The City & The City : Le livre de China Miéville

Entre fausses pistes, jeux de pouvoir et légende urbaine, Miéville nous plonge au coeur de deux villes étroitement liées et nous en apprend plus sur sa culture, son histoire et son contexte géo-socio-politique. Tel un touriste, le lecteur s'approprie au fil des pages les codes et modes de vie propres à ces villes. La compréhension peut s'avérée ardue au départ, entre les néologismes et le fait que l'auteur laisse volontairement des zones d'ombres, mais c'est pour mieux nous souffler par ses idées ! Je dois tout de même dire que j'ai préféré et de loin le contexte à l'intrigue. Ça ne me gêne pas personnellement vu que j'y ai quand même trouvé mon compte mais ça reste dommage vu que le but de l'auteur était sûrement de créer une intrigue qui tienne la route autant que son postulat de départ. Malheureusement, le côté polar-roman noir ne m'a pas convaincu, l'inspecteur Borlù arrive à résoudre l'enquête en trois pages, dans un éclair de génie, et sa conclusion tombe un peu à plat vu qu'il n'y avait pas eu de réels indices distillés au cours de l'enquête laissant supposer pareil dénouement pour le lecteur. On disait de ce roman qu'il était plus ambitieux et plus mature, sans les longueurs auxquelles nous avait habitué l'auteur dans ses précédents romans. J'y ai cru mais je dois dire que je préfère grandement le Miéville foisonnant et dense de ses autres oeuvres que le Miéville épuré à l'écriture "froide" de The City The City. Malgré ces reproches, il faut tout de même retenir que cela reste un polar intelligent porté par une idée géniale et vertigineuse !

Accrochez-vous bien. Ceci est un polar dans un monde semi-fictif. Dans les premiers chapitres pas toujours facile de tout comprendre. Borlù, l'inspecteur qui narre l'histoire, évoque les deux villes mêlées que sont Beszél et Ul Qoma sans vraiment expliquer les choses. Donc forcément au départ on a du mal à suivre. Ca commence à s'éclaicir après le troisième chapitre (assez rapidement donc). Malgré tout, avec la traduction ?, quelques phrases sont à la limite de l'incompréhensible, tordues. En tout cas le contexte est original et bien trouvé. Ca change un peu. Et par la même occasion ça rend l'histoire intéressante et d'un autre genre. J'ai beaucoup aimé et d'ailleurs l'enquête est bien ficelée. On suit la logique de l'inspecteur et nous aussi nous cherchons la vérité sur Orciny. Pourtant le récit commence dans une ambiance morose. Ca s'arrange par la suite. Un petit moins par rapport aux personnages auxquels on s'attache assez peu. Ils ne sont pas beaucoup décrit, on ne s'est pas grand-chose d'eux, on n'attend pas trop chose de leur vie personnelle. Ca ne dérange pas trop c'est juste dommage. Très bon livre où l'on doit en saisir plus à la deuxième lecture. (Ouais il y a des fois je comprends vite mais il faut m'expliquer longtemps)

Un livre qui n'est pas facile d'accès. Une idée de base particulièrement originale. Une quatrième de couverture qui m'avait intriguée. Il m'a fallu beaucoup de temps pour lire la première partie. J'ai d'ailleurs laissé le livre de côté avant de le reprendre et de le terminer. Je pense que c'est le rythme policier, en s'accélérant, qui m'a permis de poursuivre ma lecture. J'avoue que l'auteur s'est donné bien du mal pour décrire ce monde unique, peut-être un peu trop, même s'il est vrai qu'une telle imagination et une telle précision sont impressionnantes.

A côté de Nouvelle-Crobuzon les villes de The City and The City et leurs habitants paraissent presque normaux... L'intrigue policière est classique mais le paradoxe topographique du décor l'enrichit énormément. Entre roman policier et fantasy urbaine China Miéville écrit un roman prenant à l'ambiance forte. Le sujet de la ville est traité de manière très intéressante: l'auteur substitue la coexistence spatio-temporelle à la traditionnelle dichotomie centre/périphérie. Les habitants de chaque ville sont éduqués de manière à "éviser" l'Autre, c'est à dire à ne pas voir les gens qui vivent au presque même endroit qu'eux. Le paradoxe des deux villes n'est pas expliqué et contribue énormément à l'intérêt et à l'ambiance si particulière du livre. Au-delà de cela, il reflète les comportements assez fréquents dans nos villes qui consistent à ignorer ce qui est trop différent : maladie, pauvreté extrême... Ce mélange entre imaginaire et réalité est extrêmement bien réussi et imprègne complètement ce roman.