Les Guerriers de l'hiver : Le livre de Olivier Norek, Thierry Blanc

Avec les Guerriers de l'hiver, c'est plus que l'histoire d'une guerre dans une guerre que nous raconte Oliver Norek. C'est le vécu angoissant de centaines de milliers d'hommes anonymes, d'un épisode trop mal connu, qui n'est pas sans cruellement rappeler une certaine actualité. La plume de Norek est brillante et fait honneur au courage de ces soldats finlandais qui ont tout sacrifié pour leur patrie violée. Des hommes forcés de se déshumaniser pour tuer de l'autre côté ceux qui menaient une guerre qu'ils n'ont pas voulu, dans laquelle ils n'ont rien à faire et qu'ils ne comprennent pas. Sur le front de Kollaa, la neige ne fond pas sous la chaleur du sang qui s'écoule tant le froid est transperçant. Sur le front de Kollaa, Simo Häyhä terrorise les Russes qui, à chacun de leurs corps transpercés, construisent peu à peu la légende d'un homme tireur d'élite aussi implacable et absolu que l'hiver finlandais. La Mort Blanche ne fait qu'un avec la neige. Ne fait qu'un avec sa cible. L'acte de tuer est extrêmement intime, quand on y pense. Le roman véridique des Guerriers de l'hiver ne peut que se refermer avec le sentiment exaspéré d'être témoin de l'Histoire qui se répète.

Un livre à lire à plusieurs niveaux. - C’est la narration d’un événement historique. - C’est un roman palpitant. - C’est un bouquin inquiétant, au moment où j’écris ces lignes, mars 2025. L’événement, c’est la guerre de trois mois et demi qui a opposé l’URSS et la Finlande en 1939 et 1940. David contre Goliath. Et même si les méchants ont fini par gagner, ils ont perdu tout respect en se comportant comme des barbares et en étant incapables de faire plus de 15 km sur les terres des «#8201;petits#8201;». Histoire dans l’Histoire, celle de Simo Häyhä, tireur d’élite ayant à lui seul abattu plus de 1000 ennemis. Craignant que les troupes du IIIe Reich ne passent par la Finlande pour les attaquer, les Soviétiques (enfin, Staline) décident de les envahir préventivement. Attention, un dictateur peut en cacher un autre. Il fait (je parle au singulier, c’est plus simple) donc le nécessaire pour entrer en guerre contre ce pays insignifiant comparé au sien, certain de n’en faire qu’une bouchée en trois semaines maxi. Mais c’est sans compter le «#8201;Sisu#8201;», l’esprit, l’âme de la Finlande qui s’éveille sous l’offensive. Comme un seul homme, les Finlandais barrent le passage à une des armées les plus puissantes d’alors, recevant chaque jour autant de munitions qu’ils n’en disposent, eux, pour tout le conflit. Simo, qui a appris à tirer en chassant avec son père quand il était gamin, devient le symbole de cette résistance désespérée. Je n’en dirai pas plus. C’est un livre passionnant, remarquablement documenté, dans lequel on apprend comment est la folie d’un mégalomane comme on en fait encore trop, et c’est là que ça devient inquiétant.

En 1939, les troupes de Staline envahissent la Finlande. Les habitants de ce petit pays prennent les armes pour s'opposer à l'invasion, dont Simo, fils de paysan. Il est bientôt surnommé la Mort blanche à cause de ses talents de tireur. Basé sur des faits réels et une ample documentation, ce roman fait découvrir un pan méconnu de la seconde guerre mondiale, qui a duré cinq mois et opposé le géant soviétique et une toute jeune nation d'Europe du Nord, au cœur d'un hiver redoutable où les températures frôlent les -50°. D'abord peu enthousiaste à l’idée de plonger dans un récit de guerre, je me suis laissée happer par l’histoire. Certes, on trouvera les inévitables stratégies militaires concoctées par des officiers bien à l’abri loin du front, et des mouvements de troupes dans la zone des combats – j’avance de 100 mètres, tu recules, tu reprends le territoire perdu, je me retire, je piège tes chars et dégomme tes soldats, tu envoies des grenades explosives, et caetera ; Olivier Norek a parfaitement restitué la résistance de la petite nation finnoise contre le géant soviétique qui pensait l’affaire pliée en quelques jours. Le combat de David contre Goliath, ce qui n’est pas sans nous ramener à l’actualité de la guerre en Ukraine. Le récit mêle habilement la grande histoire et les intrigues secondaires qui mettent en avant des personnages attachants : il y a Simo bien sûr, devenu légende à part entière, capable de semer la terreur à lui seul parmi les soldats adverses, ses amis Onni et Toivo, Leena, qui s’engage comme « Lotta », ces femmes qui accompagnaient les hommes au front pour être infirmières, cantinières ou cuisinières, et d’autres nombreux encore, simples soldats ou officiers. Un changement radical pour cet auteur de polars, et pari réussi.

Il fait froid, extrêmement froid sur cette période de l'Histoire... Guerre d'hiver méconnue, où le "David" Finlandais a résisté plus de 100 jours au "Goliath" rouge de Staline en 1940, nous la découvrons au travers de plusieurs portraits d'hommes et femmes ordinaires, qui deviennent du jour au lendemain des soldats pour résister à l'envahisseur! Plus précisément, tel le fermier soldat surnommé "la mort blanche" pour ces talents de Sniper, nous voici immergés, de la neige, du sang et des tripes jusqu'au genoux par moins trente degrés, à survivre ou mourir au rythme de ce récit de guerre! Car il s'agit bien d'un récit de faits de guerre, relaté tel un reporter méticuleux et impartial par le talentueux Olivier Norek, qui a réalisé un véritable travail d'historien. Si, à l'inverse de ces précédents livres, certaines descriptions sont un peu longues à mon goût, elle dénote le souhait de l'auteur de nous faire partager ce pan de l'Histoire où la deuxième guerre mondiale aurait pu alors basculer dès 1940... Le tour de force de Norek est également de nous faire partager le côté politique de la guerre où nous découvrons comment les dirigeants, nationaux et internationaux, mènent leur réflexion.... dans un état d'esprit aussi cynique et délétère que peut l'être l'abnégation et l'héroïsme chevillé au corps des soldats sur le terrain, qu'ils soient hommes ou femmes ! Bref, on s'interroge car aujourd'hui, en ces temps actuels troublés, rien n'a véritablement changé, et la citation du poète Paul Valéry "la guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas" reste à méditer !