Comment voyager dans les terres oubliées : Le livre de Sarah Brooks

« Comment voyager dans les terres oubliées » est un roman peu commun, qui nous plonge dans une uchronie originale, à bord d’un train qui transporte des passagers entre Pékin et Moscou. Pour cela, le train doit traverser des terres oubliées et de toute évidence dangereuses, au point qu’il y a des règles à respecter pour que le voyage se passe au mieux. Ce transsibérien étant le principal lieu de l’intrigue, on fait connaissance avec quelques-uns des passagers et membres du personnel. J’ai beaucoup apprécié l’ambiance et tout le mystère autour des terres oubliées. Que sont-elles exactement ? Mais c’est peut être aussi ce qui m’a empêchée d’avoir le coup de coeur attendu, car je ne suis pas certaine d’avoir tout compris de cette histoire. Néanmoins, j’ai tout de même passé un excellent moment, j’ai adoré prendre place dans ce train, découvrir chaque protagoniste et son histoire. Un voyage envoûtant, qui m’a séduite par son ambiance mystérieuse et son originalité.

Quand j'étais gosse, on apprenait à l'école que "L'Amour sépare la Chine de l'URSS". Une phrase qui m'a toujours laissée perplexe, un tantinet rêveuse . Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, beaucoup de pays ont changé de nom - à défaut de changer d'attitude - et les histoires d'Amour ont disparu des livres de géographie. Les terres oubliées ont pourtant continué leur vie, étrange et fantasque, dans les ouvrages de fiction . Et c'est avec un immense plaisir que j'ai lu celui-ci, qui rassemble tout ce que j'apprécie en quelques centaines de pages . Nous sommes à la fin du XIXe siècle, entre la Chine et la Russie. Mais pas telles que nous les connaissons . On ne parle pas d'Amour entre elles, juste d'un "No man's land" enserré entre deux murs gigantesques: les Terres oubliées, sujettes à des mutations étranges . Un univers qui rend fou dès qu'on l'observe, qui tue le voyageur de cent façons cruelles, tant et si bien qu'il n'existe plus qu'une façon d'effectuer le voyage: par le Transsibérien. Un train fermé dont on ne peut descendre . On ne peut même pas en ouvrir les fenêtres, de crainte que l'air extérieur ne contamine les passagers : ce serait alors la fin du voyage pour tous, puisque les mesures sanitaires prévoient dans ce cas de sceller les portières et de laisser agoniser l'ensemble des voyageurs. Mais pour l'heure, le Train n'a pas connu de drame majeur . Et le "voyageur prudent" qui se munit du guide éponyme de Valentin Rostov saura échapper aux hallucinations, aux appels des créatures maléfiques, aux rêves qui n'en sont pas . Pas de drame majeur, et pourtant ... la dernière traversée a vu revenir un équipage amnésique, des wagons abimés, sans que l'on sache vraiment ce qui s'était passé . La Compagnie ferroviaire a conclu à un défaut de fabrication du verre des fenêtres, et fait porter le chapeau au maître verrier . Point final . A l'heure de reprendre la route, les passagers sont impatients, les employés fébriles, et tout semble revenu dans l'ordre. Les apparences sont trompeuses . Un roman d'aventure plein de rebondissements, un livre que l'on dévore à la vitesse d'un train en marche, une belle réussite !

Prêt à embarquer dans le Transsibérien Express qui vous promet en destination les terres oubliées ? Alors suivez-moi ! Pour ma part je l’ai débuté sans attente particulière mais en ayant bien en tête son univers fantastique et je me suis laissée porter. Grand bien m’en a pris ! Nous sommes à Pékin en 1899, et malgré la dangerosité réputée du voyage après l’accident ayant eu lieu lors du précédent départ, les passagers sont au rendez-vous pour embarquer sur le Transsibérien, tous intrigués par le caractère mystérieux de la destination. Certains sont là pour vivre une expérience inédite, d’autres cherchent des réponses à leurs interrogations et certains font presque partie du décor, à l’image de Weiwei, l’enfant née dans le train et qui le connaît comme sa poche. Les voyageurs font connaissance entre eux, tout se présente sous les meilleurs auspices. Jusqu’à ce que des événements incontrôlables se produisent à bord... Ce roman qui mélange les genres, roman historique, d’aventure, fantastique et thriller à tendance horrifique m’a vraiment bien plu. Cet univers crée une ambiance propice à notre imagination et on embarque sans difficulté nous aussi à bord, on voyage et on vibre comme les voyageurs du Transsibérien. L’atmosphère devient assez vite sombre et inquiétante. Si le train est réellement le personnage principal de l’intrigue, cette dernière repose aussi sur trois personnages, Marya, Weiwei et Henry, et j’ai aimé les découvrir au fil de l’intrigue. C’est un récit qui prend son temps au départ, et malgré les genres différents, j’ai trouvé qu’il était facile de se laisser prendre par l’histoire. J’ai aimé la plume que j’ai trouvée fluide et captivante. J’ai un peu tardé à lire ce roman mais je trouve que finalement il est parfait pour la saison ! Si le mélange des genres ne vous fait pas peur, comme moi, n’hésitez pas à embarquer vous aussi à bord du Transsibérien, vous y passerez des moments forts en sensations ! Pour finir, un petit mot sur cette couverture absolument magnifique #128525;!

Voici donc un premier roman qui est une réussite : monde dense et crédible, tout en gardant une part inaccessible et mystérieuse, des personnages bien caractérisés avec un minimum de profondeur, une intrigue vraiment originale, et tout se passe dans un train ! A ce sujet, oubliez Le transperceneige de Rochette, la compagnie des glaces de Arnaud, ou l'orient express de Christie, ou les poèmes de Cendrars, le transsibérien de Brooks ne doit rien qu'à lui-même. Mmmm..... Je vais me contredire aussitôt, car la Sibérie de S. Brooks me fait bigrement penser aux terres désolées du Nausicaa de Miyazaki, et sa faune et flore, aux Omus, aux insectes mutants et au fongus de ces terres mortes. Et, bon, les quelques éléments autour des premières et troisièmes classes peuvent de très loin rappeler la lutte des classes chez Rochette, en bien édulcorée. Mais, car bien sûr il y a un mais, les choses évoluent avec une lenteur qui confine au poussif. N'ayez pas peur des redites, des retours, des évènements racontés x fois selon x points de vue. Pourtant, des romans sans actions comme Le désert des tartares, Gormengast, Le procès, étant justement sans action, ne produisent pas cet effet de pesanteur. J'ai dû m'accrocher par moment, mais ça en vaut la peine. Et le final est à la hauteur de l'énigmatique trajectoire du transsibérien de S. Brooks.