Une vie : Le livre de Guy de Maupassant

Je connais surtout Maupassant pour ses nouvelles, célébrissimes, mais j'ai déjà eu l'occasion de découvrir quelques uns de ses romans qui sont un petit régal à mes yeux. Maupassant est un écrivain du social, tout ses romans reposent sur les questions des gens, de leurs interactions et de leurs vies. Des années avant l'invention de la sociologie, Maupassant comprend que les humains sont conditionnés sociétalement et aime les personnages qui brisent les règles établies, s'implantent par la force dans une société qui semble pourrie de base. Une vie, c'est un peu tout ça. Le roman est, dès le titre, dans une analyse presque froidement cruelle. Maupassant y joue de son œil avisé et dissèque avec un plaisir presque sadique la façon de rater sa vie. Parce que "Une vie", c'est le mode d'emploi pour la gâcher. Et si son personnage principal est une femme jeune, ingénue (rappelant du Voltaire), elle n'est jamais présentée comme victime de malheur. C'est avant tout une oie blanche dans un monde de merde et qui n'aura jamais les ressources mentales et morales pour s'extraire de sa condition. Maupassant tire à boulet rouge sur la petite aristocratie campagnarde de Normandie (mais d'ailleurs aussi) avec des phrases assassines, notamment dans les descriptions de personnages. Son ton est excellent, en quelques phrases il fait comprendre et ressentir tout ce qu'il veut. La tante de la famille, vieille fille discrète, est ainsi décrite en peu de mots mais terriblement cruels et efficaces pour la comprendre et la cerner. Ce ton qui fait mouche a une grande qualité, celle de ne pas faire trainer en longueur le récit. Car dans "Une vie", il ne se passe rien ou si peu. Maupassant fait du Bovary, avec une femme qui s’ennuie dans une vie insipide où rien d'important ne semble se produire jusqu'aux drames qui la terminent. Et lorsqu'on ferme le livre, c'est une page de l'Histoire qui s'est tournée. La révolution industrielle est arrivée, l'ancienne noblesse n'est plus, le monde a changé et les gens disparaitrons avec ... Ce livre est à la fois cruel, drôle mais aussi mélancolique. L'amour de Maupassant pour sa campagne est palpable et à l'instar de Jeanne, il aime ces paysages, ces lieux de campagnes, ces fermes et ces paysans. Paysans dont le bon sens presque caricaturé fait écho à la bêtise des ces nobles qui ne comprennent rien à rien. L'ironie dramatique est souvent présente avec le lecteur qui découvre bien avant Jeanne les détails importants du récit. Je suis assez positif mais je dois dire que le roman reste assez long pour ce qu'il propose. C'est une description non pas minutieuse mais détaillée de la vie de Jeanne, une vie, banalement exposée dans toute son horreur. Maupassant se régale à nous montrer tout aller de travers, de mal en pis et même pire, jusqu'à un final qui semble pourtant presque heureux. Et je me demande si lui-même ne projette pas beaucoup de son caractère dans l’œuvre. Comme ses personnages, Maupassant voir mourir une vieille noblesse campagnarde, le train qui arrive et les jeunes tenter leurs chances en ville. Il voit les anciennes structures de pouvoir s'affaiblir, le curé devenir bête noire. Et pourtant le récit présente une sorte d'idéal dans son début : le curé bonhomme et conciliateur, la famille de noble généreuse et aimée, les rapports avec les paysans qui sont débiteurs mais jamais pressurisé ... C'est une sorte de vision idéalisée d'une époque révolue que Maupassant jette à bas, même s'il semble présenter cette évolution comme inarrétable et surtout du fait des personnes incapables de s'adapter. Jeanne n'est pas un personnage agréable tant j'ai voulu la secouer pour qu'elle se décide enfin à vivre, mais ce final en demi-teinte semble presque ironique. Est-elle enfin heureuse ? Meurt-elle dès les pages finales tournées ? Accepte-t-elle son sort ? Est-elle devenue folle ? Il y aurait des possibilités, mais je trouve que Maupassant est cruel sans jamais enfoncer définitivement le clou. Peut-être avait-il aussi besoin d'espoir ? Ce roman est le premier de Maupassant et cela se sent. Son style piquant est déjà là, mais la verve ne suffit pas et le roman manque encore un peu de ce corps qu'il trouvera dans Pierre et Jean ou dans Bel-ami, bien plus réussis selon moi. Sa brieveté en fait presque une longue nouvelle, lettre d'amour à sa Normandie natale, aux paysages qui la composent, inspiré de sa famille et posant une réflexion acide sur ses protagonistes. Un bon livre malgré tout d'un écrivain français que je considère comme excellent. Recommandé, d'autant que ça se lit comme un rien.

Un livre touchant et frustrant. On suit la vie de Jeanne, spectatrice impuissante de son existence souvent dictée par les autres. Par moments, on aimerait la secouer, et à d'autres, on se reconnaît en elle. Elle incarne une forme de passivité que le monde semble lui avoir imposée. le style est classique, mais d'une grande beauté : certaines phrases sont si justes qu'on les relit avec plaisir. le rythme est fluide, l'histoire avance bien, avec des moments forts et des émotions sincères. Maupassant y explore avec finesse la famille, la condition féminine et les relations humaines. Un roman profondément humain, à la fois doux et cruel.

Troisième œuvre de Maupassant que je lis et je pense ma préférée pour le moment, autant pour l’ambiance que pour l’engagement dans le livre j’ai adoré ma lecture. Les « plot twists » à la Maupassant ne sont qu’incroyables et les personnages sont vraiment attachants, je pense que pour commencer dans les classiques « Une vie » est une bonne ouverture dénonçant à la fois la société ce qui est assez audacieux à l’époque comme on le sait, et en même temps des thématiques importantes telles que le mariage, la condition de la femme etc… Une lecture très plaisante assez estivale qui nous donne envie de vivre à la campagne malgré les enjeux!

Au début, on s'ennuie peut-être un peu. Et puis... On s'attache. À Jeanne, au baron, les servants, ce château normand qu'on ne peine pas à imaginer grâce aux descriptions volubiles de Maupassant. On s'éprend des vicissitudes de cette femme faible de volonté et bonne de cœur qui subit un mari abusif, des parents trop bons, un enfant ingrat ; et en chaque épisode de sa vie volée on voit des scènes de notre propre destin ou de celui de nos proches. J'ai pleuré à un moment précis, me suis énervé à d'autres, et de rares fois, c'est vrai, me suis trouvé ennuyé par les descriptions longues de l'auteur, mais c'est aussi parfois ce qui immerge, ce qui lie le récit et le lecteur. Une lecture aigre-douce, à apprécier au gré de l'imagination, un beau témoin de la vie de millions de femmes subissant le patriarcat et de la Normandie dont la douceur s'avère inchangée.