Au-delà du mal : Le livre de Shane Stevens

"Au delà du mal", cette délectable descente aux enfers qui fait de "L'Exorciste" une gentille berceuse pour enfants sages! Voilà un roman qui a l'élégance de nous faire perdre le sommeil avec un raffinement tout particulier. Stevens nous offre avec Thomas Bishop le genre de monstre qui vous fait douter de votre voisin de palier. Un tueur en série dont la construction psychologique est si minutieusement ciselée qu'on en viendrait presque à lui trouver des excuses - presque. Cette enfance brisée, cette mère abusive, cette société indifférente... tout s'emboîte avec une précision d'horloger suisse pour créer un psychopathe d'anthologie. Le récit se déroule comme une partie d'échecs morbide, où chaque coup porté est calculé avec une précision chirurgicale. Stevens jongle avec les points de vue comme un funambule ivre, nous faisant basculer de l'esprit torturé de Bishop aux enquêteurs acharnés qui le poursuivent. On se surprend à retenir son souffle pendant les scènes de traque, tout en sachant pertinemment que le pire est à venir. La violence, omniprésente, n'est jamais gratuite - un tour de force dans ce genre littéraire où le gore tient souvent lieu d'intrigue. Ici, chaque acte brutal est une pièce du puzzle psychologique, chaque meurtre une nouvelle couche de vernis sur le portrait d'une Amérique qui préfère cacher ses monstres sous le tapis. L'écriture est aussi tranchante qu'un scalpel, disséquant méthodiquement les apparences sociales pour révéler la pourriture qui couve en dessous. Stevens ne nous épargne rien, mais il le fait avec un tel talent qu'on en redemande, comme ces badauds qui ne peuvent s'empêcher de regarder un accident de voiture. Le plus terrifiant n'est pas tant la description des meurtres que cette sensation rampante que Bishop pourrait être n'importe qui. Stevens excelle à nous montrer comment la monstruosité peut se cacher derrière le visage le plus banal, comment la folie peut porter un costume-cravate et faire ses courses au supermarché. Les personnages secondaires, loin d'être de simples faire-valoir, apportent une profondeur supplémentaire au récit. Le journaliste Adam Kenton, en particulier, devient notre guide dans cet enfer moderne, notre Virgile en imperméable froissé qui tente de comprendre l'incompréhensible. La conclusion, aussi inévitable qu'un rendez-vous chez le dentiste, nous laisse avec cette désagréable impression que l'histoire n'est pas vraiment terminée. Que quelque part, un autre Thomas Bishop attend son heure, patiemment, méthodiquement. "Au delà du mal" n'est pas qu'un simple thriller psychologique, c'est une autopsie de la société américaine des années 70, un miroir tendu à notre fascination morbide pour les tueurs en série, et surtout, un rappel glaçant que les vrais monstres ne se cachent pas sous nos lits, mais bien parmi nous. Un chef-d'œuvre du genre qui a influencé une génération d'auteurs et qui, plus de quarante ans après sa publication, n'a rien perdu de sa capacité à nous faire frissonner. À lire de préférence avec toutes les lumières allumées et un bon système de sécurité à la porte.

J'ai adoré ! Un pavé qui pourrait en décourager plus d'un, et ce serait dommage. Une histoire palpitante, très bien menée. Chaque détail est ciselé et porté avec force. Et que dire des personnages ? Ils sont tous d'une grande exactitude. Ils correspondent à l'histoire. Bref, je conseille vivement ce livre !