Chef-d'oeuvre : Le livre de Juan Tallon

Tout commence par un fait réel et improbable. En 2006, une sculpture de 38 tonnes s’évanouit dans la nature. L’œuvre, signée Richard Serra, s’intitulait Equal-Parallel/Guernica-Bengasi. Elle avait été exposée puis achetée par le musée Reina Sofia à Madrid pour son ouverture, puis démontée et entreposée dans une société spécialisée et puis… plus rien. L’œuvre devient fantôme. Et c’est peut-être cette disparition qui a contribué à sa renommée. Ce n’est plus seulement une œuvre d’art, c’est aussi une énigme. Juan Tallón ne raconte pas une enquête classique mais compose une mosaïque non linéaire de perceptions, souvenirs, points de vue émanant d’artistes, architectes, conservateurs, écrivains, techniciens, enquêteurs, … Chaque témoignage ajoute une pièce au puzzle et entretient une tension continue. Certains sont marqués par la perte, d’autres s’en amusent, d’autres encore n’avaient même pas remarqué que cette masse d’acier était une œuvre d’art. Et c’est aussi l’intérêt du roman, montrer à quel point l’art dépend du regard de chacun. Avec un brin d’humour, Tallón interroge aussi notre rapport à la création, à l’institution, au patrimoine, à la bureaucratie. Il décrit les coulisses du monde de l’art contemporain, tout en glissant quelques anecdotes (comme celle sur les nécrologies écrites par le New York Times bien avant le décès des artistes). Je retiendrai cette idée que Serra ne sculptait pas uniquement des objets, mais aussi des vides. Des volumes traversés, des expériences. Ce qui l’intéressait n’était pas tant la forme que le mouvement du spectateur dans l’espace et le temps. Il voulait que s’installe une relation entre l’œuvre et celui ou celle qui la regarde, une relation unique, éphémère. Le roman interroge aussi sur le statut d’œuvre originale. Une œuvre d’art est-elle liée à la main de l’artiste, à son idée, ou à l’instant de sa matérialisation ? Peut-elle se répéter, se recréer ? C’est un roman réellement fascinant qui ouvre les portes de l’art contemporain, apprend à regarder autrement les œuvres, à les habiter et à sentir tout le travail et l’invisible qu’elles portent en elles. J'ai adoré.

Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=70f7_nRzkZIab_channel=YasminaBehagle Bonjour à tous, Aujourd'hui on parle infanticides et sculpture avec Chef-d'oeuvre de Juan Tallon et Pas les mères de Katixa Aguirre. je crois que si je me suis ennuyée c'est parce que le roman se consacre à tout ce qui est très technique concernant l'art, le stockage, le déplacement, même si on peut dire au contraire que c'est intéressant de montrer ce que ça engage matériellement. Mais j'ai eu parfois eu l'impression de lire de passages un peu secs, sans chair paradoxalement, à la limite du théorique Les matières premières de l'art, l'acier, donc presque proche de l'industriel, et c'est comme ça qu'il faut prendre le titre, en contrepied je pense. Le chef d'oeuvre c'est avant tout trente huit tonnes d'acier qu'on peut fondre pour le ramener à sa valeur industrielo-marchande

Un livre fou pour une histoire folle ! L’auteur nous emporte sur les traces de cette œuvre d’art de 38 tonnes, abandonnée pendant des années sur un terrain et qui a disparue lorsqu’on la recherche. Sous une forme d’enquête des plus complexe, nous voilà sur les traces de cette sculpture, tout en sachant qu’elle n’a toujours pas été retrouvée à ce jour. Mais cette multiplicité de témoignages plus ou moins inspirés de la réalité, puisque cela reste un roman, est passionnante et nous démontre toute la ténacité de Juan Tallon pour ce livre enquête.