable. Le récit est bien construit, l’enquête bien documentée, mais il ne faut pas s’attendre à une tension dramatique de thriller ou à un suspense haletant : le tueur est arrêté dès les premières pages, et le reste du livre consiste essentiellement à reconstituer, pièce par pièce, l’ampleur de ses crimes — sans qu’on puisse jamais réellement en cerner les limites. Cela laisse une impression d’inachevé, mais aussi de profond malaise, tant le personnage semble échapper à toute compréhension. En somme, si vous êtes passionné par la psychologie criminelle ou les faits divers glaçants, ce livre est une référence. Si vous cherchez une lecture plus immersive ou romancée, mieux vaut peut-être se tourner vers un autre type de récit.

Si les enquêtes vous passionnent, ce livre est fait pour vous. Si vous avez un penchant inavouable pour les histoires criminelles vraies, plutôt sordides, vous y trouverez également votre compte. Si vous avez foi dans la machine judiciaire, vous risquez d’être surpris. Si vous ne craignez pas de découvrir votre pire cauchemar, foncez. Si vous êtes de ceux qui saluent tous les randonneurs que vous croisez, qui avez toute confiance dans l’ouvrier que vous faites venir chez vous ou qui pensez parfaitement connaître la personne qui partage votre vie… Comment dire ? American Predator va peut être vous faire reconsidérer votre façon d’être. Quoi qu’il en soit, ne passez pas à côté.

Lorsque Samantha Koenig disparaît une nuit de février 2012, les enquêteurs ne s'attendaient pas à ce que son kidnappeur soit un tueur en série insoupçonnable et pourtant très actif sur tout le territoire américain. J'ai adoré cette lecture. Le récit retrace toute l'enquête sur la disparition de la jeune Samantha en Alaska, qui aboutira à la capture d'un serial killer dont la police ignorait l'existence : Israel Keyes. Tout d'abord, American predator n'est pas un roman. C'est une histoire vraie mais que l'on lit avec une grande envie de savoir comment cet homme a pu si longtemps échapper aux policiers. Certes le tout est relaté de façon assez froide, et cela déplaira sans doute à certains lecteurs. Mais je trouve que cela correspond parfaitement à cette plongée dans la noirceur de l'âme humaine. Israel Keyes était effrayant. Un vrai prédateur opportuniste, qui n'avait pas de victimes types et aux motivations obscures. Nul ne sait et ne saura jamais le nombre exact de ses victimes. Évidemment cela crée une grande frustration puisque certaines affaires ne seront jamais elucidées. Ce que la négligence de divers protagonistes américains aura permis.

QUE FAIT LA POLICE ? Parmi la production étendue de livres consacrés au phénomène du tueur en série, le récit de Maureen Callahan sort du lot en ceci que l'enquête est ici prétexte au portrait. En retraçant le périple sanglant de Israel Keyes aux 4 coins des Etats-Unis, le lecteur suit, étape par étape, la façon dont cet homme a semé la mort autour de lui, sans raison évidente. Le portrait du monstre échappe à l'entendement. Il diversifie ses modes opératoires. Défie les autorités avec une jouissance que l'on devine absolue. Se terre. Réapparait. Mutile. Dissèque. Enterre. Disperse. Et s'échappe, toujours s'échappe, jusqu'à ce que qu'il soit appréhendé au terme d'une errance criminelle de 16 ans et de 17 victimes - au moins. La carte qui ouvre le livre façon syndicat d'initiative, avant toute prose, annonce la couleur d'emblée : on a affaire à un massacreur ambulant, un tour operator meurtrier. L'originalité de la construction du récit tient dans l'alternance entre les scènes d'enquête et les scènes d'interrogatoire interminables au cours desquelles les inspecteurs et agents du FBI tentent de lui arracher non seulement des aveux - qui viendront aisément - mais surtout des raisons, une explication des actes, une sens, fut-il insensé, au projet. Ce récit documenté - en fait documentaire - n'est pas un récit de fait divers. C'est le récit d'une cruauté décomplexée, d'un personnage totalement dépourvu de surmoi qui succombe à son désir brut. Il y a quelque chose de sidérant et même de fascinant, comme l'est ce qui résiste, ce qui demeure radicalement étranger. Ici, l'écriture est factuelle, sans emphase ou démagogie inutile. Le stylo se fait scalpel. L'auteure Calahan a pris l'habit du légiste, celui qui détaille, prélève, analyse à la façon d'une autopsie. L'humanité banale veut comprendre sinon le mobile, le motif du monstre. Ce qui déraille, git sous le crâne de ce jeune homme ordinaire. Terrifiant.