La ballerine de Kiev : Le livre de Stéphanie Perez

"L'art, quel qu'il soit, est toujours là pour consoler." Touchante rétrospective de la guerre en Ukraine, vue de l'intérieur, transcendée par la musique et la danse qui ont pu permettre à certain.e.s de survivre à l'horreur. Svitlana, la ballerine de Kiev, celle qui s'accroche désespérément à ses pointes et à son art, au travers les bombes de l'ennemi. Tout comme quelques collègues danseurs, elle décide de ne pas s'exiler comme plusieurs, afin de tenter de résister à l'envahisseur russe et de sauver ce qui reste de leur pays. La danse est leur seule arme. J'ai adoré la plume magnifique de l'autrice, tout en délicatesse, tout à fait à l'image de ces danseurs qui semblent s'envoler vers le ciel, envers et contre tout. Sublime!

Il y a quelques mois, j'ai été très touchée par Le Gardien de Téhéran, premier roman de cette autrice, j'ai donc naturellement eu envie de découvrir cette histoire vraie. Ce roman est brillant et je l'ai lu d'une seule traite, quasiment en apnée, regrettant presque d'arriver si vite à la fin. L'esthétique, la grâce et la beauté affrontent brutalement l'horreur de la guerre. Le bonheur fusionnel de Svitlana et de son époux Dmytro est décrit avec tellement de pudeur et de délicatesse qu'on en oublie à quel point la danse qui les unit est un travail douloureux. De l'univers protecteur et feutré de l'opéra, on passe à l'ambiance angoissante d'une cave dans laquelle il faut se réfugier pour échapper aux premiers bombardements. Leur vie bascule avec la déclaration de guerre : le bruit assourdissant des assauts, la faim, les corps meurtris, le départ volontaire des hommes sur le front... L'autrice montre avec subtilité le quotidien éprouvant et fragile de la population ukrainienne. Elle choisit de mettre en avant l'art et la culture comme un acte de résistance, mais aussi comme un rempart. La danse permet de survivre, de continuer à rêver et de tisser des liens. Le style impeccable de ce roman sensible et très documenté rend cette lecture indispensable et bouleversante de réalisme. Parfaitement abouti.

Avis sur La ballerine de Kiev – Stéphanie Perez Il est difficile de qualifier La ballerine de Kiev simplement comme un livre. Ce n’est pas juste une histoire : c’est une immersion totale dans un quotidien, dans une réalité brute — celle de la guerre en Ukraine. On y ressent la violence des massacres absurdes, la fragilité des vies brisées et, en même temps, cette force obstinée à continuer d’exister malgré tout. Stéphanie Perez réussit un tour de force : décrire l’horreur avec une forme de beauté. Son style, ses phrases, sa façon d’écrire… tout est lourd de sens et d’émotion. On ne lit pas ce livre, on le vit. Il souffle, il émeut, il frappe. Ce n’est pas uniquement l’histoire de quelques personnages, c’est celle d’une nation entière, de ses blessures, de ses espoirs, et des questions universelles que soulève la guerre. L’une de ces questions m’a particulièrement marquée : > « Doit-on censurer les œuvres du pays ennemi au prétexte qu’il nous agresse ? L’art n’est-il pas censé unir les peuples plutôt que de les diviser ? » À travers l’exemple du ballet et de la décision de ne plus jouer les œuvres de Tchaïkovski, le livre interroge sur le rôle de la culture en temps de guerre. L’art peut être un refuge, un point de lumière dans l’obscurité, mais aussi une arme douce pour affirmer l’identité d’un peuple et dire : nous sommes toujours là. La ballerine de Kiev est donc bien plus qu’un récit : c’est un témoignage vibrant, un hommage à la résistance culturelle et humaine. Un livre qui marque.

Comment ne pas se sentir pris aux tripes par ce récit ? Stéphanie Perez, l’autrice, a passé deux années de reportage sur le sol ukrainien. Réalités profondes de la guerre et vies de Dmytrio et Svitlana, danseurs étoiles s’entrecroisent ou plutôt s’entrechoquent. Mariés et couple de danseurs sur scène, leur vie dérape en février 2022 au début du conflit russo-ukrainien. Leur corps ne leur appartient plus. Nous sommes plongés au coeur de la guerre, peur et mort, blessures et mutilations, tortures, rien ne nous est épargné. Mais la danse devient le moyen de résister. On ne sort pas indemne à la fin de cet ouvrage. Bravo, je n’ai lâché aucun destin des personnages qui nous deviennent chers. La guerre n’est pas finie et je la "regarde" d’un autre œil...